Les professionnels du tourisme ont gagné la bataille des piscines à Málaga. En dépit d’une sécheresse inquiétante, le gouvernement régional d’Andalousie est sur le point de lever presque toutes les restrictions au remplissage des bassins, à l’exception de ceux des résidences de particuliers. Pour le moment, cela concerne uniquement la province de Málaga, précisément parce qu’elle est « leader en matière de tourisme dans notre région », a annoncé le conseiller à l’Environnement du gouvernement andalou, Ramón Fernández-Pacheco, mardi 7 mai.
« Le remplissage des piscines y recouvre une importance particulière », a-t-il poursuivi. Cette mesure sera étudiée au cas par cas dans le reste de la région, en fonction de l’état des réserves d’eau. Il ne s’agirait que de remplir l’eau évaporée de piscines déjà pleines, a toutefois rectifié le gouvernement le lendemain.
« Décision peu prudente »
« Au regard des données disponibles, cette décision semble peu prudente », prévient Damián Ruiz Sinoga, maître de conférence en géographie à l’université de Malaga, spécialiste de la gestion des bassins versants. Malgré les pluies intenses de la Semaine sainte, fin mars, qui ont un peu soulagé la région, le niveau des réserves d’eau disponible en Andalousie atteint à peine 28 %, contre 34 % l’an passé à la même époque. Des niveaux très largement en dessous de la moyenne pour la même semaine sur les dix dernières années, 63 %.
Confronté à une situation critique en février, le gouvernement local avait monté d’un cran les restrictions d’eau dans l’ensemble de la province de Málaga, ainsi que dans certaines localités de celles voisines de Cadix et Cordoue. Les communes affectées n’ont plus droit qu’à l’équivalent de 160 litres d’eau par personne et par jour, au lieu des 200 attribués par la loi espagnole. Dans ces circonstances, le remplissage des piscines privées est interdit. Cela incluait normalement les hôtels, campings et appartements touristiques officiellement déclarés comme tels. Jusqu’à ce que l’exécutif régional ne décide de faire sauter le blocage pour ces derniers, le 14 mars.
« Les touristes ne se rendront pas compte du manque d’eau »
L’Andalousie dorlote son tourisme, qui représente 12 % du PIB régional. Particulièrement sur la Costa del Sol, dont Málaga est l’épicentre et où 18 % des actifs vivent de ce secteur. « Nous sommes préoccupés par la propagande [sur les problèmes que la sécheresse peut occasionner pour les visiteurs], alors que ce n’est pas vrai », assurait fin janvier Jacobo Florido, le conseiller délégué au tourisme à la mairie de Malaga, à l’agence de presse Europa Press.
« Les touristes ne se rendront pas compte du manque d’eau », prétendait quant à lui Arturo Bernal, le conseiller du gouvernement andalou chargé du tourisme, en mars, au salon mondial du tourisme de Berlin, rapporte l’agence EFE.
Leur crainte ? Perdre en attractivité auprès de pays comme le Royaume-Uni, premier fournisseur de touristes en Espagne, suivi par l’Allemagne et la France. Au moment où la presse internationale se demande combien de temps tiendra le modèle Sol y playa (soleil et plage) à des prix abordables, avec la sécheresse et les thermomètres qui grimpent.
L’eau coupée pendant la nuit
Mais le passe-droit accordé aux piscines privées passe mal, alors que le débat sur la participation des professionnels du tourisme à l’effort sur l’eau monte en Espagne. En moyenne, les touristes consomment plus par jour et par personne que les habitants. À Málaga, la pression de l’eau du robinet a été réduite dans plusieurs quartiers et plusieurs communes de l’aire urbaine la coupent même pendant la nuit.
Malgré ces effets concrets de la sécheresse, les propriétaires des logements utilisés par les touristes mais pas déclarés officiellement, comme ceux qui utilisent Airbnb, veulent aussi avoir droit à leur piscine. Sinon, l’association des professionnels de logements de vacances d’Andalousie craint de perdre 2,8 millions de visiteurs par an. Soit 4,83 milliards d’euros qui n’entreraient pas, selon les estimations du syndicat.
La décision ne répond à aucun critère technique pour Damián Ruiz Sinoga : « La province de Malaga est actuellement la plus affectée par le déficit d’eau. […] La pression sur les ressources que représentent les piscines n’est probablement pas énorme. Mais comment conscientiser les citoyens et instaurer une dynamique positive si on envoie le message qu’il n’y a aucun problème ? »