26 août 1973
Le Quotidien de Marseille En « une » : Tuerie dans un bus
Dans un accès de démence, un passager immigré algérien a égorgé le chauffeur à son volant et poignardé quatre passagers.
27 août 1973
Communiqué des syndicats : Les funérailles de Guerlache auront lieu mardi 28 août. La population est appelée à s’y associer. Le fait que l’assassin soit un immigré ne doit pas conduire au développement du racisme.
Marseille, 10 heures du soir, le 28 août 1973
Le quartier de l’Opéra, en plein centre-ville, le quartier des bars américains à « clientèle montante » est désert, personne dans les rues, toutes portes closes, toutes lumières éteintes, sa façon à lui de rendre hommage à Guerlache, le traminot marseillais, égorgé l’avant-veille à son poste de travail, qu’un cortège de plus de cinq mille personnes a porté en terre aujourd’hui, dans un air saturé de haine :
— L’assassin, un Algérien, pas de hasard. On en a assez des criminels algériens. À la mer, les assassins !… Rentrez chez vous…
La ville se tait et attend, figée, la tragédie qui vient.
Seule exception dans le quartier, le Foudre, le bar-restaurant de Pereira, un émigré portugais qui a longtemps collaboré avec l’OAS, à l’époque où elle était encore proscrite. Toutes les baies sont calfeutrées derrière de grands rideaux, aucune lumière ne filtre vers la rue, mais à l’intérieur une grosse cinquantaine d’hommes s’entassent, transpirent, se bousculent, s’interpellent, rient, jurent, chantent et s’applaudissent. Entre deux éclats de voix, ils picorent dans les assiettes de la kémia que fait circuler la mère de Pereira, carottes et fèves au cumin, moules à l’escabèche, olives piquantes, le tout abondamment arrosé d’anisette Cristal. Pour entretenir la nostalgie des « Français repliés d’Algérie » qui constituent l’essentiel de la clientèle du Foudre.
Le brigadier-chef Picon squatte un tabouret devant le bar. C’est un habitué, il aime tout de cet endroit, les tables, les chaises en bois massif, le grand comptoir (…)
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