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En Haute-Marne, le député RN anti-IVG Christophe Bentz surfe sur l’accès aux soins

ByVeritatis

Juil 6, 2024


En excellente posture dans la 1re circonscription de la Haute-Marne (48,83 % au premier tour), le député sortant Christophe Bentz fait partie de notre galerie de portraits des candidat·es aux législatives aux propos pour le moins problématiques. Son parcours politique l’a vu évoluer du Mouvement pour la France de Philippe de Villiers, au mouvement Via, la voie du peuple, fondé par Christine Boutin.

L’exploration de l’historique de ses réseaux sociaux montre l’évolution de ses engagements depuis son entrée en politique en 2010. Ils sont dans un premier temps marqués par ses convictions catholiques, a minima traditionalistes. En 2013, il relaie un article de l’hebdomadaire d’extrême droite Minute, qui regrette alors que « le combat contre le mariage des homosexuels a été perdu » et appelle « au réveil des catholiques ».

Christophe Bentz dit encore son opposition à la création d’un délit d’entrave à l’IVG, qui serait selon lui le « symptôme idéologique d’un totalitarisme qui vient et ne se cache plus ». Il parle encore de « culture de mort », au sujet de l’extension de 12 à 14 semaines de grossesse de la limite légale pour pratiquer un avortement. En 2024, comme député, il vote sans surprise contre l’inscription dans la Constitution de la liberté de recourir à l’IVG, comme 42 des 88 membres du groupe politique, malgré la position de Marine Le Pen. Selon Le JDD, il aurait même qualifié l’IVG de « génocide de masse ». Sur ces sujets, il explique à Mediapart en avoir « assez de répondre depuis treize ans »

Christophe Bentz à l’Assemblée nationale le 28 mai 2024. © Photo Arthur N. Orchard / Hans Lucas via AFP

Il est encore l’auteur d’un essai sur les races – Décrypter l’antiracisme en une heure – paru en 2011. À ses yeux, la notion de race est victime d’un « terrorisme sémantique » : « Distinguer les races est un travail de bon sens accessible à tous », écrit-il. Pour lui, l’antiracisme est l’« agent d’une nouvelle idéologie totalitaire : le mondialisme ».

Il y confie sa crainte de l’avènement « d’une race métissée, uniformisée, homogène ». Il y défend ces déclarations d’Éric Zemmour en 2010 : « Mais pourquoi on est contrôlé 17 fois ? Pourquoi ? La plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c’est comme ça, c’est un fait. » Pour Christophe Bentz, Éric Zemmour serait la victime d’une « justice parallèle », celle de « l’antiracisme ». En réponse à nos questions, il défend un essai écrit « contre tous les fascismes ».

De l’IVG « culture de mort » aux déserts médicaux

À partir de 2022, il opère un virage politique, consistant à polir son image. Élu député, la majorité de son travail parlementaire est consacrée à un sujet bien plus consensuel : l’accès aux soins notamment en ruralité, une des principales préoccupations des Français·es, et sujet de leur colère, puisque les gouvernements de droite et de gauche n’ont pas su enrayer sa dégradation galopante.

En tant que député, il est l’auteur d’un rapport qui lie la question de l’aide médicale d’État (AME) – que le RN a promis de supprimer – et la désertification médicale : « Alors que de nombreux Français n’ont plus accès aux soins minimaux dans les déserts médicaux qui touchent beaucoup de territoires, et alors même que les Français, qui cotisent et paient des impôts, sont censés être les premiers bénéficiaires de la solidarité nationale, qui par définition doit être nationale, on constate que des soins du quotidien sont en réalité financés par l’AME. » En réponse à nos questions, il renchérit : « Il y a une réelle injustice sociale car de nombreux Français n’ont pas accès aux soins et leur état de santé se dégrade en conséquence alors que les clandestins bénéficient d’une palette de soins complète. »

Il y propose également des solutions à la désertification médicale qui ont toutes été tentées par les gouvernements successifs, en vain : les aides à l’installation des médecins en zones sous-denses, dont il reconnaît l’inefficacité, la diversification des profils des étudiant·es en médecine, la « territorialisation des réponses aux besoins de santé »… Il évoque également, avec prudence, la possibilité d’un conventionnement sélectif des médecins dans les zones où ceux-ci sont très nombreux : une installation serait conditionnée à un départ.

Christophe Bentz a annoncé la mort de nos trois hôpitaux de proximité.

Un élu local

Celui qui est aussi enseignant en analyse électorale à l’Institut de sciences sociales économiques et politiques (Issep), créé par Marion Maréchal, s’est saisi, lors de son parachutage dans le département, d’un conflit local, ancien, autour de la rénovation des hôpitaux de proximité du centre et du sud du département, ceux de Langres, Chaumont et Bourbonne-les-Bains.

Plus de 6 000 personnes ont défilé dans les rues de Langres le 23 septembre 2023. © Photomontage Mediapart

En décembre 2021, l’agence régionale de santé (ARS) a validé un projet réorganisant les soins entre les trois hôpitaux locaux. 140 millions d’euros sont engagés par l’État dans le cadre du Ségur de la santé, les conseils départementaux et régionaux. Les travaux de démolition et de terrassement ont débuté, la construction doit commencer fin 2025 et s’achever fin 2028.

Mais localement, le Collectif égalité santé défend de longue date, bien avant le parachutage de Christophe Bentz, un projet alternatif : la construction d’un tout nouvel hôpital, situé entre Langres et Chaumont, jugé plus accessible pour les ruraux car installé tout près d’une bretelle d’autoroute.

S’il est élu, Christophe Bentz s’est engagé le 19 juin à faire « annuler » le projet de l’ARS. Plusieurs politiques locaux de divers bords politiques, hors RN, sont « catastrophés ». Tous ont voulu conserver leur anonymat pour ne pas « relancer le conflit sur l’hôpital, qui profite au RN », à quelques dizaines d’heures du scrutin. À leurs yeux, l’annonce de Bentz est « suicidaire » : « Il a annoncé la mort de nos trois hôpitaux de proximité. Les soignants sont suspendus à leur rénovation, ils vont tous partir. Et on va perdre les moyens sans précédent qu’on a obtenus… » Un autre élu renchérit : « C’est affolant, car le projet défendu par Bentz n’existe pas. Il faudrait quinze ans pour qu’il aboutisse. »

Lui assure à Mediapart qu’en cas de majorité absolue du RN, il demandera « au nouveau ministre de la santé d’annuler la décision de l’ARS et de bâtir très vite un nouveau projet hospitalier », qui serait « possible à échéance moyenne, c’est-à-dire sept à neuf ans avec les moyens adéquats, la volonté politique et une accélération des procédures administratives ».

De ce sujet comme des autres, Christophe Bentz a refusé de débattre avec ses opposant·es au premier tour des législatives. Au premier tour sur France 3, se sont retrouvé·es seul·es Bérangère Abba (Horizons), qui fut secrétaire d’État chargée de la biodiversité du gouvernement Castex, et Benjamin Lambert (Nouveau Front populaire, Parti socialiste). Au second tour, il n’y a pas eu de débat avec son opposante Bérangère Abba. « Les candidats concurrents n’ont cessé de mentir, de calomnier et de mépriser les électeurs pendant cette campagne. Je me suis concentré sur le terrain », répond à Mediapart le candidat RN.

C’est inutile tant, politiquement, Christophe Bentz occupe seul un boulevard, abandonné par la gauche, comme l’a raconté Mediapart. « Le RN est le seul parti qui s’est positionné de façon claire en faveur de notre projet, analyse Didier Loiseau, ancien maire LR de Langres et membre du Collectif égalité santé. Christophe Bentz est un homme de terrain, il rencontre les maires, les soignants, il rapporte à l’Assemblée nationale leurs difficultés. Politiquement, c’est vrai, il a su profiter de l’incompréhension d’une grande partie de la population. Mais pourquoi la gauche n’a-t-elle pas pris position ? »

La médecin généraliste Véronique Midy, installée au sud de Langres, défend de son côté le caractère « apolitique » du collectif dont elle est membre : « On est 600 soignants du sud et du centre du département, affirme-t-elle. Chacun a ses convictions politiques propres, et on ne veut pas influer sur le vote de nos concitoyens. » Mais elle le reconnaît : à la manifestation monstre qui a réuni 6 000 personnes en faveur du projet du collectif, seuls étaient présents, parmi les élu·es, Christophe Bentz et des maires des communes rurales.

Un élu s’étrangle : « Christophe Bentz joue sur les émotions, les ruraux contre les urbains, on n’a pas besoin de cela. On doit être les plus efficaces pour sauver notre offre de soins. »





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