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l’extrême droite couvre le pays de giga-usines de batteries


20 juin 2024 à 16h52
Mis à jour le 20 juin 2024 à 17h39

Durée de lecture : 4 minutes

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Budapest (Hongrie), correspondance

Viktor Orbán déroule le tapis rouge aux entreprises asiatiques de production de batteries pour véhicules électriques. Au cours des cinq dernières années, les usines ont poussé par dizaines aux quatre coins du pays, pour la plupart sud-coréennes et chinoises. Cette industrialisation à marche forcée rencontre de fortes résistances locales. Les riverains redoutent les nuisances, les rejets de produits toxiques dans le sol et les nappes phréatiques, ainsi que l’accaparement des ressources en eau. Le problème environnemental se double d’un problème social, avec l’embauche de travailleurs étrangers exploités.

Cette nouvelle industrialisation est la concrétisation de l’« ouverture vers l’Est » mise en place par le gouvernement national-conservateur d’Orbán au début des années 2010. Cette doctrine vise à réduire la dépendance économique et politique de la Hongrie vis-à vis d’un Ouest déclinant, à faire de la Hongrie un trait d’union entre l’Est et l’Ouest et une tête de pont européenne pour les puissances asiatiques.

Le sud-coréen Samsung a été précurseur en s’implantant à Göd, au nord de Budapest, en 2018. L’arrivée de sa « giga-usine », la seconde en taille après celle de Tesla à Berlin, a provoqué une levée de boucliers et favorisé l’élection d’un maire issu de l’opposition au Fidesz, le parti politique d’extrême droite d’Orbán, l’année suivante. Par mesure de rétorsion, le gouvernement a profité d’un régime spécial lié à l’épidémie de Covid-19 pour soustraire sa zone industrielle à la commune, la privant des retombées fiscales de l’usine Samsung et de tout droit de regard sur ses activités. Samsung a pu fonctionner et s’agrandir sans cesse sans permis environnemental et sans véritable étude d’impact environnemental, l’autorité compétente ne le jugeant pas nécessaire. À Göd, selon des organisations non gouvernementales, il y aurait dans les eaux souterraines du NMP (N-méthyl-2-pyrrolidone), nocif pour les fœtus et les capacités reproductives.

La plus grande usine d’Europe de batteries

Le gouvernement considère que cette nouvelle industrie est vitale pour maintenir en Hongrie l’industrie automobile allemande (Mercedes, Audi, BMW), principal pilier de l’économie du pays. Il accueille aujourd’hui en majesté le numéro 1 mondial, le chinois CATL, qui construit près de Debrecen, en Hongrie orientale, la plus grande usine d’Europe de batteries pour l’automobile électrique. Un investissement de 7 milliards d’euros, dont près d’1 milliard seront subventionnés par l’État.

Les associations écologistes locales estiment que l’usine consommera au quotidien autant d’eau que l’ensemble des 200 000 habitants de Debrecen. L’inquiétude est d’autant plus vive que dans cette région du nord de la Grande plaine, l’Alföld, les steppes et les marécages sont soumises de plus en plus fréquemment aux sècheresses et au manque d’eau. Greenpeace alerte sur le fait que « d’ici 2070, les deux tiers du pays se transformeront en une steppe sèche où nous ne pourrons même pas produire notre propre alimentation ».

Ces combats locaux ont remobilisé des mouvements écologistes et les forces résiduelles de l’opposition à Viktor Orbán. Le premier combat politique de l’opposition naissante contre le régime communiste, dans les années 1980, était d’ailleurs écologiste et visait à s’opposer à la construction d’un barrage hydroélectrique sur le Danube, à Nagymaros. Pour la Hongrie qui se perçoit comme le château d’eau de la région, alimenté par les cours d’eau des Carpates qui l’entourent, la question de l’eau est prégnante.

Le défi environnemental posé par cette nouvelle industrie s’ajoute un enjeu social. Dans un contexte de pénurie de travailleurs en Hongrie, les industriels ont recours à des « travailleurs invités ». Cette main-d’œuvre issue des pays voisins (Ukraine, Serbie) et asiatiques (Vietnam, Philippines…) est corvéable à merci, ne peut rester que temporairement dans le pays et n’a pas le droit au regroupement familial. Ce printemps, l’entreprise sud-coréenne SK ON a, par exemple, mis à la porte des centaines de Philippins, manu militari, dans son usine à Iváncsa, rapporte le quotidien Népszava. Comme Samsung à Göd, l’usine SK ON à Iváncsa a été classée dans une zone spéciale qui échappe aux autorités locales.



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