• sam. Nov 2nd, 2024

« Lycéens, nous refusons le nucléaire »



Arès Cessenat, Sevde Demir, Anicet Dupuy, Enéo Fortin, Angèle Jarry-Augereau, Maëlice Jaudel, Mélusine Marsick-Mennesson, Romane Ménudier, Mathis Murcier, Maya Soleilhavoup-Gimazane, Clara Tertrais sont des élèves de première et de terminale du lycée Bernard-Palissy de Saint-Léonard-de-Noblat, en Haute-Vienne. Inscrits dans les cordées de la réussite, dispositif en faveur de l’orientation et de l’ambition scolaire, encadrés par Mmes Blais et Delanier, ils ont écrit un discours au sujet de la sortie du nucléaire civil. Le temps d’une journée à Jarnac, en partenariat avec l’IEP Bordeaux, Parlons démocratie et l’institut François-Mitterrand, les élèves ont endossé le rôle d’un député lycéen néo-aquitain.


Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les députés,

En ce jour des résultats du bac, une des portes d’entrée vers le monde professionnel, nous vous interpellons. Le monde que vous construisez aujourd’hui sera le nôtre demain, mais ce n’est pas celui dont nous voulons.

Nous refusons. Nous refusons que le modèle économique dominant nous oblige à faire l’impasse sur tout débat à l’heure du dérèglement climatique. Nous refusons un modèle énergétique nucléaire fondé sur le risque. Le risque de ne plus disposer d’assez d’eau dans nos rivières pour refroidir les réacteurs. Le risque d’enfouir des déchets qui, dans 150 000 ans, seront peut-être redécouverts par des êtres humains ou non humains, malgré tous les signes affichant « danger » qui ne seront alors pas forcément compris.

Nous refusons, enfin, le risque d’une catastrophe, si inconcevable semble-t-on vouloir croire. Une catastrophe qui, au vu de l’état des centrales nucléaires françaises, au vu de la situation géopolitique mondiale et de l’ampleur grandissante des catastrophes climatiques, n’est pas irréaliste, loin de là.

Nous refusons un modèle colonialiste : le Niger a contribué au développement de la puissance nucléaire française, mais 85 % des Nigériens n’ont toujours pas accès à l’électricité.

Nous refusons cette novlangue qui nous dit que le nucléaire est bon pour le climat. La construction d’une centrale est de toute façon 1 000 fois trop lente en comparaison de la vitesse et de l’ampleur du dérèglement climatique.

Non, le nucléaire n’est pas bon pour le climat, pas plus qu’aucune forme d’énergie en soi, si le modèle énergétique sociétal est fondé sur la démesure. « La demande augmente », nous dit-on. « On consomme de plus en plus. » Mais qui consomme ? Les 10 % des Français les plus riches, qui émettent en moyenne 25 tonnes de CO2, soit cinq fois plus que la moitié de la population. Faut-il prendre tous ces risques nucléaires pour maintenir leur niveau de vie ?

Et a-t-on réellement besoin d’énergie pour fabriquer des stylos à paillettes, des armes ou des jets privés ? Ne faut-il pas prendre le problème à sa source ? C’est-à-dire repenser notre consommation pour mieux repenser notre rapport à l’énergie ?

« Nous voulons un autre monde »

Ce qui serait bon pour le climat, ce serait de financer la transition énergétique avec l’argent récolté par l’arrêt du projet des EPR. Rappelons que le nucléaire a un coût monstrueux : 50 milliards pour le prolongement de vie des centrales ! A minima 67 milliards d’euros pour le développement des EPR2 ! 25 milliards pour la gestion des déchets, 20 à 30 pour le retraitement des combustibles. C’est autant d’argent qui n’est pas investi ailleurs et que nous demandons au gouvernement de réemployer dans la recherche sur les énergies nouvelles, dans le développement des transports en commun et dans les économies d’énergie.

Ce qui serait bon pour le climat, ce serait d’arrêter de fonctionner selon les seules logiques économiques, prétendument « raisonnables » : est-il « raisonnable » de détruire les arbres, les mammifères et les insectes comme le dit l’astrophysicien Aurélien Barrau ?

Ce qui serait bon pour le climat, ce serait d’arrêter de considérer le vivant uniquement comme une potentielle ressource économique.

Nous voulons un autre monde. Un monde qui se préoccupe des besoins primaires : eau, alimentation, air, logement, amitié, une recherche d’égalité de droits dans tous les domaines de la vie courante (logement, salaire…). Un monde dans lequel régnerait une justice sociale, un monde davantage connecté à l’échelle locale, un monde enfin qui fait passer le bien-être et la vie (actuelle comme future) avant le reste.

« Plus sobrement, mais plus heureux, car plus respectueux des autres et du monde »

Nous invitons donc le gouvernement à cesser de commercer avec des pays peu démocratiques pour se fournir en uranium. À stopper les projets de construction des EPR nouvelle génération, afin de développer d’autres modes de production d’énergie. À financer la transition énergétique avec l’argent récolté par l’arrêt du projet des EPR. À ne pas sacrifier les normes de sécurité pour des intérêts économiques court-termistes, c’est-à-dire à ne pas faire appel à des sous-traitants dans les centrales.

Nous invitons donc le gouvernement à mener une réflexion sur les effets du nucléaire dans la vie civile — notamment à nommer une commission d’experts indépendante chargée d’évaluer les bénéfices et les coûts des centrales, qu’ils soient économiques, écologiques et éthiques. À cesser de repousser sans cesse les échéances concernant la part des énergies renouvelables, et à plafonner les énergies nucléaires à 50 % dans la production électrique d’ici à 2035.

Nous invitons donc le gouvernement à repenser la consommation globale d’énergie en fonction de choix sociétaux décidés aussi par les jeunes générations : pour le bien du climat, et notre avenir, nous proposons l’introduction d’une mesure slogan « vivre à 2 tonnes » dans la vie quotidienne, soit pas plus de 2 tonnes d’énergie par personne annuellement. Nous voulons vivre autrement. Plus sobrement, mais plus heureux, car plus respectueux des autres et du monde qui nous entoure.

Mesdames, Messieurs les députés, seriez-vous prêts à organiser un débat au sujet de la sobriété ? À nous donner un avis concerné ? Nous attendons votre copie avec impatience.



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