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Face à l’extrême droite, réenchanter le monde



24 juin 2024 à 09h55
Mis à jour le 24 juin 2024 à 10h27

Durée de lecture : 4 minutes

Amies, amis, ne nous laissons pas submerger par la tristesse, par la peur, par le fatalisme. Face aux nuages obscurs qui envahissent l’horizon, il nous faut regarder le coin de ciel dégagé où perce le soleil, emplir nos cœurs d’énergie et nos âmes de joie, affirmer haut et fort que l’avenir n’est pas de la catastrophe, de la guerre, de la haine, mais qu’il se tisse et grandit par les liens, par des attachements, par la bienveillance, par l’attention aux autres et au monde.

Et ensuite, il faut être lucide : ce qui se joue en ce moment est une clarification. Le problème politique se résume au fait que les milliardaires ont peur qu’on leur prenne 2 % de leur fortune pour servir le bien commun. Devant la montée du désastre écologique, devant la montée des révoltes, devant l’exigence de la justice, les dominants ont fait leur choix : ouvrir la porte à l’extrême droite pour sauver le projet technocapitaliste. Sceller l’alliance nauséeuse où la chasse aux immigrés se conjuguera à la répression policière de tous les militants et à la poursuite sans frein de la numérisation au mépris des enjeux écologiques. De Narendra Modi en Inde à Javier Milei en Argentine et Donald Trump aux États-Unis, le schéma est maintenant bien connu et ne se cache plus derrière le moindre oripeau. En France, les Bolloré, Arnault, Pinault, Dassault lâchent à la bride à leurs valets médiatiques pour harasser le Front populaire — cette salvatrice alliance de la gauche et des écologistes — et faire accepter un gouvernement du Rassemblement national.

Le seul avantage de la situation est sa clarté étincelante : d’un côté, le parti de la peur, du renfermement, de la sujétion, de l’abandon aux forces de la technique, de l’autre, le parti de l’écologie, du soin au monde et aux humains, de l’émancipation, de la justice. Les choses n’ont jamais été si claires depuis, non pas 1936, mais 1940, quand le pays et les élites sacrèrent Pétain comme gouvernant, le même Pétain dont les affidés sont devenus les fondateurs du Front national.

Donc, à l’instant, pas la moindre hésitation : il faut unir nos forces face au péril. Et particulièrement les écologistes, qui ont revivifié la gauche en l’avertissant depuis des années de la dégradation écologique, à laquelle un productivisme daté la rendait aveugle, et en replaçant la justice au cœur de la politique, par l’évidence reconnue qu’il ne peut y avoir de progrès climatique sans justice sociale. Car les mêmes milliardaires qui rechignent à rendre 2 % d’une fortune mal acquise sont les mêmes qui représentent une part massive des émissions à de gaz à effet de serre. Et le Rassemblement national, qui n’hésite pas à parler de « terrorisme climatique » à l’égard des écologistes [1] est le fidèle laquais de cette classe dominante mortifère.

C’est pourquoi Reporterre a pris l’initiative d’organiser une grande réunion ce lundi 24 juin pour affirmer « L’écologie est contre l’extrême droite ». Quasiment tout le mouvement écologiste s’y retrouvera, et c’est une joie d’avoir senti dans la préparation de ce moment l’enthousiasme et le besoin que nous avons toutes et tous de nous retrouver pour agir ensemble.

Mais ce combat exige que l’écologie grandisse, aille plus loin, soit plus forte, plus intelligente, plus persuasive. Nous pouvons penser maintenant que le Front populaire va repousser l’arrivée du Rassemblement national. Mais il nous faudra ensuite, dans les temps troublés qui vont s’ouvrir dans notre pays, savoir convaincre nos concitoyennes et concitoyens que l’écologie n’est pas une contrainte, mais qu’elle est la chance de vivre ces « Jours heureux » qu’aux heures sombres qu’ont vécu nos aïeux, certains d’entre eux ont su formuler et rendre possible.

Une autre époque s’ouvre ainsi pour le mouvement écologique : tout en continuant l’alerte toujours indispensable, tout en poursuivant sans relâche les luttes contre la destruction, il nous faut rouvrir le désir, dessiner l’avenir, enchanter le monde. Trouver les mots, les images, les récits, les expériences de vie qui fassent dire à nos voisins : « Ah mais oui, c’est possible ! » Ce qui est possible ? Rendre le monde beau… Beau par l’amitié ou l’amour entre les êtres, beau par la floraison des possibles, beau par la liberté de la vie.



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