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126 000 fûts de déchets nucléaires menacés d’inondation en Allemagne


Berlin (Allemagne), correspondance

La mine d’Asse II, site de stockage de déchets nucléaires à scandales en Allemagne, fait à nouveau parler d’elle. Du fait de la structure géologique de la mine, ses parois s’effondrent sur elles-mêmes et l’eau des nappes phréatiques et des fleuves souterrains a commencé à s’y infiltrer dès 1988. Depuis le début de l’année, les infiltrations se sont nettement intensifiées dans cette ancienne mine de sel située en Basse-Saxe. 12 m3 d’eau s’écoulent chaque jour à environ 25 mètres au-dessus de treize chambres creusées à plus de 600 mètres sous terre, selon l’Agence fédérale en charge des déchets nucléaires (BGE). Celles-ci abritent 126 000 fûts de déchets nucléaires de faible et moyenne radioactivité.

Le risque est double. La saumure — mélange de sel et d’eau — générée peut endommager les fûts et faire fuir leur contenu radioactif dans la nature. Cela s’est déjà produit : de 1988 à 2001, de nombreuses analyses de la saumure ont montré des concentrations de tritium supérieures aux valeurs autorisées (jusqu’à 75 fois trop élevées). Idem avec du cobalt 60 et du césium 137, des isotopes radioactifs dangereux.

L’eau peut aussi conduire à l’effondrement des parois de sel et tout bonnement empêcher la récupération prévue des déchets. « Je suis inquiet. Le désastre nucléaire d’Asse se poursuit. Les incidents montrent que la récupération des déchets radioactifs doit être accélérée », a jugé le ministre de l’Environnement de Basse-Saxe, Christian Meyer (Vert), à la télévision publique régionale NDR.

Il a demandé à BGE, l’exploitant de la mine, de parer au plus vite pour empêcher la propagation incontrôlée de la boue d’eau et de sel dans la mine. « Sur les 12 m3, nous en récupérons chaque jour environ 9 m3 », a assuré la nouvelle directrice de la BGE Iris Graffunder, qui garantit que, pour l’instant, les fûts ne sont pas menacés.

Ces affirmations ne rassurent pas les riverains, d’autant qu’une partie de l’eau n’est pas récupérée et qu’un prélèvement de 2008 a montré que les concentrations de déchets radioactifs contenus dans les fûts étaient parfois bien supérieures à celles autorisées.

Un exercice dangereux

Asse II a commencé à faire les titres de l’actualité en 2008 et 2009, quand la société exploitante de l’époque avait annoncé la fermeture définitive d’un site pourtant connu pour son instabilité géologique grandissante. Suite à cela, l’évacuation des fûts, d’abord prévue à l’horizon 2022, puis 2033, a été inscrite dans la loi qui encadre la gestion des déchets nucléaires (Atomgesetz). Mais depuis, peu de choses se sont passées. Des riverains et l’initiative citoyenne Aufpassen ont d’ailleurs porté plainte en 2023 contre la BGE en l’accusant d’inaction.

Le 10 juillet dernier, la ministre fédérale de l’Environnement Steffi Lemke est venue s’enquérir elle-même de la gravité de la situation, comme en 2023. « Je suis là pour faire accélérer les choses et pour m’occuper de la manière dont nous devons évacuer les “cochonneries” qui ont été faites ici au siècle dernier », a-t-elle assuré, en promettant de tout faire pour clore l’évacuation d’ici à 2033.

Elle a cependant rappelé que cette opération était complexe et « n’a encore jamais été réalisée au monde ». « Nous devons soutenir le plafond et y pénétrer avec des appareils télécommandés. Nous avons aussi constaté, grâce à des caméras dans les chambres de stockage, que les fûts sont en grande partie endommagés. Nous devons développer des appareils capables de s’adapter à toutes les éventualités », a détaillé Jens Köhler, chef du projet pour la BGE, à la chaîne de télévision ZDF. Pour accueillir les déchets de la mine d’Asse, un centre intermédiaire de stockage doit encore être construit en surface. Et si les galeries s’effondrent avant, un plan B prévoit l’inondation du puits de la mine avec une eau saturée au chlorure de magnésium. Leur entreposage définitif, lui, n’a toujours pas été réglé.

La situation des sites allemands n’est pas toujours aussi dramatique que celle d’Asse. Mais elle rappelle que le stockage des déchets nucléaires est un exercice dangereux qui n’a rien de sûr, ni de définitif.

Tel l’exemple de l’ancienne centrale nucléaire est-allemande de Greifswald, en démantèlement depuis trente ans. En l’absence d’un site de stockage final pour les déchets hautement radioactifs, qui doit être officiellement déterminé d’ici à la fin du XXIe siècle, la société exploitante EWN se prépare à y construire un nouveau bâtiment de stockage intermédiaire. Une option de « cellule chaude » y est intégrée, soit une salle spécialement confinée pour pouvoir ouvrir et réparer des conteneurs Castor, réputés indestructibles, mais eux aussi vieillissants et corruptibles.



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