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Écoquartiers, un alibi pour verdir le béton, par Léa Guedj (Le Monde diplomatique, juin 2024)

ByVeritatis

Juin 6, 2024


Construire plutôt que rénover

Construire à tout-va mais en se parant des vertus du respect de la nature et de la modernité technologique, tel est désormais le credo de nombreuses municipalités en France. Discours teintés d’écologisme, novlangue multipliant les concepts exaltant un supposé retour de la nature dans les villes, ces ficelles servent à masquer les processus de gentrification que subissent des populations de mal-logés.

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Mehmet Ali Uysal. – « Skin » (Peau), Istanbul, 2014

© Mehmet Ali Uysal – Photographie : Hakan Ezilmez – Paris-B, Paris

Un tas de gravats. C’est ce qu’il reste du premier bâtiment démoli dans le quartier de Planoise à Besançon, abritant 90 % de logements sociaux. Près de 1 200 logements doivent être rayés de la carte d’ici à 2025 dans le cadre d’un programme signé par la municipalité avec l’Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU). Sur la route qui mène à la cité, un panneau annonce : « Réinventons Planoise ». Fini la mauvaise presse sur le trafic de drogue et la criminalité… Ce « quartier prioritaire de la politique de la ville », dont plus de la moitié des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté, doit devenir un « quartier d’excellence numérique », et surtout un « écoquartier ».

En mars 2023, la maire écologiste de Besançon, Mme Anne Vignot, affichait ses ambitions devant une délégation d’élus, de bailleurs sociaux et d’acteurs associatifs. « Nous voulons montrer que ce quartier a tous les atouts d’un écoquartier », clame alors l’édile. Face à « la situation sociale qui s’est dégradée depuis une trentaine d’années, la volonté est de changer son image », en lui accordant le prestige du label ÉcoQuartier. Une certification nationale qui « ne doit pas être strictement réservée aux bourgeois » : ce n’est pas un « ghetto de bobos », tient-elle à préciser comme pour anticiper la critique. « Et ça sera ouvert à tous les Planoisiens ?, intervient justement une habitante qui s’est glissée dans la délégation. Personne ici ne pourra payer un loyer de 800 ou 1 000 euros, et les Planoisiens ne veulent pas partir de chez eux. Qu’est-ce que ça va changer pour nous, ce mot “écoquartier” ? — Des Planoisiens pourront y accéder ou pas, ça dépendra des revenus. Mais ce sera aussi pour d’autres personnes. Allez, on continue ! », tranche hâtivement Mme Vignot.

La visite se poursuit. Des panneaux solaires, « une récup’mobile expérimentale », une esplanade végétalisée, un tiers-lieu pour accueillir des start-up du numérique… Plusieurs cases des vingt engagements de la démarche ÉcoQuartier sont (…)

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