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Dans le Jura, le Rassemblement national présente un candidat inéligible

ByVeritatis

Juin 29, 2024


Dans la deuxième circonscription du Jura, le candidat du Rassemblement national (RN) s’appelle Thierry Mosca. Sauf que ce mosaïste d’art âgé de 65 ans est inéligible, d’après les informations de Mediapart et du Progrès

Le 23 novembre 2023, le tribunal de proximité de Saint-Claude a en effet placé Thierry Mosca sous curatelle renforcée, une mesure de protection judiciaire destinée aux personnes particulièrement vulnérables qui ne peuvent plus se débrouiller seules, du fait d’une maladie, d’une infirmité ou de leur grand âge. La justice a confié à un tiers le soin de l’assister dans ses démarches courantes, jusqu’à la gestion de ses comptes bancaires et de ses moindres dépenses. 

« Les majeurs en tutelle ou en curatelle sont inéligibles », indique le Code électoral. Sollicitée par Mediapart, la préfecture du Jura refuse de confirmer que Thierry Mosca fait l’objet d’une telle mesure de protection, indiquant seulement que « sa candidature ayant été régulièrement enregistrée, elle est devenue définitive et ne peut plus être retirée ». « S’il est en position d’inéligibilité, ajoute la préfecture, cela relève du contentieux post-électoral. »

Thierry Mosca. © Photo Laetitia COURTI / Le Progrès / PhotoPQR via MaxPPP

De son côté, le Rassemblement national, qui a accordé l’investiture à un candidat pourtant inéligible, a refusé de répondre à nos questions. 

Contacté par Mediapart, Thierry Mosca invoque « un problème d’homonymie » avec quelqu’un qui aurait « le même nom et le même prénom » que lui, dont il aurait reçu les courriers à son domicile. « Les gens qui sont capables de démêler ça sont en train de s’en occuper. Arrêtez de me harceler, si vous voulez me joindre vous attendrez l’entre-deux-tours », ajoute le candidat, promettant de « gagner de l’argent » et de le reverser « à une association » s’il « li[t] la moindre ligne » sur le sujet. Plus tôt dans la journée, auprès du Progrès, il évoquait un piège politique. 

Dans un article du Progrès publié mi-juin, qui citait aussi le nom de sa suppléante, Séverine Jonneaux, Thierry Mosca se réjouissait d’avoir été désigné pour porter les couleurs du RN : « C’est un immense honneur et ça fait chaud au cœur de voir que les dirigeants du parti reconnaissent le travail fait sur cette circonscription […]. La victoire est possible mais surtout nécessaire pour retrouver une France qui mérite son rang. » La députée sortante, Marie-Christine Dalloz (Les Républicains), fait toutefois figure de favorite.

En avril 2023, dans un précédent article consacré à l’ouverture de sa boutique de mosaïque dans un ancien magasin de pipes, le journal régional présentait Thierry Mosca comme un « retraité de la Légion étrangère, après avoir connu un “parcours chaotique” comme boucher et ouvrier dans différentes usines ». Le journal ajoutait que cet homme « né à Montbéliard », « attiré par les animaux, les motos et la vie militaire », habitait à Saint-Claude depuis 1999, où il « a[vait] créé sa microentreprise de carrelages et mosaïques ». Sur son bras apparaît un tatouage avec le mot « fidélité » (la devise de la Légion étrangère étant « honneur et fidélité »).

Deux comptes Facebook

Aux élections législatives de 2022, Thierry Mosca officiait comme suppléant de Garance Houthoofd, qui se présentait pour la première fois. La candidate RN est arrivée en quatrième position au premier tour, avec 17,06 % des suffrages exprimés. C’est finalement Marie-Christine Dalloz (LR) qui a été réélue députée en battant la candidate communiste Évelyne Ternant. 

Thierry Mosca avait aussi tenté sa chance aux élections municipales de 2020 à Saint-Claude, mais avait été contraint d’abandonner en février. « D’après ses dires, il lui manquait trois femmes pour que sa liste soit complète », écrivait à l’époque Le Progrès. Il envisageait alors de « diminuer certaines subventions aux associations ». En 2015, il s’était déjà engagé comme suppléant lors des élections départementales. 

Son formateur en mosaïque, Angelo Nassivera, 80 ans, médaillé meilleur ouvrier de France, ignorait tout de l’engagement au Front national (FN) de Thierry Mosca, qu’il a découvert en lisant le journal, après l’avoir formé pendant plus de deux ans. 

« Je lui ai transmis mon métier. Je l’ai aidé financièrement, se souvient Angelo auprès de Mediapart. Et lui, il est parti avec mon travail, plusieurs de mes œuvres qu’il s’est appropriées et a vendues sur des marchés et des foires. » 

Arrivé à 19 ans d’Italie, « sans savoir un mot de français », Angelo se sent encore « meurtri » en évoquant le comportement de Thierry Mosca. « J’ai perdu une partie de ma famille dans la Seconde Guerre mondiale. Mon père était résistant », confie-t-il.

« Ici, dans mon atelier, on doit transmettre, et c’est universel. Je ne comprends pas comment on peut utiliser une personne comme il l’a fait avec moi, et tout cela dans le mensonge. C’est honteux », ne décolère pas Angelo, qui a préféré « dire ses quatre vérités » à Thierry Mosca « plutôt que d’entreprendre des démarches à la police ». « Il ne mérite pas que je perde mon temps. »

Sur son compte Facebook personnel, qui semble n’avoir été alimenté que pendant une journée le 4 mars 2013, Thierry Mosca a partagé publiquement le photomontage d’un croyant musulman, en position de prière, sodomisé par un mouton. Avec pour titre : « La revanche du Méchoui ». Rien de tel sur la page Facebook qu’il a ouverte plus récemment, où il témoigne d’un soutien sans faille à Jordan Bardella et diffuse du matériel de campagne du Rassemblement national.



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