• dim. Juin 23rd, 2024

Non, l’écologie d’Emmanuel Macron n’a rien de scientifique


Lors de sa conférence de presse donnée mercredi 12 juin, premier acte de sa campagne pour les élections législatives, Emmanuel Macron n’a cessé de ramener dos à dos « les deux extrêmes ». En cherchant à ostraciser de la même manière l’extrême droite et l’alliance de gauche, qualifiée « d’extrême gauche », il s’arroge de fait le monopole de la modération et, plus inquiétant, de la légitimité républicaine. Une posture que le philosophe Alain Deneault dénonce comme un totalitarisme « d’extrême centre », qui refuse l’axe droite-gauche et prétend s’y substituer, comme seul pouvoir légitime, sage et rationnel.

Emmanuel Macron a développé cette ligne lors de cette conférence de presse, notamment lorsqu’il a évoqué sa vision de l’écologie et de la science. « Nous sommes de ceux qui n’opposent jamais science et écologie », a-t-il affirmé, renvoyant en creux ses opposants sur l’écologie à une forme de non scientificité.

Sa déclaration est toutefois un peu trop péremptoire. L’urgence écologique, telle que décrite par la science, impose des choix radicaux qui se sont souvent révélés complètement antinomiques à la politique menée par Emmanuel Macron depuis 2017. Voici cinq exemples emblématiques, et non exhaustifs, de décisions macronistes prises à l’encontre des intérêts écologiques et à rebours de toute rationalité scientifique.

1/ Le recul sur les pesticides

En réponse à la crise agricole, le gouvernement a annoncé en février mettre « sur pause » le plan écophyto, qui devait permettre de réduire l’usage des pesticides de 50 % d’ici 2030 par rapport à la période 2015-2017. En mai, un nouveau plan l’a remplacé, accompagné de la mise en place d’un nouvel indicateur, accusé d’être un outil fallacieux faisant artificiellement baisser l’usage des pesticides. Un « mensonge » et un « retour en arrière de quinze ans » pour les ONG écolos.

Une manière de casser le thermomètre plutôt que de lutter réellement contre les pesticides, contestée par les experts du comité scientifique et technique du plan Ecophyto. Une politique, surtout, en contradiction totale avec l’alerte des scientifiques. Des dizaines de chercheurs dénonçaient, dans une tribune parue dans le Monde en février, « la mise au placard des connaissances scientifiques ».

Des centaines d’experts mobilisés pour analyser plus de 11 000 publications avaient pourtant, écrivent-ils, présenté leurs conclusions au gouvernement, démontrant la dangerosité des pesticides pour l’environnement et pour la santé humaine. Leurs travaux montrent également que des alternatives sont possibles.

2/ L’acharnement antiscientifique pour l’A69

Le projet d’autoroute A69, entre Castres et Toulouse, suscite une contestation massive, violemment réprimée par l’État. Les travaux doivent détruire 316 hectares de terres agricoles, 13 hectares de zones boisées et de nombreuses zones humides. Il va générer en outre un surplus massif d’émissions de gaz à effet de serre : un bilan climaticide que dénoncent de nombreux scientifiques ayant apporté leur soutien à la lutte contre l’A69.

Projet d’un autre âge faisant de la voiture l’alpha et l’oméga de l’aménagement du territoire, il est censé faire gagner quinze à trente-cinq minutes de temps de trajet, alors même que des alternatives écologiques sont possibles. Dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, plus de 1 500 scientifiques, dont les climatologues Valérie Masson-Delmotte et Christophe Cassou, l’appelaient à renoncer à ce projet, « incompatible avec la transition écologique telle qu’inscrite dans la loi » et symbole du « déni de l’urgence de la situation ». Jusqu’à présent, le président de la République a choisi d’ignorer les scientifiques.

3/ Les mégabassines, emblème de maladaptation climatique

Les mégabassines, gigantesques trous destinés à pomper et stocker l’eau des nappes et rivières pour l’irrigation agricole, cristallisent les tensions et ses opposants font face à la répression policière la plus brutale. Elles sont accusées de nombreux maux, d’accaparer l’eau pour une minorité d’agriculteurs, au détriment des autres usagers et des écosystèmes notamment. Alors que les pénuries d’eau sont déjà en train de s’aggraver avec le changement climatique, de nombreux scientifiques alertent : les mégabassines ont tout de la « maladaptation », c’est-à-dire de la fausse solution qui risque d’aggraver le problème plutôt que d’apprendre à consommer moins d’eau.

Cela n’a pas empêché le gouvernement de promettre une centaine de nouvelles mégabassines en France en 2024. Pour défendre les projets déjà engagés sur le bassin du Clain, près de Poitiers, le préfet de la Vienne est même prêt à nier la science, c’est-à-dire à contourner les résultats d’une étude très critique sur la viabilité d’une partie de la trentaine de bassines prévues. Ce préfet, Jean-Marie Girier, est par ailleurs un proche d’Emmanuel Macron, dont il était le directeur de la campagne présidentielle de 2017.

4/ Les nouveaux OGM, ou la science manipulée

En février, le Parlement européen votait en faveur de l’assouplissement de la réglementation sur les « nouveaux OGM », obtenus avec de nouvelles techniques, dont l’innocuité reste scientifiquement controversée. Les eurodéputés de la majorité d’Emmanuel Macron ont voté pour. Peut-être pas en toute connaissance de cause cependant, car un rapport de l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) pointait certains risques liés à ces nouveaux OGM et recommandait une évaluation au cas par cas, aux antipodes du vote européen.

Mais ce rapport, qui devait être publié en février, avant le vote, a vu sa sortie être inexplicablement retardée. Elle l’aurait été sur « pression politique » selon une source citée par le journal Le Monde, alors même que le gouvernement aurait disposé du rapport dès le mois de janvier. À l’inverse, les législateurs ont été largement exposés à une campagne pro-OGM menée par un groupe de lobbying technophile, et relayée par une partie du CNRS, suscitant l’indignation de nombreux chercheurs.

5/ Les « Amishs », plus scientifiques que Macron

Symbole fort de son premier quinquennat : Emmanuel Macron avait, en septembre 2020, fustigé le « modèle amish » des écolos voulant « revenir à la lampe à huile ». Dans son viseur : la demande de moratoire sur la 5G exprimée par une soixantaine d’élus, dont une dizaine de maires écolos. Un écho à la critique de la « décroissance », véritable repoussoir pour le camp présidentiel, adepte de la « croissance verte » et du technosolutionnisme.

La science, pourtant, fournit de nombreux arguments étayant les appels à la prudence sur le développement exponentiel de ces technologies numériques. La 5G est en une belle illustration : supposée être plus efficiente en énergie, elle suscite en réalité de nouveaux usages et risque ainsi d’accroître les consommations d’énergies, de ressources et la génération des pollutions qui vont avec. Un effet rebond consumériste dénoncé par plus de 700 scientifiques dans une tribune à Libération. Le Haut Conseil pour le climat estime lui aussi que la 5G risque d’augmenter « significativement » l’empreinte carbone du numérique.

De manière plus large, le mépris affiché par Emmanuel Macron pour les idées décroissantes n’est pas vraiment en phase avec le développement de la recherche scientifique, qui tend à montrer l’incompatibilité de la croissance du PIB et de la sauvegarde du climat. Les derniers rapports du Giec explorent déjà la notion de « sobriété » et les climatologues tendent de plus en plus à prendre en compte des scénarios de décroissance dans leurs modèles. Il se pourrait, bientôt, que les Amishs apparaissent comme bien plus rationnels et scientifiques que les apôtres de la croissance verte.





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