• dim. Juil 7th, 2024

Ces associations veulent porter la question de l’habitat digne à l’Assemblée


Plaisir (Yvelines), Fleury-Mérogis (Essonne), reportage

Au pied des bâtiments du quartier de Valibout, à Plaisir dans les Yvelines, Diabe Kamara est en pleine opération collage d’affiches — « Voter pour nous, c’est voter pour vous ! ». Habitant du quartier depuis tout petit, il se fait régulièrement interpeller et klaxonner. Cet entraîneur de foot dans des clubs du département est aussi militant depuis plusieurs années dans l’association Droit au logement des Yvelines (DAL 78).

À quelques jours des élections législatives, le candidat sans étiquette cible les bureaux de vote avec les plus faibles taux de participation, comme celui de l’école Louise Michel, qui a enregistré près de 70 % d’abstention aux élections européennes. L’objectif n’est pas de piquer des bulletins au Nouveau Front populaire, mais de donner une voix à celles et ceux qui ne l’expriment pas.

Un candidat contre les démolitions de HLM

Devant une boulangerie, Diabe Kamara, 34 ans, échange avec une dame, Yolande, 65 ans, appuyée sur son déambulateur. Il promet à la retraitée, qui n’est pas sûre de se rendre aux urnes, qu’avec lui ce sera « le logement avant tout ». « Le loyer augmente tous les ans, à cause des charges », assure Yolande. Le candidat confirme : « C’est la facture la plus chère pour les familles, et j’en connais beaucoup qui s’abstiennent de manger pour payer le loyer. »

Le candidat et sa suppléante, Pauline Comte Bellot, professeure d’histoire, ont été reconnus et interpellés par les passants dès l’affiche collée.
© Léa Guedj / Reporterre

Comme lui, de nombreux politiques et associatifs de terrain entendent porter la question de l’habitat digne à l’Assemblée nationale. Un sujet dont s’est saisi le Nouveau Front populaire (NFP). Dans son programme est prévu la construction de 200 000 logements sociaux par an pendant cinq ans, la revalorisation des aides au logement de 10 %, des sanctions alourdies pour non-respect des quotas de HLM« C’est la première fois que je vois des propositions sur le logement aussi construites et concrètes dans un programme électoral. C’est une opportunité », estime Eddie Jacquemart, président de la CNL.

« On connaît beaucoup de gens qui dorment dans leur bagnole »

Quid des destructions de logements sociaux ? Le Nouveau Front populaire n’a pas pris position sur ce sujet. Le collectif « Stop démolitions », dont font partie la CNL et le DAL, a adressé une lettre aux candidats pour demander « un moratoire immédiat aux démolitions permettant de procéder à une rénovation des quartiers existants ».

À Valibout, « Quartier prioritaire de la Ville » composé quasi exclusivement de logements sociaux, 56 HLM sont promis à une démolition prochaine dans le cadre d’une opération cofinancée par l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru). À la place, ils entendent « désenclaver » le quartier et 200 logements doivent être construits, la plupart en accession libre pour « favoriser la mixité » et en faire « un écoquartier ».

110 000 logements sociaux doivent être démolis

L’illustration locale d’une problématique nationale. Le Nouveau programme de rénovation urbaine (NPNRU) prévoit la démolition de 110 000 logements sociaux, et 100 000 constructions d’ici à 2030. « On connaît beaucoup de gens qui sont dans leur bagnole ou dans les hôtels sociaux, et en attente depuis des années de ces logements qu’on démolit. De grands logements pas chers, conventionnés APL, à moins de 5 euros du m² sont démolis pour reconstruire des logements plus petits et plus chers », résume Étienne Recht, porte-parole du DAL 78 et soutien de Diabe Kamara dans sa campagne.

Lorsqu’on se promène entre les immeubles, les témoignages de difficultés à trouver un HLM ne manquent pas. « Je dois dormir à droite et à gauche en attendant un logement social », raconte Michael, 28 ans. Samira, 30 ans, agente de restauration en cantine scolaire, assure qu’elle va « voter pour la première fois. Mon frère galère depuis quatre ans pour trouver un logement social, et là ils veulent démolir trois bâtiments dans le quartier ! En plus, ils viennent d’être rénovés… » Une situation que Diabe Kamara connaît bien : « Mon frère et ma sœur attendent un logement social depuis plus de deux ans. Ils doivent être hébergés chez des membres de la famille. »

Des immeubles murés qui doivent être démolis.
© Léa Guedj / Reporterre

Direction Fleury-Mérogis, dans l’Essonne. Dans cette ville aux 67 % de logements sociaux, « il y a 500 dossiers en attente pour un logement social », indique le maire (Parti communiste) Olivier Corzani, qui déplore des « temps d’attente de cinq à sept ans » sur certaines demandes en région parisienne. Muni de ses tracts pour le Front populaire, il se lance dans une opération de porte-à-porte dans les immeubles du quartier des Aunettes, dans l’espoir d’une répartition plus « équitable » des logements sociaux entre les communes.

Le RN veut la priorité nationale pour les logements sociaux

Sur le tract, les propositions du NFP sont comparées aux mesures mises en place par la majorité présidentielle telles que la baisse des APL, et aux propositions du Rassemblement national (RN). Le parti d’extrême droite « représente un danger réel pour les locataires de logements sociaux », s’alarme Hervé Corzani, responsable de la CNL à Fleury-Mérogis. Père du maire de Fleury, il participe lui aussi à l’opération de porte-à-porte. Aux élections européennes, le Rassemblement national et La France insoumise sont arrivés au coude à coude, avec respectivement 32,23 % et 32,16 % des voix, dans cette commune francilienne.

Olivier Corzani et Eddie Jacquemart, entre autres, lors d’un débat sur le logement social en 2022.
@VMerogis / X

Dans les étages, quelques portes s’ouvrent. Certaines se referment aussitôt. « Je ne vais pas voter pour le Front populaire, je ne supporte pas Monsieur Mélenchon ! », rétorque une habitante au quatrième. Au rez-de-chaussée, Thérèse, 42 ans, est plus réceptive. Arrivée en France en 2009, l’auxiliaire de vie pour des personnes handicapées n’a pas encore obtenu la nationalité française. Elle ne pourra donc pas voter le 30 juin, mais elle a de quoi s’inquiéter du score du RN aux élections législatives, l’alerte Hervé Corzani.

Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, propose d’instaurer « une priorité d’accès au logement social pour les travailleurs de secteurs prioritaires », sans plus de précision, et d’en exclure les personnes ayant un casier judiciaire. Lors de la campagne pour les européennes, il plaidait pour une « priorité nationale » dans l’attribution des logements sociaux, pour les « réserver aux familles françaises ».



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