Preuve qu’il n’est pas forcément nécessaire de connaître les paroles d’une chanson pour la vivre, nous avons assisté à ceci, mon Toutou et moi-même, le lendemain au soir de notre retour motorisé en région parisienne. (1)
Tandis qu’au gré de la balade nocturne spartiate, qu’il effectuait en pèlerinage canin (2) en périphérie de l’hôpital psychiatrique Bernard-Henri Lévy (3) de Villejuif, Jacki m’a conduit subrepticement (4) dans ce magnifique petit jardin, enivrante oasis de verdure au milieu de tant de goudron et de béton.
Ce petit jardin est contigu au Parc Émile Zola, un parc public qui a cette particularité géographique que je trouve amusante. Son entrée Est (l’autre est à l’opposé : à l’Ouest) est située pile exactement à l’endroit où, sur le cadastre 94*, ces trois « communes » (dénomination légale des collectivités territoriales qu’on appelle communément des « villes ») que sont Vitry-sur-Seine, Ivry-sur-Seine et Villejuif, ont justement une tri-intersection « commune » (l’adjectif « commune »).
Et ceci sans que Raymond Devos (le maître des jeux de mots), ni Laurent Ruquier (le millimètre), n’y « soit » pour quelque chose. (5)
Donc voici ce à quoi nous avons assisté dans ce magnifique petit jardin, vendredi dernier au soir. Vendredi et samedi, plus précisément, car c’était autour de minuit.
Postérieurement à ce que Jacki (6) « eut eu » (dépêche-toi !) généreusement offert à Dame Nature, délicatement posé sur la pelouse, un superbe échantillon, gratuit et bien moulé, de l’engrais naturel bio (7) qu’il expulse, comme tous les chiens (c’est le but principal de la promenade), après avoir fait un tour sur lui-même, à savoir afin de s’assurer qu’il n’y a pas aux alentours, quelqu’un qui pourrait profiter de cet instant (magique, niveau soulagement, mais très dangereux question sécurité) pour lui nuire un tantinet (et plus si affinités), ou pour lui en tenir grief à l’oral.
En fait, un peu comme nous, quand nous y procédons autre part que dans un local qui y est dédié.
Immédiatement après cela, vous dis-je, Jacki s’en est allé, fièrement et sociable, saluer à sa façon (du bout du museau et en tortillant du croupion) le jeune homme et la jeune femme (19 ans chacun) qui, juste avant qu’il ne les « interrompisse » (8) ainsi, échangeaient avec passion leurs bactéries salivaires respectives. (9)
J’entends par là, en un long ballet buccal endiablé, mené fougueusement par leurs langues gourmandes. Oui : un baiser d’amoureux. Un baiser qui fait la nique à ces recommandations sanitaires étatiques (« Ceci est un message du Gouvernement »), écholalies moroses et nauséeuses, qui, au faux prétexte de vouloir soi-disant retarder notre mort, nous empêchent de profiter de la vie, si jamais on les suit. Mais pas que.
En effet, leur baiser faisait état, en l’occurrence, en sus, d’une grande frustration. La frustration palpable de ne pas avoir à leur disposition, un endroit pour pousser un peu plus loin leur complicité corporelle. Un endroit où joindre, non pas « l’utile à l’agréable » (quoi que ?), mais un endroit où joindre leurs intimités dans l’intimité. C’est-à-dire pour copuler, se faire des câlins, des coquineries tactiles à l’abri des regards indiscrets. Ou pire ! malveillants et inquisiteurs.
Ils étaient trop mignons. « Trognons » (c’est mieux), puisqu’ils croquaient la pomme, innocemment, nos Adam et Ève du lieu, insoucieux et fringants.
Et j’ajoute à cela, fort sympathiques au demeurant, souriants, polis et avenants qu’ils se montrèrent.
C’est la raison pour laquelle je me suis permis de leur chanter ce refrain, a capela (Jacki avait oublié sa guitare). Ces paroles d’une chanson de Monsieur Georges Brassens (10) qu’ils ne connaissaient pas jusqu’alors, ils étaient en train de les vivre, néanmoins, mais avec en plus le sourire aux lèvres :
« Les amoureux qui s’ bécotent sur les bancs publics, bancs publics, bancs publics,
en s’ foutant pas mal du r’ gard oblique, des passants (z)honnêteuh.
Les amoureux qui s’ bécotent sur les bancs publics, bancs publics, bancs publics,
en s’ disant des « JE T’AIME » pathétiques, ont des p’tites gueules bien sympathiques. »
S’embrasser sur les bancs, en attendant les bans.
(l’annonce officielle de leur mariage)
« Merci Monsieur ! »
m’ont-ils dit, ravis qu’un troubadour ad hoc ait rendu hommage à leurs émois.
Un ménestrel très peu doué, certes, question chant et substantialité de l’organe
(« N’est pas Luciano Pavarotti qui veut ! », et il a raison, nous dit Rocco Siffredi)
mais qui leur a offert cela en live : à deux mètres à peine, et rien que pour eux deux.
Non. Merci à vous, sémillants amants : vous m’avez rajeuni de 20 ans. De 30 ans. De 40, même ! Purée ! C’est fou comme le temps… et vite. Trop vite.
1) « notre retour motorisé en région parisienne » : voir à ce sujet les deux épisodes précédents : « Solidarité et confiance, la vie made in Normandie » et « La pêche miraculeuse ».
2) « la balade nocturne spartiate, qu’il effectuait en pèlerinage canin » : en Normandie, Jacki s’est amouraché d’une femelle berger allemand, que son propriétaire a eu l’idée saugrenue d’appeler « Blondie », en référence au nom de la femelle berger allemand d’Adolf Hitler. Oui, comme si le fait qu’en outre il s’agit d’une femelle berger allemand « de l’Est » (Roland Madgane), ne suffisait pas déjà, à ce que des esprits mal placés « pussent » (quels drôles de « tiques ») le taxer vilement d’avoir des pulsions antisémites. En plus de ses penchants zoophiles, eux parfaitement naturels et légitimes.
En tout cas, ce ne sont pas les « Cortes Générales » (les deux assemblées parlementaires espagnoles) qui peuvent décemment les lui reprocher.
Les députés et sénateurs hispaniques ont récemment adopté une loi qui a dépénalisé la zoophilie.
3) « « Hôpital psychiatrique Bernard-Henri Lévy de Villejuif » : en réalité, il s’agit de l’hôpital Paul Brousse. Mais si j’en crois un Mouammar Kadhafi à qui la folie guerrière de BHL a valu d’être assassiné, c’est à la fois moins risible et moins approprié de dire « Hôpital psychiatrique Paul Brousse de Villejuif. » Donc étant donné que, pour de vrai cette fois, l’hôpital Paul Brousse est situé sur la commune de Villejuif, j’ai opté pour la version avec le mari d’Ariel Sharon. Arielle Dombasle ! pardon. Comme dirait ce crotale (bonimenteur patenté qu’il est) : ma langue a fourché.
4) « subrepticement » : car en fait c’est Jacki, le chien, qui décide du parcours.
5) « soit » au singulier et non pas au pluriel. Car à l’inverse de « ou », où là – Ouh la la ! – il faut utiliser le pluriel (puisque c’est aussi bien l’un ou l’autre, ce qui en fait deux, qui peuvent s’y coller), dès lors que ce n’est « ni » l’un, « ni » l’autre, il « n’y » en aucun. Et du coup, bin, il faut conjuguer au singulier. Et ceci avec ou pas (c’est selon le sens de la phrase), le « ne » qui marque la négation, ou le « ne », figure de style, qu’on appelle « explétif », parce qu’en fait, grammaticalement, il ne sert à rien : on l’ajoute pour faire joli. Comme dans cette phrase que « Jenny » (et non pas « je nie »), une amie palefrenière géniale, « non venimeuse », elle (l’explication est dans la phrase ci-dessous), la phrase que Jenny m’a confiée pour vous à cet effet, car elle illustre tout cela exhaustivement :
« Il n’y a ici, ni nid de vipères, ni cheval qui ne nie pour rien, ni hennisse niaisement. Que nenni ! »
(au sens ici que quand le cheval nie, il le fait pour quelque chose : phrase positive, donc « ne » explétif, et que quand le cheval hennit, il ne le fait pas niaisement : phrase négative, donc pas de « ne » explétif).
NOTA : l’utilisation du « ne » explétif, exige l’adjonction des pronoms relatifs « que » ou « qui », et, à l’opposé, la non-utilisation du « ne » explétif, impose la non-utilisation de ces pronoms.
Comme dirait Corinne Charby, la sublime interprète de « Boule de flipper » : si quelqu’un a compris peu ou prou quelque chose dans tout ce charabia, il a droit à une partie gratuite.
6) « l’engrais naturel bio » (de Jacki) : des déjections que je préfère voir trôner sur une pelouse plutôt que sur mon tapis.
7) avant qu’il ne les « interrompît » (imparfait du subjonctif), aurais-je dû dire, en vérité, règle grammaticale de la concordance des temps oblige.
Toutefois, néanmoins, cependant et malgré tout, comme Jacki, juste avant, avait fait aussi, çà et là, un petit pipi, j’ai opté pour « avant qu’il ne les interrompît » : je trouve que c’est marrant.
Et c’est également en référence, au fait que j’ai apprécié qu’il caquât, comme je viens de vous le dire (voir supra), non pas sur mon tapis mais sur la pelouse, à savoir le verbe « caquer » (12), lui aussi là à l’imparfait du subjonctif :
« Caquer : (terme familier lyonnais, équivalent du « caguer » marseillais) : déféquer. »
Exemple :
- César : « Dis ! T’as pas bientôt fini ? Moi aussi j’ai envie de caguer ! »
- Monsieur Brun : « Fichez-moi la paix ! Laissez-moi caquer tranquille. »
(dialogue extrait de « Marius », « Fanny » et « César », la trilogie de Marcel Pagnol)
Allez savoir pourquoi ? cette scène « clé » du film, a été coupée au montage. Peut-être parce que, histoire de faire plaisir à un ami rabbin ou imam chiite, Marcel Pagnol a jugé opportun de circoncire ce passage de la sorte ?
Si je dis scène « clé », c’est parce que cette scène donne aux spectateurs, la réponse à la question qu’ils se posent, les trois épisodes durant, concernant le point central de l’intrigue :
« Merde ! Pourquoi, peuchère, cet enculé de César, il arrêteuh pas de faire chier Monsieur Brun ? »
Oui. Ça, c’est quand c’est un spectateur marseillais qui s’en interpelle.
« Merdum ! Pourquoi diantre ce diable de César n’arrête-t-il pas de faire chier Monsieur Brun ? »
Ça, c’est quand c’est un spectateur lyonnais.
Et ça, c’est quand c’est un spectateur chinois :
« 该死的!为什么,小姑娘,这个混蛋塞萨尔,他不停止惹布伦先生生气 ?»
Pour ceux qui veulent s’y risquer, voilà à peu près comment ça se prononce :
« gāisǐde!wèishénme xiǎogūniáng zhège húndàn sàisàěr tābù tíngzhǐ rě bùlún xiānsheng shēngqì »
Oui. Le spectateur chinois en question a un accent marseillais. Merci à Farid, alias Docteur Alwest, pour la précision. J’ai plagié céans une réplique culte de son dernier spectacle : « Vive Macron ! »
8) « Les bancs publics » (Georges Brassens)
9) « eut eu » (généreusement) offert : le passé antérieur du verbe « offrir », à ne pas confondre avec
« Hue ! Hue ! », le cri que crie au cheval presque tué, le VRP chez « UHU » (la marque de colle),
mi-anglais, mi-français, lorsqu’il est pressé. C’est-à-dire, en franglais, « l’ « horse kill » » est pressé, à savoir « killed » (tué) sans le « ed » du participe passé, le cheval (« horse » en anglais), étant « presque » tué (rappelez-vous), et non pas totalement « killed. »
Oui : je sais. C’est un peu « capillo-tracté » (tiré par les cheveux). Désolé.
Jack Russel (un chien anglais) français qu’il est, Jacki, de fait, est mi-anglais, mi-français. Et vu qu’il est toujours « glued » à mes baskets, fatalement il déteint sur moi : « Fuck off ! »
10) Gaulois réfractaire dans l’âme que je suis, l’incivilité insolente (apanage de la jeunesse rebelle), matérialisée par le mépris des gestes barrières qu’ils affichaient là éhontément ; l’incivilité insolente de ces deux tourtereaux m’a envahi, merveilleuse, tel un enchantement. Du pur bonheur. Un instant, hélas fugace, de félicité. Et je tiens d’ailleurs à les en féliciter.
11) merci et bravo à mon tonton, Jean-Pierre de son prénom : l’ajout de « caquât », l’idée est de lui.
* « cadastre 94 » : le cadastre du Val-de-Marne