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L’esclavage aboli, les lynchages ont commencé aux États-Unis, par Loïc Wacquant (Le Monde diplomatique, avril 2024)

ByVeritatis

Avr 7, 2024


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Kara Walker. – « Four Idioms on Negro Art #4 Primitivism » (Quatre idiomes sur l’art nègre n° 4 Primitivisme), 2015

© Kara Walker, courtesy of Sikkema Jenkins & Co. / Sprüth Magers

Pour contester les abus économiques dont ils étaient victimes en tant que métayers et les mauvais traitements personnels infligés par les Blancs au hasard des rencontres de tous les jours, le premier recours logique des Noirs aux États-Unis aurait été d’exercer une pression électorale sur les autorités. Mais si, sur le papier, les Afro-Américains avaient obtenu en 1870 le droit de vote en vertu du ­quinzième amendement à la Constitution fédérale, dans la réalité, ils ont été méthodiquement bannis des urnes dans tout le Sud. Un canevas de règles d’inscription byzantines, de conditions de résidence, de taxes de participation, de tests d’aptitude à la lecture, de déchéance automatique des droits civiques en cas de condamnation pénale, et la simple chicanerie et coercition des fonctionnaires locaux, ont fait d’eux des citoyens zombies dépourvus de toute capacité politique. Toute contestation de ces restrictions était elle-même étouffée, car « ne pas voter et ne pas se plaindre de ne pas pouvoir le faire faisait partie intégrante de la “place” de caste des Noirs ».

Lire la première partie de ces bonnes feuilles (mars 2024).

À l’approche des élections, les candidats blancs et la presse attisaient les passions raciales en déplorant l’« impudence » et les « outrages » prétendument commis par des Noirs libidineux à l’affût de femmes blanches. La saison électorale exigeait des Blancs qu’ils défendent le « front intérieur » en suggérant un lien direct entre le vote et le viol, l’accès des Noirs à l’isoloir et l’irruption imminente de l’immonde bête nègre dans la chambre à coucher, sanctuaire de la vertu des femmes blanches.

Lorsque les pressions informelles et la violence s’avéraient insuffisantes pour étouffer la clameur des Afro-Américains désireux de participer aux élections, les anciens États confédérés avaient recours à des machinations juridiques élaborées pour annuler le droit de vote de leurs citoyens noirs. Ici, comme sur bien (…)

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Loïc Wacquant

Professeur de sociologie à l’université de Californie à Berkeley et chercheur associé au Centre européen de sociologie et de science politique à Paris, auteur de Jim Crow. Le terrorisme de caste en Amérique (qui paraît aux éditions Raisons d’agir le 19 avril), dont nous avons publié un premier extrait le mois dernier.



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