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Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage – Les maraudes de France-Soir épisode 009

ByVeritatis

Juin 15, 2024


Le plus beau des voyages, en l’occurrence, puisque le voyage dont je vais vous parler aujourd’hui, c’est celui qu’on appelle communément « la vie. » Et si je dis « beau » alors que, malheureusement, pour beaucoup trop de personnes sur Terre, la vie s’avère être, en tous points, un voyage horrible, une succession de moments douloureux, c’est parce qu’à l’inverse, la vie qu’a eue et continue d’avoir le héros de cet épisode des Maraudes de France-Soir, c’est la vie qu’il rêvait d’avoir lorsqu’il était enfant. La vie de bohème dont il a profité au-delà de toutes ses espérances, et durant toute la durée, donc, de ce fabuleux voyage. 

Dès lors, s’il vous plaît : laissez-moi vous en faire profiter. 

Le but principal des élucubrations épistolaires hebdomadaires que je tiens ici sous cette appellation, étant d’essayer de vous extirper, le temps de leur lecture, de la morosité ambiante « chronique » dans laquelle l’actualité nous confine au quotidien, l’histoire de Hati (1) s’y prête parfaitement. 

C’est parti ! 

Notre héros du jour ne s’appelle pas Ulysse, il s’appelle « Hansen » (fils de « Hans » en norvégien) mais il tient à ce qu’on le surnomme « Hati » (je vous explique pourquoi juste après). Néanmoins, comme dans le poème de Joachim du Bellay, la chanson de Georges Brassens et le film d’Henry Colpi, effectivement, Hati « a fait un beau voyage. » 

Ce voyage commencé à Hellesylt (2), dans sa Norvège natale, et qui s’est poursuivi dans une bonne trentaine de pays, l’a amené à Thise, petite commune du Doubs (25220) où Hati a posé ses valises, et je l’ai rencontré fin mai. Thise est surplombée à l’est par la colline dénommée « Monfaucon », colline à propos de laquelle les « Thisiens » disent ceci (j’adore), au regard de cette caractéristique topographique : « S’y rendre est un péché, car c’est de là qu’on voit Thise ! » 

 

Pourquoi Hansen tient-il à ce qu’on le surnomme « Hati » ?  

Parce que dans la mythologie nordique, Hati est un loup gigantesque. C’est le rejeton de Fenrir. Il poursuit Máni, le dieu Lune, dans le ciel, toutes les nuits. Son frère jumeau, Skoll, poursuit Sol, la déesse Soleil. Et ce vieux loup de mer (c’est d’océan en océan qu’il a mené sa barque) mesurant presque deux mètres et pesant facilement 140 kilos, l’adjectif gigantesque correspond parfaitement à Hati. 

Et surtout Hati a une particularité professionnelle particulièrement originale. Il exerce cumulativement deux activités, l’une diurne, l’autre nocturne, qui n’ayant à ce point absolument rien à voir, pourraient être considérées, à tort, comme étant antinomiques : dératiseur le jour, et DJ (disque jockey) la nuit. 

Si je dis que c’est « à tort », c’est parce que dans chacune de ces deux activités, Hati « met le feu » : « le feu », le foyer qu’il allume pour enfumer les rats, et « le feu », l’ambiance de folie qu’il met durant les soirées qu’il anime. 

Et étant donné que c’est à « Thise » qu’il exerce actuellement, et que ces deux feux, il les « attise » (non-stop, en outre, pendant ces soirées), j’ai soumis à Hati cette idée de slogan promotionnel : « À Thise Hati attise et dératise. » 

Cette idée m’est venue après « la goutte », un genre de trou normand local où le Calva est remplacé par de la Gentiane (une spécialité Franc-Comtoise), c’est-à-dire tandis que Hati me finissait le récit de son aventure, récit qu’il m’a livré samedi soir dans le bistrot où je l’avais invité à cet effet. 

Dimanche matin, plus exactement, car c’était après qu’il eut fini d’officier, à savoir vers six heures bien tassées, peut-être même sept. Voire huit. Je ne sais plus (la Gentiane, ça fait mal aux cheveux). 

Et c’est vrai qu’une formule « entrée + plat + fromage + dessert », et avec donc, en plus, en bonus, offert par la maison, un petit trou normand, ça cale quand même nettement mieux « le bidon », qu’un bol de soupe à l’oignon (collation matinale française traditionnelle des couche-tard), simplement, ou qu’un sandwich « jambon-beurre », fût-ce avec des cornichons. 

Hati est né en 1953. Et alors qu’il n’avait pourtant qu’à peine 14 ans, il s’est embarqué sur un voilier, en tant que mousse, direction ni plus ni moins que l’autre bout du monde : l’Argentine. Ensuite, trente-six ans durant, il est allé de port en port, un peu partout sur la planète, sur les cinq continents. Et passionné qu’il est de festivités nocturnes qui se terminent bien bien bien après le lever du soleil, il s’est lancé dans la carrière de DJ, avec succès, il y a dix ans, à savoir à soixante-et-un printemps. 

Non parce que, bon, ok, ce ne sont pas des « teufs », style grande-messe, de X milliers de personnes sous ecstasy et autres, qu’il n’anime. Ce sont, soit des soirées privées, chez l’habitant ou dans un lieu que l’organisateur qui engage Hati a loué à cet effet, soit dans des établissements de taille moyenne, restaurants, brasseries et autres, qui s’attachent les services de Hati pour tel ou tel événement ad hoc. 

Mais étant désormais connu et reconnu dans la région comme étant tout sauf un argonnier (3), Hati a également des clients récurrents en Franche-Comté. À Thise, par exemple, où Hati officie tous les samedis soir (ou presque) dans la brasserie où je l’ai rencontré. 

Sa spécialité ? Les années 80. D’où son succès. Pardi ! Il n’y a rien de tel que la musique des 80’s pour mettre le feu sur le « dance flor », pas vrai ? Patrick Hernandez confirme. « Born to be alive » est d’ailleurs la devise implicite manifeste de Hati. En effet, Hati a beau avoir définitivement troqué les longs courriers marins pour un modeste camping-car, il continue de voir du pays. En France, notamment, amoureux qu’il est tombé du pays où, question picole et bectance, partout il y a de quoi se régaler les papilles. En échange de quoi, partout où il se produit, Hati offre à son public de quoi se régaler les guibolles, le cœur et l’esprit, le temps d’une soirée. Et plus si affinités. 

Voilà ce qu’on peut appeler un excellent « échange de bons procédés ». Une parfaite et concrète illustration de ce que les politiciens appellent eux niaisement « le vivre ensemble », car sans savoir de quoi il s’agit véritablement, déconnectés qu’ils sont, tous, de la réalité du terrain. 

Donc bravo et merci à Hati, ainsi qu’à ceux qui l’engagent et à toutes les personnes qui dansent et chantent avec lui, cette joie de vivre qui sent si bon la France, n’en déplaise à ceux qui y préfèrent la morosité institutionnalisée. 

 

1) « de Hati » et non pas « qu’Hati », car le « H » de Hati étant un « H » aspiré (4), pas de liaison entre « de » et « Hati. » 

2) Hellesylt est un charmant village de fjord. Sa cascade du même nom est l’une des chutes d’eau les plus photographiées au monde. Rien que pour cette cascade, ce village est devenu un passage très populaire pour les croisières dans le fjord norvégien. En plus de cette magnifique chute d’eau, le village se démarque également par son joli paysage avec ses bâtiments traditionnels et les fermes installées sur les pentes du fjord. Avec seulement 250 habitants, le village est très calme, et cela lui donne un côté presque mystique. 

3) terme franc-comtois : « Argonnier : mauvais artisan, mauvais ouvrier. 

« Quel argonnier ce maçon ! Vu le résultat, j’aurais pu le faire moi-même ! ». 

4) c’est Olga Holsen qui me l’a dit. La rousse en question est l’équivalente Norvégienne de la fille aînée du fils cadet du Grand Robert, qui chez nous régit la grammaire, à savoir le Petit Robert (5) : Laure Tograf. 

5) « Robertsen », dirait-on, donc, en Norvégien, puisque, rappelez-vous, « sen » est le suffixe   qu’on ajoute au prénom du père pour dire « fils de », et identifier ainsi le fils aîné d’un Norvégien, les Norvégiens n’ayant pas de patronyme, au contraire des sapiens-sapiens qui, dans les autres pays, sont répertoriés par les autorités dans ce qu’on appelle généralement « les registres de l’état civil. » 





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