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Massacre d’Oradour : Darmanin laisse un négationniste publier ses ignominies

ByVeritatis

Juin 9, 2024


Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) fait les frais du « en même temps » chafouin du président Macron. L’hôte de l’Élysée doit commémorer, ce lundi, le 80anniversaire du massacre de la population du village martyr par la Waffen SS, le 10 juin 1944. Simultanément, le locataire de la Place-Beauvau, Gérald Darmanin, laisse prospérer un libelle négationniste et donc hors la loi, qui disculpe les nazis en faisant porter la responsabilité de la tragédie sur la Résistance française.

Le livre en question, Oradour, le cri des victimes, a été publié par un quidam qui prétend assurer la succession de Robert Faurisson, « assassin de la mémoire » mort à Vichy en 2018, à l’âge de 89 ans. Cette relève piteuse a pour nom Vincent Reynouard, 55 ans, ci-devant professeur de mathématiques.

Il a été suspendu de l’Éducation nationale en 1996 pour avoir détourné la pédagogie au profit de ses lubies mensongères et compulsives, consistant donc à s’inscrire en faux contre l’extermination des Juifs d’Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, tout en réhabilitant le régime hitlérien.

Dès 1997, Vincent Reynouard se signalait avec un livre intitulé Le Massacre d’Oradour, un demi-siècle de mise en scène ; ouvrage interdit par le ministre de l’intérieur de l’époque, Jean-Pierre Chevènement.

Après avoir essuyé des condamnations et tâté du cachot en raison de ses activités délictuelles – du tract à la cassette vidéo en passant par le CD-Rom négationnistes –, cette soi-disant « victime de la loi Gayssot » passa dans la clandestinité. Il échoua près de dix ans au Royaume-Uni, avant d’être extradé par la justice écossaise et remis aux autorités françaises, en février 2024. Sous le coup d’une mise en examen pour négation de crimes de guerre, contestation de crimes contre l’humanité et provocation à la haine, il vaque depuis en liberté, sous contrôle judiciaire.

Le Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane profané par des inscriptions négationnistes en août 2020 © S. Lefèvre / Populaire du Centre / MAXPPP

En août 2020, le Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane avait été souillé par l’inscription « Reynouard a raison », alors que la mention « martyr » du lieu avait été biffée au profit de « menteur ».

Durant sa cavale, ce faussaire des études historiques a refondu son livre de 1997 sur Oradour pour en produire un démarquage publié au mois de décembre 2022 en Pologne, commercialisé à partir de l’Angleterre et distribué par divers réseaux et librairies d’extrême droite qui pullulent sur le territoire français.

Dès avril 2023, la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilrah) et la Licra avaient alerté le ministère de l’intérieur, au motif de la loi du 27 janvier 2017, ainsi que de l’alinéa 2 de l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 (en vigueur depuis le 26 août 2021).

Le législateur est catégorique : seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende « ceux qui auront nié, minoré ou banalisé de façon outrancière » l’existence d’un crime contre l’humanité ou d’un crime de génocide – ou encore d’un crime de réduction en esclavage.

Pourquoi cette inaction totale du ministre de l’intérieur, lui qui sait pourtant avoir la main lourde au nom d’impératifs légaux à la moindre manifestation trop contestataire à son goût ? Comment interpréter cette façon, au sommet de l’État, de faire fi de la loi que nul n’est censé ignorer ?

Interrogée par Mediapart, la conseillère justice de la Place-Beauvau renvoie vers le conseiller chargé de la presse qui restera sourd, par trois fois, aux sollicitations de notre journal…

Le sens commun, favorable ou non au régime, pourrait penser que la politique de l’autruche a au moins la vertu d’éviter de mettre en vedette ce qui mérite d’être méconnu. Un tel sophisme ne tient pas l’examen.

« Le négationnisme existe et se manifeste. Il a fait main basse sur Internet, c’est la première chose que j’ai pu constater, hélas !, quand j’ai commencé à naviguer sur la toile. Aujourd’hui, vous tapez “Oradour” sur Google et vous tombez sur Reynouard », fait valoir Nicolas Bernard, avocat de formation et historien scrupuleux à ses heures, auteur d’une excellente étude sur Oradour, sous-titrée : Histoire d’un massacre dans l’Europe nazie.

Il connaît la généalogie du négationnisme, qui reprend la rhétorique du propagandiste Philippe Henriot sur Radio-Paris pendant la guerre, qui associe la Résistance à des terroristes mettant le pays à feu et à sang tout en prenant la population française en otage. Ce délire scélérat, seriné après-guerre par la génération de Maurice Bardèche puis par celle de François Duprat, avant que Vincent Reynouard ne le touille à nouveau, dépeint les SS comme tombés dans un piège de la Résistance ayant bourré d’armes et d’explosifs l’église d’Oradour, provoquant ainsi une déflagration meurtrière, alors que les braves nazis de passage n’y étaient quasiment pour rien…

Nicolas Bernard, dans le sillage de Pierre Vidal-Naquet, démonte ainsi les dénaturations, falsifications et omissions délibérées servant à nier la réalité : « Tout témoignage direct apporté par un survivant du massacre est un mensonge ou une fabulation, quand il n’est pas ignoré ou manipulé ; tout document, notamment allemand, établissant la matérialité des atrocités perpétrées par les SS est un faux ou un document trafiqué, tandis que tout document nazi écrit en langage codé est pris à sa valeur nominale s’il permet d’étayer, ne serait-ce que partiellement, la thèse défendue. »

Nicolas Bernard poursuit : « Tout témoignage SS postérieur à la fin de la guerre est considéré comme extorqué, quand il n’est pas ignoré : tout un arsenal pseudo-technique est mobilisé pour alléguer que les résistants auraient fait sauter l’église ; enfin, toute contextualisation du massacre, tout ce qui peut l’inscrire dans la politique d’occupation nazie est ignoré ou falsifié, sauf s’il s’agit d’incriminer le plus possible la Résistance. »

Stéphanie Courouble Share est une historienne qui a soutenu une thèse intitulée Le négationnisme et son émergence dans l’espace public. Analyse comparative : France, Angleterre, Allemagne et États-Unis (1946-1981). Ne distinguant là que propagande, elle réfute avec force tout lien entre les élucubrations d’un Vincent Reynouard et Clio, la muse de l’histoire. Et elle cite ce mot de son premier directeur de thèse, Pierre-Vidal Naquet : « Un astronome ne discute jamais avec un astrologue. »

Se livrant à une fresque horrifique allant des anciennes démocraties populaires d’Europe centrale et orientale aux inclinaisons zemmouriennes, Stéphanie Courouble Share analyse avec finesse la menace négationniste, qui « ne nie pas mais déforme et déguise ». En ressort une activité insidieuse tissant sa toile. Et reprenant à son compte l’hégémonie culturelle gramscienne, que l’extrême droite européenne n’aura cessé de retourner comme un gant ces dernières années.

Un seul exemple de ce pouvoir d’influence grandissant : l’association « Je révise avec toi », financée par Guillaume Venner, banquier fils du post-nazi Dominique Venner. Celui-ci avait commis à Notre-Dame, en 2013, un suicide de remontrance ambitionnant d’alerter l’Occident sur sa supposée décadence, le présumé « grand remplacement » et tutti quanti. « Je révise avec toi », qui s’adresse aux élèves du collège, bourre le mou avec vaillance sur sa chaîne YouTube aux accents négationnistes prononcés.

Vincent Reynouard, quant à lui, vaticine sur son site, y tient boutique ouverte, poste des billets de blog via un VPN et s’étonne même que son livre ne soit pas interdit. Jérôme Bourbon ne cesse de lui faire la courte échelle dans Rivarol. Roulez business, les écorcheurs de vérité son parmi nous et l’autorité publique s’en moque comme de colin-tampon !

Le 11 février 2023, mourait à 97 ans Robert Hébras, l’un des six habitants d’Oradour ayant survécu au massacre et ultime témoin de l’horreur. Vincent Reynouard, le mois suivant dans Rivarol, crachait sur la dépouille de cet homme qui le gênait puisque, encore en vie, il empêchait le négationnisme de faire parler les morts sans contradiction possible.

Cet acharnement à l’encontre du dernier témoin, détesté tel un verrou final à faire sauter, atteste de la haine toujours à l’œuvre ; tandis que l’extrême droite impose sa serre, sur un continent où Hitler établissait son « Europe nouvelle » voilà huit décennies.

Macronisme et daladiérisme

En s’en lavant les mains, le ministère de l’intérieur de la République française permet au négationnisme, « qui profite et profitera toujours de la moindre faille », comme le constate Stéphanie Courouble Share, de faire jouer en sa faveur une complaisance appelée à servir de jurisprudence. Et c’est ainsi que le macronisme, comme jadis le daladiérisme, acclimate le pire en son sein et joue les passerelles en prétendant servir de digue.

Ne rien faire contre le négationnisme, n’est-ce pas en définitive lui faire la courte échelle ? Ne pas interdire un livre ignoble, n’est-ce pas permettre qu’il infuse ? Et ce, dans une société déboussolée devenue réceptive aux bobards – parfois sous prétexte de se hisser en travers de l’histoire officielle d’une élite honnie.

Le président Macron peut-il à la fois magnifier le martyre d’Oradour-sur-Glane et tolérer qu’un Sturmscharführer de papier bien de chez nous assène le coup de grâce en toute impunité ?



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