• dim. Juin 30th, 2024

De Toulouse à Castres, l’A69 symbolise l’affrontement de deux mondes


Tarn et Haute-Garonne, reportage

« L’A69 est clairement un projet d’extrême droite », déclare Gilles Garric, membre de La Voie est libre. À Castres, le 19 juin, des militants du collectif d’opposants à l’autoroute A69 sont venus dans la petite salle du tiers lieu Le vingt-deux pour la réunion publique du candidat Julien Lassalle, investi par le Nouveau Front populaire (NFP) sur la troisième circonscription du Tarn. Ce projet d’autoroute dont les travaux ont débuté en mars 2023 cristallise les débats et résume à lui seul l’affrontement de deux modèles de société.

« On s’est toujours défendus d’être partisans et d’être affiliés à un mouvement politique », précise le militant. Force est de constater que « le Nouveau Front populaire souhaite un moratoire sur ce type de projet, et c’est ce qu’on demande depuis des années. L’A69 est anti-écologique en artificialisant plus de 365 hectares de terres et antisociale puisqu’elle s’adresse seulement aux plus aisés, et ça, ce sont des valeurs portées par l’extrême droite aujourd’hui », résume-t-il à Reporterre.

Signé par l’ensemble des partis de gauche, le programme du Nouveau Front populaire porte en effet la tenue d’un « moratoire sur les grands projets d’infrastructures autoroutières » en cas de victoire aux élections législatives du 7 juillet.

« Petit-fils d’immigré, je sais ce que le fascisme représente »

Julien Lassalle, candidat du NFP dans cette circonscription qui regroupe presque tout le tracé de l’autoroute, porte ce sujet à bras-le-corps sans pour autant en faire une priorité de sa campagne. « Il y a de nombreux autres sujets importants à avancer notamment le combat contre l’extrême droite, et en tant que petit-fils d’immigré espagnol, je sais ce que le fascisme représente », raconte le candidat insoumis lors de la réunion publique. Un moratoire « permettrait d’apaiser les polémiques, de dialoguer, et de rendre justice » poursuit le cheminot qui habite Saint-Sulpice.

« C’est l’un des sujets principaux pour la population locale », assure Jean Terlier, candidat Ensemble.
© Antoine Berlioz / Reporterre

En Occitanie, la gauche ne s’est pas toujours opposée unanimement à l’A69. La présidente de la région Occitanie et membre du parti socialiste Carole Delga continue de soutenir ce projet, et a assuré — à tort — sur France 5 que cette autoroute n’est pas concernée par un éventuel moratoire.

Si l’extrême droite passe, « ils iront jusqu’au bout »

« Au niveau local, il n’y a aucune ambiguïté sur la position du parti socialiste », lance Martine Daste-Moron, secrétaire de la section castraise du PS et conseillère municipale d’opposition à Castres. « Le premier secrétaire du parti Olivier Faure avait déjà affirmé son opposition au projet d’autoroute et c’est également notre ligne. C’était logique pour nous de faire partie de cette grande union de la gauche pour battre l’extrême droite dans la 3e circonscription du Tarn. Mais ce sujet devient presque accessoire puisque si le RN remporte les élections, cette autoroute se fera de toute façon », poursuit-elle, entourée de membres des Écologistes, de La France insoumise et de Génération.s qui soutiennent tous la candidature de Julien Lassalle.

Le 21 juin, le local du Parti socialiste à Castres a été la cible de tags, notamment deux croix gammées et une croix celtique inscrites au marqueur. Sur le réseau social X, le candidat Julien Lassalle a réagi en écrivant que « depuis des mois, nos organisations alertent sur le laxisme des autorités face à la montée en puissance des groupuscules d’extrême droite dans notre pays et notamment dans le Tarn ». Dans cette circonscription, le Rassemblement national a réalisé de très bons scores lors des élections européennes du 9 juin, notamment dans la commune de Soual avec près de 50 % des voix.

Les députés du Nouveau Front populaire lors d’une manifestation contre l’autoroute A69 à Toulouse.
© Antoine Berlioz / Reporterre

De quoi donner de l’espoir à Guilhem Carayon, 25 ans, président des Jeunes Républicains qui a fait alliance avec l’extrême droite sur ce territoire. Contacté par téléphone, son directeur de campagne a décliné notre demande d’interview, « on connaît la position de Reporterre, vous connaissez la nôtre, on préfère répondre à d’autres médias » avant de raccrocher. Concernant l’A69, le jeune candidat a déclaré à franceinfo qu’en cas de victoire « on ira au bout du projet, on rétablira l’ordre public et on expulsera les zadistes ».

Hyper-métropolisation

Face à ces deux candidats, Jean Terlier, député sortant, venu de la majorité présidentielle et fervent défenseur de l’autoroute, compte lui aussi mettre en avant son avis sur la question. « Votre député pour l’A69 » peut-on lire sur ces affiches de campagne placardés un peu partout aux abords de la ville. « C’est l’un des sujets principaux pour la population locale » assure le candidat Ensemble. « C’est un dossier qui pourrait faire basculer ces élections dans notre circonscription. Je le vois quand on tracte sur les marchés, on me parle beaucoup de l’autoroute », dit-il au téléphone. « Je m’inquiète de la poussée de l’extrême droite, mais également de la gauche et de son idée de moratoire alors qu’on attend l’autoroute depuis de nombreuses années. »

Plus à l’est, la troisième circonscription de Haute-Garonne est également concernée par le futur tracé de l’A69. Samedi 22 juin au matin, sur le marché de Balma dans la banlieue toulousaine et en plein cœur de cette circonscription, les militants des différents partis s’affrontent par tract interposé.

« C’est l’un des sujets principaux pour la population locale »

« L’A69 c’est quoi ? Une autoroute, c’est cela ? » questionne Stéphanie Alarçon, candidate du Rassemblement national sur cette circonscription, qui semble légèrement désarçonnée par le sujet. Pourtant, les travaux de l’A69 ont déjà modifié considérablement le paysage de ce territoire et entraîné de nombreuses résistances. Dans la commune de Verfeil par exemple, une zad s’est créée pour empêcher l’abattage d’arbres. « Je suis plutôt pour ce projet », finira par concéder la candidate du RN à côté de ses militants qui distribuent des flyers « Bardella Premier ministre ».

Christine Arrighi, candidate du Nouveau Front populaire dans la 9e circonscription de Haute-Garonne, ici au marché dans le quartier populaire de Bagatelle à Toulouse.
© Antoine Berlioz / Reporterre

À quelques mètres, à l’entrée du marché de Balma, Agathe Roby et son équipe s’affairent eux aussi. La candidate aux législatives et conseillère municipale d’opposition à Toulouse, investie sur cette circonscription par le Nouveau Front populaire, partage un avis tranché sur la question de l’A69. « Ce projet aura un impact sur l’ensemble de la circonscription, dans les communes de Haute-Garonne traversées par l’A69, mais également à Toulouse avec cette dynamique d’hyper-métropolisation. On entend parfois dire que les Toulousains n’ont pas la légitimité de se prononcer sur ce projet, mais les questions écologiques concernent tout le monde. »

Un projet« emblématique de ce qu’il ne faut plus faire »

Aurélien Taravella, conseiller départemental (Place publique) et suppléant d’Agathe Roby, rappelle qu’« à Strasbourg, le Grand Contournement Ouest (GCO) a été jugé illégal mais l’autoroute était déjà quasi finie. On veut éviter cela, et le moratoire permettra de prendre le temps d’étudier tous ces recours ».

Au sud, dans la 9e circonscription de Haute-Garonne, l’écologiste Christine Arrighi, ancienne rapporteure de la commission d’enquête sur le montage juridique et financier du projet d’autoroute A69, est candidate à sa réélection sous la bannière du NFP. « Après la dissolution de l’Assemblée, tous les travaux parlementaires ont été stoppés net, y compris la commission d’enquête sur l’A69. Il n’y aura pas de rapport final mais on a appris beaucoup de choses lors de ces auditions », raconte-t-elle en tractant sur le marché de Saint-Agne, un quartier dans le sud de Toulouse.

Un militant de La Voie Est Libre ainsi que l’expert écologue Jacques Thomas détaillent au député sortant Jean Terlier les effets environnementaux de l’A69 que ce dernier minimise.
© Antoine Berlioz / Reporterre

Sa circonscription n’est pas directement concernée par le tracé de l’autoroute, mais la députée sortante continue d’en faire un combat important. « C’est un projet emblématique des choix qu’il ne faut plus faire d’un point de vue social et écologique. On ne peut plus, au nom du secret des affaires, signer un contrat de concession de cinquante-cinq ans sans qu’il soit public. La démocratie a besoin de transparence et c’est ce que je vais continuer à porter à l’Assemblée si je suis réélue », dit-elle. « Notre priorité est de convaincre les gens que le NFP a un programme crédible qui peut changer leurs vies, et surtout de battre l’extrême droite. »



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