• lun. Sep 30th, 2024

« Catholiques, nous sommes pour une conversion écologique radicale »


Laura Morosini est directrice des programmes Europe du Mouvement Laudato si’. Elle a été coordinatrice du Plan climat de Paris et porte-parole des Amis de la Terre France.


À trois semaines des élections européennes, un observateur distrait pourrait assimiler conservatisme et catholicisme, voire s’inquiéter légitimement qu’une partie des personnes qui se disent catholiques opte pour des partis xénophobes et climato-immobiles, voire climatosceptiques. Mais, si une étude récente sur les catholiques français montre que 20 % sont peu sensibles ou sceptiques sur l’écologie, les 80 % restants ont perçu le message papal.

En 2015, le pape François publiait un ouvrage fondamental, le premier consacré uniquement à l’écologie au sein de l’Église catholique : Laudato si’. Il appelle à une conversion écologique radicale dans un « appel urgent » à prendre « soin de notre maison commune », faisant un lien fondamental entre la question écologique et la question sociale (« Il n’y pas plusieurs crises, mais une seule crise » car « tout est lié ») et en s’adressant à « toutes les personnes de bonne volonté », donc pas seulement à la hiérarchie ou aux catholiques, pour agir dans le « dialogue ».

Pour qui a suivi le voyage du pape à Marseille en septembre 2023, il a également été très clair sur le devoir d’accueil des migrants. Une sculpture en hommage aux exilés est d’ailleurs apparue sur la place Saint-Pierre en 2019, unique innovation en ces lieux depuis des siècles.

Des combats autour du monde

La lettre encyclique Laudato si’ n’est pas « sortie de la mitre » papale, mais s’appuyait sur nombre de déclarations et réflexions issues essentiellement des pays du Sud global : d’Afrique, vient l’idée de s’attaquer aux systèmes politiques et économiques et pas seulement aux « choix » individuels ; d’Amérique du Sud, l’importance de soutenir les peuples autochtones, meilleurs gardiens de la biodiversité ; quant à l’Asie, on notera que les évêques des Philippines ont opté pour le refus clair et net de tout investissement et de toute donation issus d’argent noirci par les combustibles fossiles.

On ne compte pas l’engagement des religieux sud-américains contre l’extractivisme — au point d’être menacés — et contre Monsanto, ou celui des sœurs new-yorkaises dans des marches climat ou contre des oléoducs.

Les luttes du Sud global se reflètent régulièrement dans des prises de position du pape François

Les combats sont également nombreux en Afrique, de la lutte victorieuse en République démocratique du Congo pour protéger de l’appétit des pétroliers le parc Virunga à la lutte contre l’oléoduc Eacop projeté par TotalÉnergies et la China National Offshore Oil Corporation en Afrique de l’Est, qui donne lieu aujourd’hui encore à un harcèlement des militants issus de diverses croyances.

Tout ce vécu de luttes valeureuses et souvent dangereuses et la réflexion qui en a découlé ont alimenté le texte du pape argentin : les 1,2 milliard de catholiques dans le monde sont bien différents des stéréotypes bourgeois et surannés du film La vie est un long fleuve tranquille.

Les luttes du Sud global se reflètent régulièrement dans des prises de position du pape François et sont arrivées jusqu’à la « veille Europe » (la moyenne d’âge des chrétiens du Sud est beaucoup plus jeune). Les structures continentales de l’Église institutionnelle créées dans les années 1970 (Celam en Amérique latine, Secam en Afrique, FABC en Asie) n’hésitent pas à prendre des positions critiquant Eacop en Afrique ou poussant pour le Traité de non prolifération des combustibles fossiles en Asie.

Une coalition européenne

En Europe, sept des principales structures catholiques (CIDSE, Caritas, Secours catholique) ont construit la coalition European Laudato si’ Alliance, qui intègre aussi la Comece (représentation des conférences des évêques européens à Bruxelles) pour converger sur l’écologie. Ensemble, ils ont décidé de faire appel à cinq universités pour réaliser un état des lieux de l’avancée de l’écologie chez les catholiques européens, est présenté lundi 20 mai.

Elle a révélé un foisonnement insoupçonné d’initiatives : 280 organisations, réparties sur vingt pays européens, y ont participé. On peut ainsi constater que Laudato si’ a eu un impact sur 95 % des organisations répondantes et que 36 % ont profondément modifié leurs manières de faire.

En Europe, inspirées par le Mouvement Laudato si’, plus de soixante-dix structures ont décidé de sortir leur épargne des combustibles fossiles. Elles envoient ainsi un message fort : le soutien aux énergies fossiles est un problème éthique grave, au même titre, par exemple, que le commerce des armes, déjà exclu de l’épargne des congrégations religieuses.

Sur le terrain, on voit des processions avec une Madone du climat aux Pays-Bas, du maraîchage bio dans les monastères, la bénédiction par des évêques des chrétiens partant en manifestation écolo à Bruxelles, des pèlerinages à vélo…

Coopération avec d’autres religions

L’étude montre aussi que les actions écologiques sont une occasion de coopérer avec d’autres religions ou avec des structures de la société civile dans 81 % des cas. Ceci est assez évident lorsqu’on observe les initiatives Église verte en France, où fleurissent les jardins partagés ouverts sur les quartiers, les ateliers de réparation de vélo, les initiatives zéro déchet…

Certains groupes, comme Chrétiens unis pour la Terre ou Lutte et Contemplation sont également présents dans les marches climat, sur des luttes de terrains (de Notre-Dame-des-Landes à Saint-Soline ou à Green Dock) mais aussi osent défier les puissants comme TotalÉnergies, appliquant le verset biblique « Il a renversé les puissants de leurs trônes, il a élevé les humbles » (Luc 1:52), en multipliant les veillées, jeûnes et cercles de silence face à l’entreprise qui promeut encore des bombes climatiques, comme Eacop.

En ce moment, alors même que le Pacte vert européen est attaqué, des chrétiens se mobilisent sur tout le continent pour rappeler aux candidats que c’est l’écologie qui construira l’Europe pacifique de demain.





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