Une procédure collective contre l’Etat est lancée par l’avocate Corinne Lepage pour dénoncer les conditions de vie des riverains de zones agricoles. Ces derniers s’estiment en effet victimes des épandages de pesticides. Selon l’ancienne ministre, certaines des mesures inscrites dans le nouveau plan Écophyto sont « une infamie ».
Tandis qu’un recours avait déjà été déposé en 2019 pour « inaction fautive de l’Etat dans le refus d’interdire la mise sur le marché de produits toxiques », pointant plus particulièrement le glyphosate, Corinne Lepage annonce le lancement d’une nouvelle plate-forme : Agir collectivement. Celle-ci permet aux riverains vivant à proximité des parcelles épandant des produits « phyto » de demander réparation à l’Etat. En effet, la santé des victimes « non professionnelles » ne serait pas suffisamment prise en compte.
Dans un entretien pour Le Parisien, l’avocate explique à quel point elle est frappée par la présentation du plan. En effet, il « reconnaît noir sur blanc une présomption forte de lien entre l’exposition aux pesticides et plusieurs pathologies ». Cependant, bien que le plan reconnaisse ces pathologies, il ne les inclut que dans le cadre des maladies professionnelles.
« Or, les riverains des zones agricoles y sont eux aussi exposés. Et à la différence des agriculteurs qui portent des tenues de protection, des gants, des lunettes et se couvrent le visage lors des épandages, ils n’ont rien. »
Pourtant, les agriculteurs sont tenus de respecter des distances de sécurité à l’abord des habitations. Une mesure que Corinne Lepage estime « ridicule ». En effet, on ne parlerait là que de 5 ou 10 mètres, tandis que l’avocate souligne que « le nuage de pesticides ne décroît qu’au-delà de 150m » sur la base d’études menées à ce sujet.
Pour répondre à cette problématique, le plan Écophyto semblait pourtant envisager « la possibilité de financer un dispositif d’indemnisation des riverains, voire d’autres catégories de personnes ayant contracté une maladie d’origine non professionnelle en lien avec l’exposition prolongée et répétée aux produits phytopharmaceutiques ». Une mesure dans le vent selon l’experte, qui qualifie cette mention de pure communication. En effet, le plan préciserait par ailleurs que « cela impliquera de réfléchir à un dispositif différent de celui existant depuis 2020 pour la prise en charge des victimes professionnelles, prévue dans le cadre du Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides ». De plus, « la présomption d’imputabilité prévue par les tableaux des maladies professionnelles ne sera, par définition, pas applicable dans un cadre autre que professionnelle ». Alors, des preuves souvent impossibles à apporter par les riverains doivent pourtant être présentées pour qualifier d’une maladie similaire à celle professionnelle. Enfin, elle souligne l’erreur du ministre actuel de l’Agriculture de ne pas souhaiter interdire l’usage d’un pesticide dès lors qu’il n’existe pas de produit de substitution. Une situation complexe où l’avocate s’insurge en estimant que c’est là bien la preuve que « dans ce plan Écophyto, la santé ne prime pas. ».
Des recours administratifs sont aujourd’hui envisagés contre l’Etat pour certaines catégories de victimes, toutes riveraines de zones agricoles.