• sam. Nov 2nd, 2024

Le programme du Front populaire dessine un avenir écologique


Sur l’estrade de la Maison de la chimie, à Paris, tout le monde se succède au micro pour affirmer que c’est un moment « historique ». La veille, dans la soirée du 13 juin, les quatre principaux partis de gauche français — Les Écologistes, La France insoumise (LFI), le Parti communiste (PC) et le Parti socialiste (PS) — sont tombés d’accord sur un programme commun et des candidatures uniques, en vue des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet. Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, le 9 juin, en seulement quatre jours — « et quatre nuits ! » s’amuse à rappeler Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes —, ces forces politiques ont accouché d’une alliance : le Nouveau Front populaire.

Le « contrat législatif » de cette coalition, rendu public le 14 juin, contient 24 pages et près de 150 mesures. Certaines à adopter dans les « 100 premiers jours » après la potentielle élection d’une majorité de députés du Nouveau Front populaire — et la nomination d’une ou un Premier ministre issu de cette formation — et d’autres à mettre en place dès les deux premières semaines suivant le scrutin. « Il s’agit de proposer au pays une rupture totale avec la politique d’Emmanuel Macron pour répondre aux besoins immédiats du peuple et faire la bifurcation écologique aujourd’hui indispensable », résume Manuel Bompard, député sortant et coordinateur de La France insoumise.

Refus de l’A69 et des mégabassines

Le programme comprend effectivement des mesures écologiques fortes, voire presque inattendues. Dès les quinze premiers jours après son installation, le Nouveau Front populaire prévoit par exemple de décréter un moratoire sur tous les grands projets d’infrastructures autoroutières en Hexagone. Les partis de gauche étaient pourtant divisés depuis plusieurs années sur ce sujet, la plupart étant opposés au chantier de l’A69 censée relier Castres à Toulouse, tandis que la présidente socialiste de la région Occitanie, Carole Delga, refusait obstinément de l’abandonner.

« Ce moratoire concerne toutes les autoroutes, il concerne donc aussi l’A69, confirme Marine Tondelier à Reporterre. C’est un engagement qu’a pris le Parti socialiste, qui a eu la responsabilité, comme nous toutes et tous autour de la table, de voir dans quel sens allait l’histoire, et quelles décisions il fallait prendre. Et je les en remercie. »

De la même façon, alors que des figures socialistes s’étaient dites jusqu’ici favorables à l’installation de bassines — les grandes retenues d’eau destinées à l’usage agricole —, le Nouveau Front populaire promet plutôt d’adopter un moratoire sur les mégabassines, dès son arrivée au pouvoir. « Il y avait eu une proposition de loi [de moratoire] sur les mégabassines à l’Assemblée nationale que tous les partis de gauche avaient voté, rappelle simplement Marine Tondelier. Donc ce n’est pas étonnant qu’on [l’adopte aujourd’hui dans le programme]. Ce travail de convergence s’est fait aussi à l’Assemblée nationale. »

La photo de famille du Nouveau Front populaire.
© NnoMan Cadoret/Reporterre

De façon moins claire, le programme commun du Nouveau Front populaire propose également, dès les quinze premiers jours, de « mettre en place des règles précises de partage de l’eau sur l’ensemble des activités ». À toutes ces mesures sur l’écologie s’ajoutent le blocage des prix des biens de première nécessité dans l’alimentation, l’énergie et les carburants ; l’augmentation des salaires par le passage du Smic à 1 600 euros net ; ou encore l’abrogation immédiate des décrets d’application de la réforme des retraites et la réforme de l’assurance-chômage.

« L’été des bifurcations »

Les 100 premiers jours suivant les élections sont ensuite surnommés « l’été des bifurcations ». La coalition des partis de gauche propose de faire débattre les députés sur une loi Énergie-Climat — il faut se rappeler que la France n’en possède actuellement plus, contrairement à ce que ses propres lois imposent, car le gouvernement y a renoncé —, de mettre en place un plan climat visant la neutralité carbone en 2050 ou encore d’inscrire dans la loi le principe de la règle verte : « Ne pas prélever sur la nature davantage que ce qu’elle peut reconstituer. »

Sur la question de l’énergie, seules des propositions faisant consensus à gauche sont évoquées dans le programme : « renforcer la structuration de filières françaises et européennes de production d’énergies renouvelables », « faire de la France le leader des énergies marines », « refuser la privatisation des barrages hydroélectriques »… La question de l’énergie nucléaire, défendue par les socialistes et les communistes, mais combattue par les écologistes et les insoumis, est évacuée du programme. La coalition affirme seulement vouloir revenir sur la fusion entre l’Agence de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de recherche sur la sûreté nucléaire (IRSN) adoptée par l’Assemblée nationale au mois d’avril, malgré les inquiétudes des salariés.

Le programme du Nouveau Front populaire contient 24 pages et près de 150 mesures.
© NnoMan Cadoret/Reporterre

« C’est un programme sur cinq ans, et sur cinq ans, de toute façon, on ne construit pas une centrale nucléaire, balaie Yannick Jadot, sénateur écologiste. La priorité, c’est l’investissement dans [la rénovation des] logements et le développement des énergies renouvelables. Ensuite, nous aurons un débat autour d’une grande loi de transition énergétique, et là on continuera à avancer. »

Sur les logements, si les objectifs sont louables et ambitieux, ils mériteront par ailleurs d’être précisés. Le Nouveau Front populaire souhaite par exemple « assurer l’isolation complète des logements » et « accélérer la rénovation des bâtiments publics », sans davantage de détails sur la manière d’y arriver.

Présence d’associations, collectifs et syndicats

« Ce Nouveau Front populaire, ce n’est pas seulement le rassemblement de formations politiques, c’est un rassemblement nouveau, inédit, qui rassemble aussi des associations, des collectifs, qui est soutenu par des personnalités syndicales, associatives », affirme Manuel Bompard. Ainsi, Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, s’est exprimé le 14 juin depuis l’estrade de la Maison de la chimie. L’organisation revendiquait pourtant depuis toujours une indépendance politique.

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« Pour nous, Jordan Bardella [eurodéputé du Rassemblement national] Premier ministre, c’est le scénario du pire. C’est la promesse d’une catastrophe pour la protection du climat, pour la protection de la biodiversité », a déclaré Jean-François Julliard, évoquant les votes systématiques du Rassemblement national (au Parlement européen comme au palais Bourbon) contre les mesures écologiques, ou encore ce député du parti d’extrême droite qui avait déclaré que le Giec [1] avait « tendance parfois à exagérer ».

Sans détour, Jean-François Julliard a estimé que le Nouveau Front populaire était la seule alternative, rappelant au passage que l’État français avait été jugé fautif d’inaction climatique, à deux reprises, depuis l’accession d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Saluant une « série de mesures ambitieuses » de la coalition des partis de gauche, le directeur de l’ONG a toutefois rappelé que sa présence dans le mouvement du Nouveau Front populaire, comme celle d’autres associations et collectifs, n’était pas non plus un « chèque en blanc ». « On sera là aussi quand vous aurez été élus, parce que vous allez être élus, pour exiger des comptes, pour s’assurer que toutes les annonces qui sont aujourd’hui dans votre programme seront réellement mises en œuvre. »



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