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À Mayotte, la question coloniale à front renversé, par Maurice Lemoine (Le Monde diplomatique, juin 2024)

ByVeritatis

Juin 21, 2024


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Laura Henno. – « Mokatir », Comores, 2017

© Laura Henno – Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia Paris – Bruxelles

De la barge qui relie Petite-Terre à Grande-Terre, les deux îles composant Mayotte, les passagers descendent, un téléphone portable ou une petite bouteille d’eau à la main. Grosse chaleur sur Mamoudzou, le chef-lieu du département : 33 degrés. Près du débarcadère, quelques poignées d’« expats » (expatriés) s’enfilent des bières au Camion rouge — « the place to be » — ou au Camion blanc — « un snack simple et sympa ». Noirs, bruns ou métissés, les Mahorais, islam oblige, évitent l’alcool : « En public, s’amuse un ex-prof métropolitain. Au bahut, on se retrouvait dans les collines pour boire un coup ! »

Quelques kilomètres plus loin, à Kawéni, alors que la nuit tombe, le chant du muezzin s’envole du haut d’un minaret. Par une fenêtre ouverte, on entend France Inter. Dans une échoppe, une « métro » règle un énorme burger dégoulinant de mayo à l’aide de l’appli sans contact de son smartphone. Hommes en boubou, femmes en salouva colorée, ou indistinctement vêtus à l’occidentale, se hâtent tranquillement. Bribes de conversations en shimaoré ou en shibushi — les deux langues locales. Dans les embouteillages dantesques de la nationale 1 (N1), unique voie, au nord, pour entrer ou sortir de la capitale, un taxi collectif piétine. Les passagers soupirent. « Un peu de patience, grogne le conducteur, on va y arriver. » Un silence. Suivent les deux expressions les plus entendues dans le département : « Pas de souci », « Inch’ Allah » (« Si Dieu le veut »).

Mayotte, c’est donc la France — sans le ramassage des ordures. Celles-ci s’entassent autour des conteneurs, aussi bien le long de la N1 que près du conseil général, en plein cœur de Mamoudzou. « Moins le ramassage des ordures, moins l’aménagement de l’espace public, moins l’accès à l’éducation ou à la santé, complète Mme Yasmina Aouny, professeure de lycée et candidate de La France insoumise (LFI) lors des dernières législatives. Il faut voir à quel point l’État, par son laisser-aller sur plusieurs décennies, (…)

Taille de l’article complet : 4 381 mots.



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