Moins de la moitié des multinationales établies en Russie ont quitté le pays ou réduit leurs activités depuis le renforcement des sanctions occidentales suite à l’éclatement du conflit ukrainien début 2022. Certaines, comme la banque autrichienne Raiffeisen, diffusent même des offres d’emploi.
Une banque autrichienne qui cherche à recruter, un géant américain de l’agroalimentaire qui maintient 20 000 emplois directs : plus de deux ans après le renforcement drastique des sanctions occidentales contre Moscou, la majorité des entreprises internationales sont malgré tout restées en Russie, a constaté ce 28 mai le Financial Times (FT).
«Dans l’ensemble, plus de 2 100 multinationales sont restées en Russie depuis 2022, selon la Kiev School of Economics, contre environ 1 600 entreprises internationales qui ont quitté le marché ou réduit leurs activités», rapporte le quotidien économique britannique. Dans le détail, sur 3783 de ces firmes recensées, 2173 (57,4%) n’ont pas modifié leurs activités, 1223 (32,3%) ont déclaré fermer le rideau en Russie et seulement 387 (10,2%) ont quitté la Russie ou revendu une part de leurs activités dans le pays.
Première raison que met en avant le FT pour expliquer cet état de fait : les pressions de Moscou, sous la forme d’une «décote de 50% des actifs» des entreprises des pays inamicaux revendus à des acheteurs russes ainsi qu’une taxe de sortie d’au moins 15%. Autre raison évoquée, les mésaventures de plusieurs groupes étrangers, qui auraient dissuadé certains investisseurs. «Les multinationales ont été conscientes des difficultés des entreprises occidentales telles que Carlsberg et Danone, dont les actifs ont été saisis après avoir annoncé leur intention de partir», relate le FT.
Mi-juillet 2023, Vladimir Poutine avait en effet signé un décret transférant «temporairement» à l’agence fédérale Rossimouchtchestvo les actions de la brasserie russe Baltika, appartenant à Carlsberg, et celles de la filiale russe de Danone. Décision qu’avait qualifiée de «vol» le patron de la brasserie danoise.
Marché russe : une situation «plus rose que prévu»
Mais tout n’est pas affaire de coercition, face aux injonctions des politiques occidentaux. Le quotidien évoque un «changement notable de sentiment» chez les dirigeants d’entreprises. Si certaines entreprises se sont pliées à un «impératif moral» de quitter la Russie, beaucoup d’autres ont appréhendé la situation de manière pragmatique : «Certaines de ces entreprises ont construit quatre ou cinq usines en 30 ans. Elles ne vont pas vendre cela avec un rabais de 90%», souligne le quotidien économique.
Une balle dans le pied que s’est tirée Renault-Nissan dès le début du conflit en Ukraine. Leader sur le marché russe, son deuxième après l’Hexagone, le constructeur automobile français qui avait notamment remonté l’entreprise russe AvtoVAZ (Lada) après une décennie d’investissements, a cédé à l’État russe la totalité de ses actifs pour un rouble symbolique, gardant toutefois l’option de racheter ses parts pendant six ans.
Autre point et non des moindres : la santé, bien meilleure que prévu en Occident, de l’économie russe : «la hausse des salaires et une situation économique plus rose que prévu ont alimenté un boom des dépenses, rendant la Russie beaucoup plus attrayante pour les multinationales, en particulier dans le secteur de la consommation» explique le FT, citant une chercheuse au think tank Carnegie Russia Eurasia.
Quitter la Russie se paie cash
Parmi les 2 000 multinationales demeurant en Russie évoqué par le FT figurent ainsi les américains Mondelez, Philip Morris, Pepsico – qui emploie toujours 20 000 personnes directement en Russie – l’anglo-néerlandais Unilever ou encore le suisse Nestlé.
D’autres entreprises semblent être restées dans une zone grise, le payant cher. Le FT évoque le cas de la banque autrichienne Raiffeisen, «critiquée» après que le média britannique a rapporté que l’établissement financier avait diffusé des «dizaines d’offres d’emploi» basées en Russie, «indiquant des plans de croissance ambitieux dans le pays, malgré sa promesse de quitter le marché» russe.
Une entreprise comme le détaillant de mode polonais LPP s’est aussi vu reprocher son hypocrisie, perdant près de 40% de sa valeur en une seule journée après avoir annoncé son départ et la parution mi-mars d’un rapport d’Hindenburg Research, accusant l’entreprise d’avoir gardé le contrôle de ses activités en Russie et d’y envoyer ses produits via le Kazakhstan. Des allégations démenties par l’entreprise.
Fin mars, Reuters évaluait à 107 milliards de dollars la facture pour les entreprises étrangère de leur départ de Russie.