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L’imaginaire « gore » de Javier Milei, par Alan Pauls (Le Monde diplomatique, juin 2024)

ByVeritatis

Juin 18, 2024


Sur le front culturel en Argentine

M. Javier Milei a peu de sympathie pour la culture, ses institutions, ses subventions — un secteur parasite, un milieu progressiste… Même si elle s’appuie sur des chiffres, son offensive n’est pas fondamentalement dictée par des choix économiques, mais par une vision politique. Un messianisme obsessionnellement « antirouge » le conduit à brandir sa tronçonneuse.

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Carlos Alonso. – « Manos anónimas (Mains anonymes) », 1976-2019

© Carlos Alonso – Museo Nacional de Bellas Artes, Buenos Aires

Dès sa prise de fonction en tant que président de la nation, le 11 décembre dernier, M. Javier Milei a montré quel était son véritable voire son unique projet dans le domaine de la culture : la liquider. Sa première décision fut de réduire le ministère à un secrétariat et d’en confier la direction à un producteur de théâtre privé. La seconde fut d’envoyer au Congrès une loi éléphantesque connue sous le nom de Ley de Bases (ou Ley Ómnibus, en raison de ses 664 articles) dont le chapitre 3, consacré aux questions culturelles, proposait de dégraisser, de démanteler et, dans certains cas, d’éliminer quelques institutions parmi les plus dynamiques et les plus fécondes : l’Institut national du cinéma et des arts audiovisuels (Incaa) — qu’on peut rapprocher du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) français —, dont il comptait supprimer deux des sources autonomes de financement ; le Fonds national des arts (FNA) et l’Institut national du théâtre (INT), qu’il suggérait tout simplement de fermer ; le réseau des 1 800 bibliothèques publiques, dont il voulait interrompre le modeste programme de services à tarifs préférentiels. Le plan de coupes n’épargnait pas non plus le monde de l’édition, puisqu’il annonçait l’abrogation de la loi sur le prix du livre, inspirée de la loi Lang, qui empêche les grandes librairies de pratiquer des rabais déséquilibrant le marché et nuisant aux librairies indépendantes.

La loi, rejetée début janvier, est revenue à la Chambre des députés en mai avec quatre cents articles en moins, sans le ­chapitre 3 et avec une tiède modification de l’un de ses points les plus critiques : la possibilité pour l’exécutif de légiférer par décret, sans passer par le Congrès, dans de multiples domaines au nom de l’« état d’urgence » s’appliquerait désormais à un nombre réduit de sujets et pour une durée limitée d’un an au lieu de deux, à rebours de ce que le projet initial prévoyait. En adoptant la nouvelle loi, le Congrès donnerait à M. Milei tout pouvoir pour mettre en (…)

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Alan Pauls

Écrivain argentin, auteur de La Moitié fantôme (2023), Histoire de larmes (2009), La Vie pieds nus (2007), Le Facteur Borges (2006), Le Passé (2005), tous publiés chez Christian Bourgois.



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