Le sociologue Arnaud Saint-Martin pointe le manque de modèle économique pour cette expédition spatiale qui contribue à l’imaginaire de la croissance infinie. Tandis que le premier français à effectuer un « vol touristique » dans l’espace, la large médiatisation de l’événement vient relancer le débat sur la finalité d’un tel projet et son impact.
Le spécialiste de la bière artisanale savoyarde, Sylvain Chiron, réalise son rêve et embarque à bord de la fusée New Shepard de l’entreprise du multimilliardaire Jeff Bezos.
Cette démarche de conquête insatiable anime un débat houleux sur lequel s’exprime le sociologue spécialiste de l’astronautique, Arnaud Saint-Martin, auprès de Reporterre.
L’engouement médiatique de l’événement serait à son sens le signe d’un stéréotype courant auprès du grand public, laissant entendre que l’espace serait accessible à n’importe qui. De quoi créer l’envie et venir biaiser nos perceptions à ce propos. Le business model de ces entreprises se joue d’ailleurs de cela. Cette ascension immédiatement suivie d’une conférence de presse permet d’obtenir les impressions instantanées des « heureux élus » et promet « une exposition médiatique aux clients ». Le signe finalement d’un besoin de flatter l’égo pour vendre.
Cependant, l’espace ne se montre pas plus accessible à toutes les bourses. Malgré les promesses des millionnaires, entretenant l’idée de la félicitée de ces innovations afin de démocratiser l’accès à l’espace, la cadence de ces vols peine à accélérer.
La chute libre de la cotation en bourse de Virgin Galactic, l’un des concurrents de Blue Origin de Jeff Bezos, est aussi le témoin de ces difficultés à rentabiliser les quelques vols coûteux organisés. L’engouement s’estompe, pour laisser la place au doute aux plus enthousiastes du début. Quelques-uns continuent d’y croire, mais admettent le marché d’ultra-niche qu’il représente et constatent qu’il ne s’agit pas là du secteur spatial pouvant créer le plus de retombées économiques.
Alors, l’arrivée en grande pompe de ces innovations retombe comme un soufflé au profit des questionnements que cela suscite. Lubie de quelques milliardaires, le projet fait débat et se voit rattrapé par la réalité. Comble d’une vision hors-sol, Jeff Bezos déclarait encore en décembre 2023 qu’un « trillion d’êtres humains vivant dans le système solaire » était ce qu’il envisageait pour la suite, ceci en exploitant « toutes les ressources » pour permettre à la Terre de se restaurer tel un jardin de villégiature. Des préoccupations qui ne sont assurément pas au cœur de tous.