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La justice française protège le foie gras


17 mai 2024 à 09h45
Mis à jour le 17 mai 2024 à 11h58

Durée de lecture : 4 minutes

Strasbourg (Bas-Rhin), reportage

L214 a perdu la première manche de son combat judiciaire pour l’interdiction du gavage des oies et des canards. Le rapporteur public du tribunal administratif de Strasbourg a enjoint le juge à rejeter la demande de l’association de défense des animaux, qui estime que la France ne respecte pas le droit européen. Ses conclusions sont généralement suivies lors du jugement, qui sera rendu le 6 juin. L214 a annoncé son intention de faire appel en cas de décision défavorable.

C’est jeudi 16 mai, à la deuxième chambre du tribunal administratif de Strasbourg, que la greffière appelle la première affaire : « Violation des directives européennes sur le gavage des animaux par l’État français. » Dans la salle, les journalistes sont présents en nombre, le tribunal va devoir se prononcer sur la légalité du gavage des oies et des canards. Sa décision aura un impact direct sur la production de foie gras obtenu par ce procédé. Qu’on soit défenseur des animaux ou de la gastronomie traditionnelle, l’enjeu de l’audience est majeur.

Une directive européenne de 1998

La procédure a été lancée par une plainte déposée en 2020 par l’association L214. Elle attaque l’État français pour non-respect du droit européen en matière de protection des animaux. Plus précisément, d’une directive de la Commission européenne de 1998 qui fixe les règles dans les élevages de l’Union : « Aucun animal n’est alimenté ou abreuvé de telle sorte qu’il en résulte des souffrances ou des dommages inutiles. »

Pour l’association, ce passage interdit clairement la pratique du gavage. « La directive aurait dû être transposée en droit français, sauf qu’on s’est rendu compte qu’elle ne l’a pas été de cette façon, explique Brigitte Gothière, directrice de L214. On ne retrouve pas du tout l’interdiction de suralimenter, qui est pourtant le sens de cet article. »

« Si le tribunal nous donne raison, c’est la fin du gavage »

Également dans la ligne de mire de l’association de défense des animaux, un article du Code rural voté en 2006 qui rend obligatoire le gavage pour obtenir l’appellation foie gras. Pour Hélène Thouy, avocate de L214 : « Cette définition instaurée par le législateur est contraire au droit de l’Union et fait obstacle à toute alternative pour produire du foie gras. »

Hélène Thouy, avocate de L214, devant le tribunal administratif de Strasbourg.
© Adrien Labit / Reporterre

À travers cette procédure, l’avocate demande au tribunal de reconnaître que l’État est en infraction, de l’enjoindre à transposer intégralement la directive de 1998 en droit français et à déclarer inapplicable l’article du Code rural. La présidente de L214 résume le sens de cette action en justice : « Si le tribunal nous donne raison, c’est la fin du gavage. »

Le rapporteur public, un magistrat qui intervient de façon indépendante pour analyser le litige, a ensuite exposé ses conclusions devant la cour. Il reconnaît que la loi française ne reprend pas exactement les termes de la directive, mais « l’État n’est pas tenu de la transposer à l’identique », l’esprit du texte étant respecté selon le ministère de l’Agriculture. Quant à l’article du Code rural, le délai de recours est dépassé, ce point de procédure est donc frappé de prescription.

Pour L214, le coup est rude

« Nous admettons que le gavage est générateur de souffrances, a reconnu le magistrat. Mais est-ce une souffrance inutile ? » Là aussi, les éléments du ministère ont pesé : « L’existence d’alternative paraît marginale. » À l’issue de son exposé, le rapporteur public termine : « Nous concluons au rejet de la demande. »

Pour l’association L214, le coup est rude, les conclusions du rapporteur étant généralement suivies par le tribunal. Mais Hélène Thouy veut garder espoir : « La juridiction n’est pas liée à ces conclusions. Elle peut statuer de façon tout à fait différente. » L’avocate a, également, demandé au juge d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour interpréter les obligations que pose la directive. « Nous espérons que la CJUE soit moins en prise avec les problématiques des filières agricoles que les autorités françaises », justifie-t-elle.

L’avocate du ministère de l’Agriculture, quant à elle, n’a pas souhaité prendre la parole devant la cour. Le tribunal rendra sa décision d’ici au 6 juin. L’avocate de L214 a précisé qu’en cas de décision défavorable, l’association ferait appel.



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