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Soutenir le génocide, c’est enrayer la multipolarité

ByVeritatis

Juin 6, 2024


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par Pepe Escobar

L’Hégémon concocte une nouvelle guerre mondiale pour mettre fin à la multipolarité. Il soutient le génocide israélien à Gaza comme un mal nécessaire pour s’imposer en Asie occidentale, car qui s’en souciera une fois que la guerre sera mondiale ?

Le Forum économique de Saint-Pétersbourg (SPIEF) a lieu cette semaine. Il s’agit de l’une des réunions annuelles les plus prisées d’Eurasie. Le thème général de 2024 est la «multipolarité», un choix tout à fait approprié quand on sait que c’est l’année de la présidence russe des BRICS. Le sommet des BRICS, en octobre prochain à Kazan, déterminera les grandes lignes de la feuille de route vers la multipolarité de demain.

Et c’est là que le bât blesse. Nous ramenant sans doute à la question clé posée à la Majorité Mondiale : comment rêver de multipolarité alors que nous sommes plongés dans L’Impensable, réduits au rôle de simples spectateurs, assistant à un génocide diffusé 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 sur tous les smartphones de la planète ?

La Cour internationale de justice (CIJ), certes perfectible, a au moins ordonné aux génocidaires bibliques de cesser les bombardements sur Rafah. La réponse d’Israël ? Ils ont bombardé Rafah. Pire, ils ont brûlé vifs des enfants dans des tentes de réfugiés. Avec des missiles américains.

Et le génocide se poursuivra au moins jusqu’à la fin de cette année multipolaire, comme s’en vantent les services secrets israéliens. La Majorité Mondiale voit en tout cas clairement comment fonctionne «l’ordre international fondé sur des règles». Ce qui n’est pas d’un grand réconfort.

La décision de la CIJ de faire cesser le carnage à Rafah, ainsi que celle de la CPI de requérir des mandats d’arrêt contre les principaux dirigeants israéliens pour les crimes de guerre en série commis à Gaza, ont, comme on pouvait s’y attendre, précipité le binôme Israël-États-Unis dans une frénésie hystérique.

Le cœur du problème concerne les véritables maîtres et gestionnaires de l’Empire du chaos et du pillage, plus encore que leurs émissaires subalternes. Les maîtres ne permettent à aucune institution de relâcher leur emprise sur le récit officiel.

Lequel est le suivant : «Il n’y a pas de génocide à Gaza» et aucune «ligne rouge» n’a été franchie. Tel est le diktat officiel de l’Occident collectif. Rien ni personne ne doit le transgresser. Ils pousseront l’inconstitutionnalité à l’extrême pour imposer un contrôle total du récit, avec une opération de relations publiques sans faille pour encapsuler la planète entière, strate après strate, sous l’emprise de la propagande.

En légère contradiction avec Mao Zedong, le vrai pouvoir ne vient pas du canon d’un fusil (ou d’un missile nucléaire hypersonique), mais du contrôle narratif, ou de ce que nous avions l’habitude de nommer le «soft power» [«manière douce», ou le «pouvoir de convaincre»]. À cette différence près que l’hégémon ne contrôle plus le soft power. La Majorité Mondiale peaufine, en temps réel, sa propre riposte en matière de soft power.

Une société systémiquement sociopathe

Les manipulateurs du récit seront peut-être encore en mesure de faire oublier des faits essentiels à l’opinion publique occidentale, comme par exemple l’épuration ethnique. Les Arabes chrétiens ont été victimes d’un nettoyage ethnique systématique en Palestine. Au début des années 1950, Bethléem comptait 86% de chrétiens, pourcentage qui a chuté à 12% aujourd’hui. Les psychopathes bibliques ont dressé un mur autour de Bethléem, annexé des terres au profit de colons juifs en armes, et procédé au nettoyage ethnique des Chrétiens..

De solides analyses sur l’hyper-ethnocentrisme ou le caractère fondamentalement sociopathe de la société israélienne ne sont guère rassurantes pour stopper un génocide.

Car la plaie est bien plus profonde. Alastair Crooke, ancien diplomate à la longue expérience de terrain, reste l’un des rares occidentaux à maîtriser les subtilités de l’Asie de l’Ouest.

Dans ses chroniques et podcasts, il aborde la principale déchirure mise à nu par la guerre/génocide à Gaza : le schisme, au cœur de l’Occident, entre un «projet illibéral d’ingénierie sociale» se faisant passer pour du libéralisme et un autre destiné à «restaurer les valeurs ‘éternelles’ (aussi imparfaites soient-elles) jadis fondatrices de la civilisation européenne».

En outre, les structures de pouvoir américano-israéliennes fonctionnent en étroite symbiose. Et elles opèrent selon une sorte de logique complémentaire. Alors que la version israélienne du pillage s’incarne dans le colonialisme de peuplement, l’Hégémon – comme l’a brillamment expliqué Michael Hudson – s’est lancé dans une orgie de colonialisme financier en quête de rentes depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Et ce que Michael Hudson qualifie de racket «FIRE» (finance-assurance-immobilier) s’est figé, comme le note Alastair, en «un cadre perpétuel du système politique et géopolitique occidental».

Par conséquent, rien d’étonnant à ce que la Majorité Mondiale perçoive instinctivement le binôme Israël-USA – véhiculant diverses formes d’exploitation/épuration jusqu’au génocide – comme l’incarnation du colonialisme, aujourd’hui «atténué» par une opération de contrôle narratif en un «ordre international fondé sur des règles» vide de sens.

Le génocide de Gaza relance donc logiquement la vague anticoloniale en cours à l’échelle de la Majorité Mondiale.

Mais ce n’est pas tout. Personne ne fait réellement obstacle au génocide. Ce ne serait matériellement concevable qu’en infligeant à Israël une défaite militaire écrasante – les vainqueurs dictant les termes de la capitulation. Et ceci n’est pas envisageable, tout au moins pas encore, contribuant ainsi à nourrir la conviction des psychopathes bibliques de pouvoir s’en sortir, quel qu’en soit le prix.

De nouvelles perspectives de sacrifices humains

Andrea Zhok est professeur de philosophie éthique à l’université de Milan et l’un des plus grands intellectuels italiens indépendants. Zhok nous projette plus avant dans l’impasse – tragique comme il se doit – dans laquelle sombre aujourd’hui l’Occident collectif.

L’Occident sous l’hégémon, dit-il, n’a jamais eu qu’un plan A. Il n’y a jamais eu de plan B. L’Occident va donc poursuivre la mise en œuvre de toutes les pratiques possibles et imaginables du «diviser pour régner» à l’encontre des principales puissances eurasiennes – la Russie, la Chine et l’Iran. Zhok note, à juste titre, que l’Inde est déjà largement sous contrôle.

Tel est le scénario de l’actuelle croisée des chemins. Pour l’avenir, nous nous dirigeons soit vers une guerre chaude ouverte, soit vers un éventail de guerres hybrides entre les grandes puissances et leurs vassaux – en bref, une troisième guerre mondiale.

Zhok démontre que l’Occident, sous l’égide de l’hégémon, s’obstine à produire des «lésions systémiques» susceptibles d’entraîner des destructions cycliques. Deux procédés principaux permettent de raviver ces «lésions» : la guerre, et les pandémies.

Selon lui, seules «de nouvelles perspectives de sacrifices humains» sont à même d’assurer la pérennité de la «Vérité ultime» de l’Occident aux pieds d’argile.

Et c’est précisément cette «nouvelle perspective de sacrifices humains» qui motive l’absence de réaction de l’Occident – ou pire, sa légitimation – face au génocide de Gaza. Et qui gangrène inexorablement la psyché européenne de l’intérieur. Ce que l’on nommait autrefois la civilisation européenne – aujourd’hui totalement vassalisée par l’Hégémon – pourrait bien ne jamais se relever de ce cancer.

Comme si ces épreuves et vicissitudes ne suffisaient pas, des messagers irrationnels – sous les ordres – s’emploient à nous pousser, jour après jour, vers une guerre nucléaire.

Et certains fonctionnaires subalternes l’admettent même ouvertement.

Tout a été dit lors d’un entretien entre le juge Andrew Napolitano et les analystes Larry Johnson et Ray McGovern, au cours duquel le premier a fait référence à un courriel reçu d’une source militaire/du renseignement. Voici les propos de cette source :

«J’ai écouté aujourd’hui une longue interview d’un ancien officier de renseignement des Forces armées israéliennes (FDI). Ses propos étaient clairs : «Nous courons droit», a-t-il dit, «vers une guerre mondiale» (c’est moi qui souligne). Israël ne va donc pas se priver de mettre en œuvre les opérations les plus radicales, car ses actes se verront rétrospectivement dilués dans le contexte du conflit mondial brutal qui s’annonce».

Ce constat explique à lui seul l’escalade frénétique et soutenue de l’hégémon/vassal sur le front des guerres éternelles, de Gaza à la Nouvelle-Russie

Le génocide en est l’une des composantes, ainsi que ses retombées, comme l’escroquerie du ponton d’aide de 320 millions de dollars, aujourd’hui réduit à l’état d’épave sur le littoral de Gaza, pour revenir au génocide, puisque le stratagème consistant à expulser les Palestiniens de leur pays vers l’étranger se solde par un échec retentissant.

L’expression «Nous allons droit vers une guerre mondiale» révèle clairement qui est le véritable maître du jeu. Et l’ensemble de la communauté mondiale multipolaire est toujours prise en otage.

source : The Cradle via Spirit of Free Speech

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