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On ubérise bien les journalistes, par Vincent Bresson (Le Monde diplomatique, juillet 2024)

ByVeritatis

Juil 11, 2024


Nouvelles figures d’une profession

Comme d’autres travailleurs, les journalistes subissent l’externalisation de leurs tâches et le nivellement vers le bas de leurs conditions de travail. À force d’encourager la production d’articles standardisés, attendus, recopiés sur des dépêches d’agences, les entreprises de presse ont facilité le remplacement des rédacteurs par des exécutants mal payés. En attendant les robots…

Se rêver reporter, puis passer des journées à usiner du texte sans faire de terrain, ni fournir la moindre source. Telle est l’expérience vécue par Clara Landrieux pendant huit mois à la sortie de son école de journalisme. Lancée sur un marché du travail peu florissant, la jeune femme peine à décrocher un poste. Alors, quand un ami lui parle d’une agence de presse nommée 6Medias et d’un « travail alimentaire » astucieux pour s’insérer dans le métier, elle tente sa chance. La phase de recrutement se résume à un test écrit « quasi automatiquement » validé, selon la vingtenaire. S’ensuit une formation d’une journée durant laquelle Clara doit se montrer capable d’écrire huit articles en quelques heures.

Une fois l’essai transformé, les journalistes de 6Medias signent, à la pige, des « papiers » sur les sites de titres de presse renommés comme Le Point, Gala ou Géo. La plupart du temps, le lecteur ignore que la production de ces textes fait l’objet d’une sous-traitance. Quand celle-ci n’est pas spécifiquement indiquée, tout laisse en effet croire qu’il s’agit d’un texte écrit par un journaliste de la rédaction. Aux yeux des chefferies, le recours à cette forme d’ubérisation se justifierait afin de mieux coller aux attentes du lectorat. « Dans le milieu, on ne parle pas d’ubérisation mais de producteurs de contenus, corrige d’emblée un ancien rédacteur en chef Web d’un journal ayant fait appel à cette main-d’œuvre à l’efficacité redoutable. Car la réalité, c’est qu’on ne gère pas un site Internet comme on gère un journal. Sur le Web, le contenu qui cartonne est souvent de basse qualité. Il flirte avec le people, la reprise de dépêches AFP, les faits divers crados ou la titraille racoleuse. On va par exemple titrer “Un enfant évite de peu de se faire écraser” car on sait que sur Discover, le flux d’informations de Google, l’article va s’envoler. Mais on ne va pas préciser que l’histoire s’est déroulée au Pérou, sinon cela pourrait générer moins de clics. » Le responsable se défend d’avoir importé cette pratique (…)

Taille de l’article complet : 2 164 mots.

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