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comment expliquer la flambée de cas dans le monde ?


3 mai 2024 à 09h21
Mis à jour le 3 mai 2024 à 11h27

Durée de lecture : 4 minutes

Alors que les cas de choléra se multiplient à Mayotte, Guillaume Constantin de Magny, chercheur en écologie de la santé à l’Institut de recherche pour le développement, explique à Reporterre les conditions de la propagation de cette maladie infectieuse. Et notamment pourquoi les événements extrêmes — qui se multiplient avec le changement climatique — amplifient les risques d’épidémie.


Reporterre — Le 1er mai, l’agence régionale de la santé de Mayotte enregistrait trente-sept cas de choléra dans le département de l’océan Indien. Quelle est la situation dans l’archipel ?

Guillaume Constantin de Magny — La contamination vient de migrants originaires des Comores, eux-mêmes malades, infectés par des bactéries vibrio choleræ qu’ils transportent avec eux. Leur très grande précarité économique et sanitaire favorise la propagation de la maladie. Le choléra est une maladie à transmission oro-fécale : la propagation se fait par la consommation d’eau souillée par des excréments contaminés et par celle d’aliments contaminés par des malades qui ne peuvent pas respecter les règles élémentaires d’hygiène comme se laver les mains.

Les camps de réfugiés sont donc des lieux très propices à la contagion et l’illégalité plonge les immigrés dans des conditions d’hygiène très mauvaises. Ensuite, il y a un effet dose-dépendant : plus il y a de bactéries larguées dans l’environnement, plus le risque de contamination augmente. Or, une personne dans un état immunitaire et nutritionnel critique sera plus infectée, donc porteuse de plus grandes quantités de bactéries ensuite relâchées par les fèces.

« Les mauvaises conditions sanitaires sont toujours en cause »

Les personnes fragiles, en particulier les enfants et les personnes âgées, sont aussi beaucoup plus vulnérables à la déshydratation liée aux diarrhées provoquées par la maladie, qui peut entraîner la mort dans les quarante-huit à soixante-douze heures.


Selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le nombre de cas déclarés dans le monde en 2023 est presque le double de celui de 2022, qui était déjà le double de l’année précédente. Pourquoi assiste-t-on à une flambée du choléra ?

Il est très difficile pour l’OMS d’obtenir des chiffres sur cette maladie, car de nombreux pays ne la déclarent pas, par peur de répercussions économiques sur le tourisme et sur leurs exportations de produits alimentaires. Les foyers épidémiques sont toujours très variables d’une année à l’autre. Mais les mauvaises conditions sanitaires, en particulier l’accès à l’eau potable, et des déplacements de personnes malades, sont toujours en cause à chaque nouvelle épidémie. Les cas de choléra à Mayotte sont liés à l’épidémie qui sévit actuellement dans les trois îles des Comores, qui serait elle-même liée l’arrivée d’un bateau en provenance de Tanzanie.

« Le seul vecteur, ce sont les déplacements humains »

L’homme est le seul porteur de la bactérie responsable du choléra [vibrio choleræ O1]. En Afrique, on ne trouve pas de persistance de ces bactéries dans l’environnement plus de quelques semaines au maximum après une contamination par des fèces humaines. Donc le seul vecteur, ce sont les déplacements humains, pour des raisons économiques, des conflits armés, mais aussi des réfugiés climatiques, ou même des pèlerinages comme pour l’épidémie de 2005 au Sénégal.


Face à l’intensité de l’épidémie actuelle, l’OMS incrimine « l’intensification des effets du changement climatique, tels que les sécheresses et les inondations »

Les événements extrêmes, qui vont se multiplier avec le changement climatique, conduisent justement à des déplacements de population : les gens fuient des régions inondées ou invivables à cause de graves sécheresses. Par ailleurs, les inondations accentuent largement la répartition des bactéries dans l’environnement, et donc la contamination de points d’eau. À l’inverse, les périodes de sécheresse concentrent les populations autour des points d’eau non taris, ce qui favorise aussi la contamination.



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