L’association Women for Sea porte la voix des femmes engagées au service de la protection de la mer. Elle organise en juin l’Odyssée de la goutte d’eau, mêlant évènements sportifs et ateliers pédagogiques pour sensibiliser aux interconnexions entre les écosystèmes. La liste complète des signataires de la tribune est à la fin du texte.
Au moment où vous terminez de lire cette phrase, 50 % de l’oxygène que vous aurez respiré vous aura été fourni par la mer. En effet, si vous êtes ici aujourd’hui en tant qu’être vivant sur Terre, c’est parce que la mer — grâce à son phytoplancton — a permis de libérer cet oxygène, rendant ainsi la vie possible sur notre planète.
Mais votre lien à la mer va bien au-delà du fait qu’une respiration sur deux provient d’elle. La mer étant reliée à la montagne par le creux des rivières, où que vous soyez — en ville, sur le littoral, à la campagne ou en montagne —, vous prenez place dans le grand cycle de l’eau et êtes intrinsèquement lié
e à elle.L’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, la nourriture que nous consommons : une grande part de nos besoins élémentaires dépend directement de sa bonne santé. Même les conditions atmosphériques propices à la vie humaine sont permises grâce à la mer, qui régule le climat terrestre — en absorbant 25 % du CO2 et 90 % de la chaleur engendrée dans l’atmosphère, et en redistribuant l’énergie thermique absorbée grâce aux courants qui circulent autour de la planète.
Nous participons à sa détérioration
En retour, notre façon d’habiter la Terre, que ce soit en montagne, près des rivières, en ville, sur le littoral, a des conséquences sur l’intégralité du cycle de l’eau, et par conséquent sur la mer.
Le réchauffement climatique, la surpêche, la pollution, etc., bouleversent son équilibre et ont des conséquences sur l’incroyable biodiversité marine qu’elle abrite. Aujourd’hui, selon le rapport de l’IPBES (la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, alias le Giec de la biodiversité), seuls 3 % des zones océaniques n’auraient pas été impactées par les activités humaines.
Les conséquences sont abyssales : le réchauffement de l’eau bat des records chaque année, la teneur en oxygène diminue, l’acidification de l’eau s’intensifie… Conséquences globales de ces modifications : 75 % des mangroves, 30 % des herbiers et 50 % des coraux ont disparu en cinquante ans, alors que ces écosystèmes, qui abritent la majorité de la vie marine, sont des éléments clés pour la séquestration du carbone et la production d’oxygène.
Comment donc expliquer cette dichotomie entre ce lien vital à la mer et notre participation active à sa détérioration ? Et surtout, comment y remédier collectivement, afin de protéger la mer autant qu’elle nous permet de vivre ?
Déconnexion sensorielle
Ce lien qui s’effrite entre nous et la mer est à l’image de ce qui se passe avec l’intégralité du vivant. Nos modes de vie (surconsommation matérielle, innovation technologique permanente, sédentarisation, urbanisation, virtualisation des activités, etc.) réduisent le temps et la qualité de nos interactions avec le monde qui nous entoure et nous font perdre de vue l’interconnexion entre toutes ses composantes.
Cette déconnexion sensorielle, émotionnelle et intellectuelle altère l’ensemble de nos comportements et attitudes à l’égard du vivant, et in fine sa préservation. La protection de la mer commence donc par une (re)découverte de ce qui nous y lie de toutes parts.
« Allons nous immerger dans la mer, écouter le murmure des rivières »
Alors ouvrons nos sens et allons retrouver le contact avec l’eau et la terre. Allons nous immerger dans la mer, écouter le murmure des rivières, nous fondre dans l’immensité des montagnes, observer les autres créatures avec lesquelles nous partageons l’espace. Émerveillons-nous devant la beauté et la complexité du monde, en nous laissant bouleverser par sa fragilité, tout en admirant sa résilience.
Favorisons la diffusion des connaissances sur le monde vivant et partageons-les avec le plus grand nombre, en tenant compte de l’interdépendance des écosystèmes et de notre place au sein d’eux, pour une compréhension plus globale, écosystémique et accessible.
C’est en renouant sensoriellement et intellectuellement avec la mer, en la comprenant (étymologiquement, « cum », avec, et « prehendere », prendre, saisir ; donc prendre avec soi, embrasser), que nous pourrons conscientiser notre responsabilité à son égard, et ainsi ajuster nos modes de vie pour la préserver.
S’engager pour la mer
Travaillons ensemble, à toutes les échelles, pour protéger la mer, où que nous soyons. « Ne doutez jamais qu’un petit groupe de personnes peut changer le monde. En fait, c’est toujours ainsi que le monde a changé », rappelait l’anthropologue Margaret Mead.
Individuellement, nous pouvons remettre de la conscience dans tous nos choix au quotidien. Par exemple, nous pouvons adapter notre mode de consommation alimentaire, de vêtements, de biens en tout genre en choisissant des produits ayant un impact réduit sur notre environnement… Nous pouvons également diminuer notre empreinte carbone en choisissant des moyens de transport décarbonés (le vélo, le train, la voile, etc.) et en consommant des produits d’origine locale.
Nous pouvons également agir efficacement aux échelles locale, nationale et régionale grâce à notre pouvoir de vote. Nous pouvons élire des représentant
es dont les programmes et convictions considèrent véritablement les enjeux de biodiversité et climatique. Chacun e d’entre nous peut également s’impliquer localement au sein de ses autorités et collectivités territoriales pour participer à la gouvernance de son environnement.Et puis, à l’occasion de cette Journée mondiale de l’océan organisée par l’ONU, nous vous invitons à unir vos forces à celles d’associations ou d’ONG d’intérêt général. Pour porter nos voix plus haut et plus fort, et faire évoluer tous les maillons de la chaîne qui constituent notre société, afin de rendre à la mer toute l’attention et le soin qu’elle mérite.
Tous les signataires de la tribune :
– Marianne Bréchu, coprésidente de la Water Family
– Anaelle Marot, Solène Chevreuil, Philomène Le Lay, de Projet Azur
– Charlène Descollonges, hydrologue et cofondatrice de l’association Pour une hydrologie régénérative
– Lamya Essemlali, directrice de Sea Shepherd France
– Victoria Guillon, du podcast Nouvel Œil
– Fiona Mille, présidente de Mountain Wilderness France
– Anne-France Didier, responsable ODD14 à la Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture (DGAMPA) et partenaire du collectif Génération Mer
– Anne Lassman-Trappier, experte en pollution de l’air, présidente de France Nature Environnement Savoie
– Tanya Naville, directrice de l’association, et Katarina Zouechtiagh, chargée de développement de Femmes en montagne
– Souba Brunel, cofondatrice de Les Impactrices
– Marie-Kell De Cannart, du collectif Look Down
– Leslie Bissey, fondatrice de We Ocean Project
– Solène Basthard-Bogain, directrice adjointe de Septentrion Environnement
– Marie-Dominique Champloy, directrice de Marseille capitale de la mer
– Anne-Sophie Mouraud, de Coexistence Crew
– Stan Thuret, skipper professionnel et membre du collectif La Vague
– Morgan Bourchis, champion du monde d’apnée
– Luc Thibal, directeur technique national de la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM)
– Catherine Jolibert, directrice de L’Ice Climbing Écrins
– Mathieu Carlhian, président du Bureau des Guides des Écrins
– Swann Bommier, de l’association Bloom