• ven. Sep 20th, 2024

En Europe, la déroute des écologistes inquiète


Les élections européennes ont modifié l’équilibre des forces au Parlement européen. Les conservateurs du Parti populaire européen (PPE) renforcent leur première position avec 186 eurodéputés (contre 176 en 2019). L’extrême droite fait une percée importante, avec désormais trois groupes : les Conservateurs et Réformistes européens (ECR), où siègent notamment les Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, obtiennent 73 sièges ; le groupe Identité et Démocratie (ID), où l’on retrouve les eurodéputés du Rassemblement national, 58 sièges ; et 45 sièges sont occupés par des eurodéputés d’extrême droite non affiliés à ces deux groupes.

Les sociaux-démocrates perdent 4 eurodéputés (ils sont désormais 135), les centristes et les libéraux 23 (ils sont désormais 79). Quant aux écologistes (53 sièges), ils perdent 18 députés et rétrogradent de la quatrième à la sixième position. Une dégringolage en partie due aux mauvais résultats en France et en Allemagne, explique Caroline François-Marsal, responsable Europe au Réseau Action Climat (RAC).

Reporterre — Quel regard portez-vous sur les résultats des forces écologistes aux élections européennes ?

Caroline François-Marsal — La situation diffère entre les États membres. Dans les pays nordiques, en Suède et au Danemark, on a assisté à des victoires des verts ou en tout cas de partis progressistes sur le climat. Aux Pays-Bas, l’union entre les Verts et la gauche a dépassé l’extrême droite. Le problème, c’est que les Verts perdent des sièges à cause de leurs mauvais résultats en France et en Allemagne, qui ont les délégations les plus importantes au Parlement européen.

Plusieurs paramètres peuvent expliquer ces défaites. Dans ces pays, les partis de droite et d’extrême droite ont fait campagne contre l’« écologie punitive » et certains textes du Green Deal (Pacte vert) en négociation en 2023 et 2024. Ils ont développé tout un narratif sur le thème de la législation environnementale comme cause de déclassement, de décroissance alimentaire, de frein à la compétitivité, etc. En novembre 2023, plusieurs partis du Parlement européen ont rejeté le règlement sur la diminution de moitié de l’utilisation des pesticides d’ici 2030. On a aussi assisté à des tergiversations et de potentiels rejets sur le projet de règlement pour la restauration de la nature.

La précédente mandature a aussi été marquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Sur le secteur énergétique, l’Union européenne a réussi à garder le cap du Green Deal, en présentant la lutte contre le changement climatique et la baisse des importations d’énergies fossiles comme levier de souveraineté énergétique à l’égard de la Russie, de l’Azerbaïdjan, etc. Par contre, cette crise a nourri un narratif de droite et d’extrême droite selon lequel la législation environnementale risquait de faire décroître notre production agricole. Ceci, suivi des révoltes agricoles de 2023 et 2024, ont entraîné un recul dans le verdissement de la Politique agricole commune (PAC).

Quelles pourraient être les conséquences du nouvel équilibre des forces au Parlement européen ?

Le règlement sur la restauration de la nature est encore en négociation. Plusieurs textes du Green Deal n’ont pas été examinés sous cette mandature, notamment à cause de la crise des agriculteurs. C’est le cas de la loi sur l’alimentation durable, qui vise à réduire notre consommation de viande ou à mettre en place un Nutri-score obligatoire et un score environnemental sur les produits alimentaires. Un texte doit aussi être négocié sur la gestion de l’eau au niveau européen. Enfin, des pans entiers du Green Deal n’ont pas encore été explorés par la Commission européenne : la sobriété matérielle et énergétique, le financement de la stratégie pour la neutralité carbone d’ici 2050, etc.

Les blocs socialiste et libéral ont bien résisté et restent les deuxième et troisième partis dans l’hémicycle après le PPE [le Parti populaire européen, conservateur]. Ce dernier peut donc tout à fait continuer à travailler sur ces sujets en formant une coalition avec les socialistes et les libéraux et en disposant d’une majorité simple. Mais, s’il affichait un soutien au Green Deal dans son programme, il a fait campagne contre certaines législations environnementales et ne porte pas, aujourd’hui, une accélération de l’ambition. Par ailleurs, la percée de l’extrême droite a été telle que cela peut exercer une pression politique sur la présidente de la Commission européenne.

Dans ce contexte, comment les Verts et les forces progressistes peuvent-ils soutenir une ambition environnementale ?

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen devra choisir avec quels partis elle fera alliance pour se faire réélire par le Parlement européen. Reste à voir si elle va se tourner vers les Verts ou vers l’extrême droite, sachant que les Verts et les socialistes ont annoncé qu’ils refuseraient de soutenir sa candidature si elle cherchait une alliance avec l’extrême droite. Nous devrions en savoir plus dans les prochaines semaines, puisque les chefs d’État doivent officiellement nommer la présidente de la Commission le 28 juin prochain et qu’elle devra ensuite se faire élire par le Parlement européen en juillet.

Quoi qu’il en soit, nous attendons des Verts et plus généralement des partis progressistes sur le climat qu’ils continuent à travailler dans ce sens-là et à porter cette ambition. C’est à l’échelon européen qu’il faut travailler, que la transition écologique est déjà enclenchée avec des résultats très tangibles : en 2023, un quart de la production électrique de l’Union était issu d’énergies renouvelables ! Les députés doivent être à la hauteur pour rendre ces solutions accessibles, en fournissant des outils, notamment financiers, pour que les ménages les plus pauvres puissent accéder aux solutions décarbonées, et en facilitant l’acceptation sociale des transformations.



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