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Le sionisme ou la folie identitaire

ByVeritatis

Mai 17, 2024


par le Pr. Djamel Labidi

J’ai regroupé dans ce texte des notes que j’ai prises, depuis le mois de février 2024, au fil du martyr de Gaza, sur le sujet du délire identitaire sioniste. J’avais été frappé par le fait que ce délire s’exacerbait au fur et à mesure que devenait insupportable, aux yeux du monde entier, les souffrances du peuple de Gaza. C’était comme si on l’avait déchainé, pour masquer à l’opinion occidentale, et avant tout aux juifs eux-mêmes, la monstruosité des crimes commis par Israël à Gaza. Je publie donc ces notes, telles qu’elles sont nées et se sont succédées, dans leur chronologie exacte jusqu’à ce jour.  

Note du 12 février 2024 – Face à la tragédie incommensurable de Gaza, une partie de l’intelligentsia juive française a sombré, dans le délire identitaire, abandonnant toute rationalité. Cela est même le cas  d’intellectuels juifs, connus auparavant pour leur clairvoyance et leur tolérance. Ils ont rejoint souvent les thèmes favoris du sionisme : complot contre les juifs, antisémitisme et même références bibliques.

Mais au fait, quelle est la définition de l’antisémitisme. Le dictionnaire dit «hostilité contre les juifs, racisme contre les juifs». On n’y parle donc pas de sionisme. Le sionisme a voulu construire le plus grand sophisme, la plus grande «entourloupe» de notre époque : Il a fusionné antisémitisme et antisionisme. Du coup, en Occident, il n’y a plus de place pour l’antisionisme. On en a même fait un délit puni par la loi. Une situation intenable puisqu’elle a aussi son revers de médaille en faisant par là même, de tout  juif, le responsable des actes sionistes. C’est ce que ne veulent pas les étudiants juifs aux États Unis et dans tout l’Occident : «Pas en notre nom», tel est leur immense cri d’indignation.

Le délire identitaire se déchaine

La propagande pro-israélienne veut faire oublier que l’attaque du 7 Octobre était avant tout une opération militaire et qu’elle s’est concentrée sur les installations de l’armée israélienne autour de Gaza, sur une armée occupante. Les données israéliennes elles-mêmes le disent puisqu’on elles ont mentionné plus de 300 soldats et officiers israéliens tués et que beaucoup des otages sont des soldats. C’est certainement cet aspect qui explique, le plus, la rage des dirigeants civils et militaires israéliens. On a cherché à faire croire que la cible a été des civils et les détails les plus horribles ont été donnés, sans qu’il y ait d’ailleurs la moindre image ou très peu à ce sujet. Ce récit, ou ses exagérations, soulèvent donc un large scepticisme et semblent devoir avoir le destin de celui «des armes de destruction massive», ou des «bébés sous couveuses» du Koweït, ces récits ayant précédé et justifié des agressions meurtrières.

Mais, à cette occasion, tous les ressorts de la douloureuse mémoire juive ont alors été réactivés : «Un pogrom», «le plus grand massacre de juifs depuis la Shoah» etc. Le délire identitaire s’est alors déchainé. Que se passera-t-il si on s’aperçoit, que tout cela était faux. Comment réagira alors la communauté juive ? Même s’ils ne sont découverts que bien plus tard, et que le mal est fait, les mensonges d’État détruisent profondément et durablement, tôt ou tard, l’image des gouvernants qui les ont commis, aux yeux même d’ailleurs de ceux qu’ils ont pu tromper.

Netanyahou dit et répète que l’objectif est de détruire le Hamas. Cela lui permet de  prolonger indéfiniment le massacre puisque cet objectif ne peut être atteint. En réalité, Netanyahou révèle tous les jours, que sa cible réelle est le peuple palestinien, le nettoyage ethnique de Gaza puis de la Cisjordanie. S’il en était autrement, il ne mènerait pas une guerre d’extermination et ses méthodes militaires et politiques seraient tout autre. La comparaison avec ce qui se passe dans le conflit en Ukraine est significative : Le nombre des victimes civiles, les «victimes collatérales», est de loin inférieur à celui des pertes militaires subies de chaque côté.

Les Américains, dans l’affaire, jouent le rôle du pyromane qui vient éteindre le feu. Le président Biden apparait le visage désolé, accentué par l’âge. La réalité est qu’il a envoyé un pont aérien de 230 avions cargos de bombes à Israël. Ne peut-on dès lors dire qu’il est plus responsable de ce génocide que ne le sont les Israéliens car il suffirait simplement qu’il arrête de les armer pour que tout s’arrête ?

Sur tous les médias occidentaux, on dit que Netanyahou a intérêt à poursuivre la guerre pour échapper à sa condamnation par la justice israélienne pour corruption. Ainsi donc le massacre des Palestiniens se poursuit pour que Netanyahou ne soit pas jugé tant qu’il reste au pouvoir ! On frémit de colère à l’écoute d’un tel argument. Des médias, des hommes politiques, vont jusqu’à l’utiliser sans honte, sans songer à l’énormité de tels propos, et à accepter qu’une guerre ait de telles motivations. Un système qui fonctionne de cette façon ne se condamne-t-il pas lui-même ?

Hiroshima, Nagasaki et Gaza

11 février 2024 – J’écoute, sur LCI, l’interview d’un psychiatre et écrivain français connu, Boris Cirulnyk, par Darius Rochebin, un animateur de plateau. L’interviewer le présente comme un scientifique, un neuropsychiatre d’exception.

Boris Cirulnyk raconte, d’un ton calme, qui inspire confiance, que «l’Histoire est pleine de massacres aussi graves ou plus graves qu’à Gaza». Où veut-il en venir ? C’est comme s’il y avait en surimpression, cet argument de «Pourquoi ne reproche-t-on qu’à Israël de tels massacres ?». «L’Occident n’en a-t-il pas fait autant ?». Et il ajoute d’ailleurs, d’une voix suave, modulée, et d’autant plus terrible, qu’il se souvenait, lui étant enfant, avoir vu «les gens danser de joie dans la rue  à la nouvelle de l’explosion des deux bombes atomiques d’Hiroshima et de de Nagasaki» et il précise, reprenant en cela l’argument de l’Histoire officielle aux États Unis, «car cela permettait d’écourter une guerre qui aurait fait 4 millions de morts si elle avait duré». Il dit  regretter d’ailleurs que Hitler n’ait pas accepté de capituler «ce qui aurait évité des millions de morts supplémentaires». Nous y voilà. On devine où finalement il voulait aboutir  lorsqu’il dit alors «Je ne comprends pas pourquoi le Hamas ne capitule pas. Il éviterait ainsi beaucoup de victimes». Qu’on retienne ces arguments. On les verra repris désormais à de nombreuses reprises sur les médias par des intellectuels et célébrités juifs. La boucle est ainsi bouclée, c’est le Hamas qui est responsable des souffrances des Palestiniens. Il pourrait tout autant dire, puisqu’on nage dans le délire et l’absurde, que ce sont les juifs qui sont responsables de la Shoah.

Celui qui parle ainsi est présenté «comme avoir échappé, enfant, à la Shoah», qui a emporté par contre son père et sa mère. On peut le supposer alors bien plus conscient, que le commun des mortels. On est en droit, par ce fait, de le considérer d’autant plus coupable d’inhumanité.

Il me semblait incompatible qu’un scientifique, apparemment de ce renom, tienne de tels propos Je me suis donc intéressé à lui. Et j’avais bien raison. Une recherche rapide sur Google permet de découvrir de nombreuses enquêtes bien documentées qui mettent en doute sa qualité de scientifique et notamment de neuropsychiatre. Certaines l’accusent même d’escroquerie intellectuelle. C’est.. rassurant.

Beaucoup d’intellectuels français, comme on le verra encore, parlent et pensent comme Boris Cyrulnyk. Ainsi Robert Badinter, grand humaniste, intellectuel réputé rationnel, éduqué par «la France des lumières», artisan de l’abolition de la peine de mort, tenait, peu avant sa mort, de semblables propos. Il reprenait même  le récit fantastique biblique d’une terre mythique d’Israël et de la dispersion des juifs après la conquête de la Palestine par les Romains.. On peut être inquiet de constater comment une partie de l’intelligentsia juive française a pu se laisser entrainer dans un délire identitaire, rejoignant  les thèmes centraux du sionisme.

Est-ce particulier à la France ? Une question à se poser car, il est remarquable, qu’au contraire de la France, on a vu se développer aux États-Unis, chez la jeunesse intellectuelle juive, et celle proche du parti démocrate, tout un mouvement de dénonciation des actes d’Israël ainsi qu’un mouvement juif antisioniste. Pourquoi cette différence ?  Peut-être parce que la France a été un pays colonial.

Le syndrome du «petit blanc»

La plus grande partie actuelle des juifs français vient des anciennes colonies d’Afrique du Nord où ils constituaient une part importante des partisans de l’Algérie française. Ils faisaient souvent partie des milices territoriales assistant l’armée coloniale française. L’exemple le plus connu en est Enrico Macias. Beaucoup se sont retrouvés ensuite en Israël sous la binationalité franco-israélienne. Leur style, leurs postures, leurs positions, leurs procédés, ressemblent beaucoup aux juifs partisans de l’Algérie française : colons actifs des territoires palestiniens, racisme anti palestinien («les Arabes sont des animaux» clame le ministre de la défense israélien), expéditions punitives et «chasse à l’arabe». Cela coexiste, en même temps, paradoxalement, comme dans l’Algérie coloniale naguère, avec le même discours, les mêmes convictions, en dépit de la réalité, d’une société israélienne humaniste, démocratique, sans discriminations raciales et sociales. Cela s’accompagne même d’un discours socialisant de certains partis, sur un  Israël assurant le progrès et la promotion de tout le monde, bref tout l’arsenal idéologique du colonisateur.

Il serait intéressant d’ailleurs de faire une étude sociologique sur les juifs israéliens et leur répartition politique en fonction de leur provenance géographique. On estime que les Israéliens provenant des pays arabes et plus particulièrement du Maghreb, ceux qu’on appelle les «juifs sépharades» ont été victimes de discriminations en Israël de la part des juifs provenant des pays occidentaux, «les Ashkénazes». Ces derniers se sont érigés en élites dirigeantes. Cela a exaspéré, chez les Sépharades en particulier, un syndrome bien connu, et largement étudié, celui «du petit blanc». Leur acharnement à défendre une société de nature, au final, coloniale et suprématiste, est d’autant plus grand qu’ils sont souvent de condition modeste et qu’ils tiennent leur privilège de leur appartenance à cette société, et non de leur positionnement économique et social. C’était aussi le cas dans les pays coloniaux, c’est encore le cas aux États-Unis, et dans les pays occidentaux, et d’autres pays, par rapport aux migrants et les minorités marginalisées. Dans ce contexte, le terme «blancs», est devenu un véritable concept social, générique, même s’il n’a souvent rien à voir avec la couleur de la peau. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’esprit «petit blanc» touche en Israël les juifs israéliens qu’on serait bien en peine de distinguer physiquement des populations palestiniennes ou arabes. D’où l’usage qui est fait du port de la kippa, plus comme signe extérieur d’identité et d’identification que de foi religieuse.

La société sioniste israélienne est une société habitée par le mensonge, les non-dits, les apparences trompeuses, et tout le monde le sait et tout le monde se tait. C’est une société profondément déséquilibrée, malade, pathologique socialement. Les massacres qu’elle commet à Gaza n’en seraient-ils pas un symptôme, ne sont-ils pas le signe de ce déséquilibre. Libérer les juifs du sionisme, c’est les libérer de l’ascendant, de la dictature d’une idéologie qui les perturbe profondément. C’est les libérer eux-mêmes. En ce sens, la libération de la Palestine, c’est aussi la libération des juifs.

Une relation toxique

8 mai – Le président Biden annonce  qu’il a stoppé une livraison d’armements militaires vers Israël suite au refus de celui-ci d’arrêter son opération de Rafah. Il s’agit d’une cargaison de 3500 bombes : 1800 bombes de près d’une tonne chacune, et 1700 bombes de 225 kg. Une partie est des bombes Mark 24 à fragmentations. Ces bombes sont connues pour être destinées à causer le maximum de dommages aux personnes. Qui est le plus coupable des crimes de guerre à Gaza : Biden ou Netanyahou ? À chacun de juger de ces velléités humanitaires tardives du président Biden.

Mais cet épisode est significatif aussi d’une autre manière. Le président Biden se heurte à un refus arrogant des dirigeants israéliens, d’arrêter leur opération à Gaza. «Nous combattrons au besoin seuls» lui répond le Premier ministre israélien dans le pur style de la posture sioniste, à la fois victimaire et sûre d’elle. Les États-Unis et Israël sont dans une relation toxique. À certains moments, on ne sait plus qui domine l’autre. Parfois la créature échappe à son créateur. Le sionisme, dans sa soif de puissance, a voulu s’approprier celle des États-Unis. Mais la créature ne peut échapper durablement à son créateur. Ce qui se passe en ce moment dans les mouvements des universités américaines en est une indication. Cela s’annonce très grave pour le sionisme et son influence. Ce n’est pas seulement un mouvement de solidarité avec le martyr du peuple de Gaza, c’est aussi un mouvement de défense des intérêts des États-Unis, trop souvent méprisés, et relégués au second plan par Israël et ses relais dans le système du pouvoir aux États-Unis.

L’Eurovision

12 mai – Finale du concours de l’Eurovision. Un simple évènement comme celui-là donne la mesure de la schizophrénie dans laquelle s’enfonce «l’Europe pro-israélienne». Avec l’Eurovision, cette Europe nous dit, dans un déni inquiétant de la géographie, qu’Israël est un pays européen en même temps qu’Israël clame, par ailleurs, son droit sur «la terre promise», qui, elle, se trouve… en Palestine.

Les manifestants en Suède demandent qu’on exclue Israël de la compétition pour crime de génocide. Les dirigeants européens et les médias porte-voix clament comme un seul homme «qu’on ne doit pas faire entrer la politique dans l’Eurovision». Ah, bon..? Et les sanctions contre la Russie, aux Jeux olympiques, aux championnats du monde ? Dans nombre de manifestations culturelles et artistiques européennes ? Là, ce n’était donc pas de la politique ? Israël n’a-t-il pas violé des dizaines de résolution de l’ONU, dont la dernière, le 25 mars 2024, sur un cessez le feu ?

Cela donne une idée des incohérences dans lesquelles se débat l’Occident. Cette question des incohérences occidentales, qui ne cessent de se reproduire et de se développer, devient un problème majeur. Pourquoi il ne peut être question de telles incohérences dans le monde non occidental, et pourquoi, là, la condamnation apparait, limpide, des crimes israéliens à Gaza ? Tout cela révèle une situation de grande gravité, de dangers extrêmes pour l’avenir humain, dont on n’a peut-être pas pris encore la mesure exacte.                                    

Une petite musique, cynique, terrible, circule de plus en plus dans les médias occidentaux dominants. Elle est d’évidence concertée et est portée par de petits cercles de l’intelligentsia juive, qui démontrent par là-même à quel point ils se concertent dans un combat idéologique qu’ils sont, d’ailleurs, de plus en plus portés à mener directement eux-mêmes, sans intermédiaires, dans les médias, ce qui donne la mesure de leur isolement. C’est l’argument, déjà évoqué plus haut, que les victimes des massacres de Gaza sont à comparer avec celles d’autres massacres, commis, eux, par l’Occident et l’Europe : Hiroshima et Nagasaki, Dresde, en Allemagne, en février 1945, Mossoul en Irak de 2016 à 2017. Ils ajoutent, ce qui serait simplement aberrant si ce n’était aussi monstrueux, que c’est une sorte de discrimination à l’égard d’Israël, qui, lui, tout compte fait n’a pas tué autant d’Arabes que n’ont tué de personnes, dans le monde, les armées occidentales. Certains se hasardent même à qualifier cette «discrimination» d’une forme d’antisémitisme ! Une querelle de criminels sur «qui a tué le plus». Voilà où en est «la Civilisation». Cette comparaison, faite par le discours sioniste lui-même, entre les crimes de guerre israéliens et ceux de l’Occident dans l’Histoire récente, est significative : le sionisme se retourne désormais contre son protecteur, son bienfaiteur, parce que celui-ci ose le critiquer et il donne à celui-ci l’ordre de se taire. C’est le signe d’une arrogance sans limite, délirante. Le sionisme, au stade final de son délire, finit par considérer le monde entier comme antisémite.

10 mai 2024.  Il faut retenir cette date

La représentation de ce délire du sionisme, à son apogée, se déroule le 10 mai 2024. Il faut retenir cette date. Ce jour-là, du haut de la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, devant l’Assemblée du monde stupéfaite, l’ambassadeur d’Israël détruit la Charte de l’ONU, le seul document qui fédère l’Humanité. Il avait déjà déchiré, devant les yeux de tous, le 30 octobre 2021, un rapport du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU condamnant les crimes d’Israël. Il l’avait fait avec un sentiment d’impunité. Aucune sanction n’avait été prise, comme ce serait le cas dans n’importe organisation ou la moindre association dans laquelle un membre se comporterait ainsi. C’est dire l’humiliation du monde. Cette fois ci, preuve de la préméditation, le représentant d’Israël a apporté une machine à déchiqueter le papier, celles utilisées pour ne laisser aucune trace lisible d’un document. Il y introduit lentement, feuille par feuille, le texte de la Charte de l’ONU et le réduit en minces lanières de papiers, en miettes, ostensiblement, aux yeux de tous. Quel État oserait faire cela dans le monde ? Voilà ce que le peuple de Gaza affronte. Cette arrogance portée à son paroxysme est tout un symbole. L’ambassadeur d’Israël veut montrer ainsi la force écrasante d’Israël, sa toute puissance. C’est le message adressé par le sionisme, au monde entier. Il l’informe qu’il est au-dessus des lois, au-dessus du commun des mortels, de la simple humanité, seul au besoin contre toute l’Humanité, détenteur de la vérité, bref, qu’il est de droit divin. Le sionisme apparait ce jour, dans toute sa vérité, dans sa folie. 

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