• lun. Sep 30th, 2024

« Nous avons besoin d’un élan national pour améliorer la qualité de l’air »


L’Alliance des collectivités pour la qualité de l’air est un réseau d’élues et d’agentes constitué en association en septembre 2018, avec la volonté de faire de leurs territoires des « villes et agglomérations respirables dans cinq ans ». L’association est ouverte à toute collectivité qui souhaite s’engager dans la lutte contre la pollution atmosphérique.


Le 6 mars, la tribune dans Le Monde de la présidente du Conseil national de l’air et députée Renaissance, Claire Pitollat, nous a étonnés, car elle semblait douter de la volonté des collectivités territoriales d’agir pour améliorer la qualité de l’air de leurs territoires. Au contraire, nous, élus locaux, nous sentons en première ligne face à cet enjeu majeur de santé publique, et souhaiterions que l’État nous soutienne davantage.

Pour améliorer la qualité de l’air et réduire ses conséquences dramatiques (40 000 morts par an en France ; une personne sur deux sera affectée par une maladie allergique dans le monde en 2050, selon l’OMS), l’urgence est à l’action commune. Nous en sommes tous d’accord.

Or, de ce point de vue, le comité ministériel de suivi sur la qualité de l’air en ville du 19 mars a été une réelle déception. Sur un sujet aussi complexe que les zones à faibles émissions (ZFE), nous avons besoin d’un soutien plus important de l’État, d’une véritable campagne nationale de promotion du dispositif. En 2022, elle fut reportée. En 2023, elle fut insuffisante. Le dispositif promouvait une autre mobilité en général, et non les ZFE, comme demandé par les collectivités.

Des ZFE bien accompagnées ont fait leurs preuves

Les ZFE ont fait leurs preuves ailleurs en Europe, à condition d’être correctement promues et accompagnées, comme à Bruxelles. À l’inverse, les annonces du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, en juillet 2023, puis fin mars, ont fragilisé la confiance en ce dispositif, et nous le regrettons. La qualité de l’air s’améliore lentement, mais cela ne peut être un motif de désengagement.

Au contraire, il est nécessaire de poursuivre le travail engagé depuis des années pour déployer un dispositif efficace, juste, vecteur d’une transition des mobilités. Sans soutien politique et financier, exposées au risque d’impopularité immédiate que suscitent les mesures contraignant l’automobile, de nombreuses métropoles se détournent des ZFE. Ce faisant, elles se privent d’un véritable aiguillon permettant d’accélérer le déploiement des transports en commun, des infrastructures cyclables, du covoiturage, de l’autopartage.

« Besoin d’un véritable soutien financier pour développer massivement les solutions de mobilité »

Nous avons besoin d’un contrôle effectif des véhicules en circulation, mais le gouvernement annonce la mise à disposition de radars homologués au mieux début 2026. Nulle part ailleurs en Europe les ZFE ne se sont déployées sans moyens de contrôle.

Nous avons également besoin d’un véritable soutien financier pour développer massivement les solutions de mobilités alternatives à la voiture individuelle. Les crédits du Fonds vert ont été au rendez-vous en 2023, mais ils sont déjà remis en cause, alors même que les transports en commun en dehors de l’Île-de-France sont négligés depuis des années.

L’État doit fixer rapidement une nouvelle feuille de route

Agir efficacement sur la qualité de l’air nécessite de repenser nos mobilités en modifiant des habitudes de vie ancrées depuis des dizaines d’années. Nous sommes en première ligne pour éprouver les craintes et les difficultés que suscite ce processus. Mais le plus dur est devant nous. Le Parlement européen a adopté le 24 avril une version provisoire de la nouvelle directive qualité de l’air, qui fixe des objectifs beaucoup plus ambitieux que ceux de 2008, notamment de diviser par deux les seuils de dioxyde d’azote et de particules fines PM10, par deux et demi celui des particules PM2.5. Et cela d’ici à 2030, c’est-à-dire demain.

« Les normes ne sont pas uniquement des contraintes, elles permettent de protéger la santé de chacune et chacun d’entre nous », défendent des élus locaux dans cette tribune.
Wikimedia Commons / CC BYSA 2.0 Deed / besopha

Nous n’aurons alors pas d’autre choix que de réduire l’usage des véhicules individuels — réduction du trafic, exclusion des véhicules les plus polluants, orientation vers de nouvelles mobilités comme le covoiturage, l’autopartage, les mobilités actives. Pour cela, nous avons besoin de l’engagement de tous et toutes. C’est en ayant comme boussole la future réglementation que nous devons réfléchir à nos politiques publiques. Il est donc important que l’État fixe rapidement une feuille de route pour atteindre ces nouvelles valeurs réglementaires pour 2030.

« Plus on attendra, plus le coût humain, économique, environnemental sera lourd »

Les normes ne sont pas uniquement des contraintes, elles permettent de protéger la santé de chacune et chacun d’entre nous. Atteindre des seuils de pollution plus bas est une garantie pour notre santé : durant le premier confinement de 2020, la baisse du trafic et la chute des polluants occasionnée a permis d’éviter 3 500 décès liés aux particules fines et au dioxyde d’azote.

Refuser d’être plus ambitieux et proche des préconisations de l’OMS n’éloigne pas le risque, au contraire : plus on attendra, plus le coût humain, économique, environnemental sera lourd. L’étude Mobilair, réalisée en 2022 dans l’agglomération de Grenoble, a d’ailleurs démontré que la somme des bénéfices sanitaires obtenus après réduction de la pollution était plus importante que les coûts engagés pour mettre en place les mesures adéquates.

« Agir nécessite du courage et des moyens »

La France ne peut pas continuer à être condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne pour non-respect des valeurs réglementaires, recevoir chaque année des astreintes du Conseil d’État, de plusieurs millions d’euros, pour un manque de mesures prises pour atteindre les seuils.

Agir nécessite du courage politique et des moyens financiers. Mais cela permet d’améliorer la santé publique, de réduire les dépenses publiques provoquées par la pollution, de favoriser les rendements agricoles, et plus largement le cadre de vie et le quotidien de nos concitoyens.

Nous sommes déjà à l’œuvre pour réduire les émissions de polluants (PM10, PM2.5, NOx, COV, ozone) et limiter l’exposition des habitants. Nous développons des alternatives à la voiture individuelle, aménageons nos territoires pour limiter l’exposition des habitants, mettons en œuvre la transition énergétique pour remplacer les chauffages polluants, développons les énergies renouvelables et les réseaux de chaleur urbains, améliorons l’air intérieur, véritable fléau. Nous nous réunissons régulièrement à l’Alliance des collectivités pour la qualité de l’air pour échanger compétences et informations.

Pour aller plus vite et plus loin, nous avons besoin d’un élan national, d’un véritable travail collectif et collaboratif. Vous pouvez compter sur notre engagement et notre volonté. Nous espérons également pouvoir compter sur celui de l’État.


Les signataires, tous membres de l’Alliance des collectivités pour la qualité de l’air

Pierre Athanaze, vice-président de Lyon Métropole 

Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg 

Claudine Bichet, vice-présidente de Bordeaux Métropole 

Cécile Cenatiempo, présidente de l’Alliance des collectivités pour la qualité de l’air 

Christophe Ferrari, président de Grenoble Alpes Métropole 

Christine Juste, adjointe au maire de Marseille 

Valentin Lungenstrass, adjoint au maire de Lyon

Françoise Schaetzel, vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg

Pierre Verri, vice-président de Grenoble Alpes Métropole



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