• sam. Sep 21st, 2024

notre carte des destructions écologiques et sociales


Derrière le conte de fée sportif, les Jeux olympiques sont synonymes de destructions sociales et écologiques. Bétonnage d’espaces naturels, constructions tous azimuts…

Côté nettoyage social, les « indésirables » — sans-abri, personnes migrantes, habitants et habitants des quartiers populaires — ont été expulsés pour construire des nouveaux quartiers flambants neufs. Selon les chiffres compilés par le collectif Le Revers de la médaille, plus de 12 000 personnes auraient été expulsées pour cet évènement.

Ces jeux sont également une catastrophe écologique : 1,58 million de tonnes d’équivalent CO2 seront rejetés dans l’atmosphère par les voyageurs qui viendront du monde entier. Les organisateurs avaient d’abord promis une compétition à « contribution positive pour le climat », avant d’afficher un objectif, plus réaliste, de diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre générées par l’événement par rapport à la moyenne des éditions de Londres 2012 et de Rio 2016. Reporterre vous emmène dans l’envers du décor de la saga sportive la plus médiatisée du monde.

© Stéphane Jungers / Reporterre

1 — LES DESTRUCTIONS D’ESPACES NATURELS

  • Les jardins ouvriers d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis)

Septembre 2021. Les bulldozers arrachent des tournesols, déracinent des cerisiers et déchiquettent des légumes. Près de 4 000 mètres carrés des jardins ouvriers d’Aubervilliers sont détruits pour construire le solarium de la future piscine olympique de la ville. Pourtant, quelques jours plus tard, le tribunal annule le plan d’urbanisme, rendant les travaux illégaux.

Depuis, la piscine a été inaugurée, sans le solarium, mais la menace persiste. « Nous ne nous interdisons pas de relancer le projet d’espaces extérieurs, une fois que les habitants se seront approprié ce bâtiment principal », a déclaré aux Échos Valérie Pécresse, présidente (LR) de la Région Ile-de-France.

Février 2022. Des activistes ont bloqué le chantier de la piscine olympique d’Aubervilliers, prévue pour les JO de 2024. Ils dénonçaient l’artificialisation de jardins ouvriers. Huit militants ont été placés en garde à vue.

Une autre menace pèse sur ces jardins populaires : un projet pôle multimodal qui pourrait grignoter 2 000 m2 supplémentaires.

  • Le centre nautique de Taverny

Une très coûteuse nouvelle piscine olympique. À Taverny, le nouveau centre aquatique baptisé Alice Milliat a été inauguré le 13 mai dernier. Son coût : 51 millions d’euros, soit 37 % de plus que le budget initialement prévu.

La construction a également bétonné 30 000 m2 d’espaces naturels, presque dix fois plus qu’à Aubervilliers. Les opposants avaient déposé un recours en justice sans succès. « C’était censé être un équipement phare des JO mais il n’y aura aucune compétition dans cette piscine. Elle va seulement servir de base arrière pour des nageurs de deux pays [Suisse et Argentine] », assure à Reporterre Thomas Cottinet, conseiller municipal à Taverny et membre des Écologistes. « Ils nous annoncent des championnats du monde pour des sportifs de haut niveau. Mais cela ne va concerner que quelques centaines de personnes sur un bassin de quasiment 100 000 personnes. »

Les habitants du coin vont devoir également mettre la main au portefeuille : 7,70 euros l’entrée (5,90 euros pour les résidents de la communauté d’agglomération de Val Parisis) contre 4,50 euros dans l’ancienne piscine (3,40 euros pour les résidents).

  • Les épreuves de VTT Colline d’Elancourt (Yvelines)

C’est le point culminant de l’Île-de-France. La colline d’Élancourt accueillera les épreuves de VTT les 28 et 29 juillet. L’aménagement du lieu pour construire notamment les pistes pour les VTT, a coûté 10,8 millions d’euros.

Un projet critiqué par le collectif Les Amis de la revanche, aujourd’hui disparu. « Le Cojo (comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques) est plus fort que nous, on n’a pas pu lutter. Il n’y a plus qu’à apprécier le spectacle maintenant », constate Tristan Péribois, ancien membre des Amis de la revanche.

Il estime que la Solidéo a été à l’écoute des revendications du collectif en créant un comité de citoyen de suivi du chantier, ce qui a permis de tempérer les inquiétudes et de rassurer la population. « Il a fallu abattre des hectares de forêt, mais l’aménagement vu de loin s’intègre bien dans le paysage », précise Tristan Péribois.

  • La base nautique de Vaires-sur-Marne (Seine-et-Marne)

La base nautique de loisirs de Vaires-Torcy, a été choisie pour accueillir les épreuves de canoë, de kayak et d’aviron. Pour cela, les organisateurs ont installé un rail de 2000 m de long sur la berge Nord. Le but : permettre aux caméras mobiles de suivre les bateaux. Ces travaux ont détruit les roseaux qui poussaient le long de la rive. Plusieurs élus écologistes de la région se sont insurgés contre ce qu’ils considèrent comme un écocide. « L’île de loisirs abrite plusieurs espèces animales protégées comme la couleuvre à collier et l’oiseau blongios nain ainsi que des végétaux rares », explique au Parisien Ghislaine Senée, présidente du pôle écologiste au conseil régional.

La base nautique de loisirs de Vaires-Torcy abrite une espèce protégée, le blogios nain.
Wikimedia / CC BY 3.0/ Biser Todorov

  • À Tahiti, on détruit les coraux pour l’épreuve de surf

Des coraux victimes des JO ? À Teahupoo, sur la presqu’île de Tahiti, la nouvelle tour construite pour les juges de la compétition de surf a abîmé les fonds marins de la baie. Sa construction avait été fortement contestée. Le président de la Polynésie française, Moetai Brotherson, avait même envisagé de déplacer l’épreuve de surf sur un autre site. Une pétition, lancée par l’association Vai ara o Teahupoo, avait recueilli plus de 255 000 signatures. Hélas, les associations opposées au projet ont « lâché l’affaire ». « Nous avons fait tout ce qui était possible dans les limites de la légalité », assurait Cindy Otcenasek, présidente de Vai Ara o Teahupoo, l’association la plus mobilisée contre les travaux.

2 — LES ZONES TRANSFORMÉES POUR LES JO

  • L’échangeur autoroutier, Carrefour Pleyel, à Saint Denis

Les enfants de l’école Anatole France n’entendent pas le chant des oiseaux pendant la récréation mais celui des voitures. Un échangeur routier a été construit juste à côté de leur établissement, situé Carrefour Pleyel à Saint-Denis. Le but : mieux relier le village olympique aux différents sites des compétitions. AirParif doit mesurer les concentrations des particules fines. Les résultats sont publiés sur leur site internet. « Airparif nous dit que tout va bien et que les enfants ne courent aucun danger, mais on sait que c’est faux. Cette station est à l’intérieur de la cour et loin de la chaussée. Alors que certaines fenêtres donnent sur l’échangeur », explique Hamid Ouidir, parent d’élève et membre de la FCPE 93. Sa fédération avait porté l’affaire en justice jusqu’à la CEDH avant d’être déboutée.

  • Le stade de rugby Pablo Neruda, à Saint-Ouen

Les enfants privés de terrain de sport. Leur stade Pablo Neruda, situé rue Marcel Cachin, à Saint-Ouen a été réquisitionné pour devenir un parking. De quoi garer les voitures des partenaires du comité d’organisation de Paris 2024 (Cojo). « On nous bassine avec le fait qu’il faut encourager le sport et on condamne un stade de banlieue pour le transformer en parking pour les gens du CAC40 ! », gronde Jean-Philippe Folco, le vice-président du Red Star Rugby dans Le Monde. Le temps des jeux, les pratiquants ont été priés d’aller voir ailleurs en attendant de pouvoir récupérer leur pelouse.

  • Le village des médias, à Dugny

C’était autrefois un parc où se tenait chaque année la Fête de l’Humanité. L’aire de Vents à Dugny s’est aujourd’hui recouverte d’immeubles qui vont accueillir le village des médias d’une superficie de 80 000 m² d’espace intérieur et 25 hectares extérieur. Près de 1 582 journalistes et techniciens sont attendus. Cette opération immobilière a été contestée en justice, sans succès.

Au final, 950 logements ont été construits. Leur prix : 4 500 euros le mètre carré pour un studio alors que les appartements dans la zone valent au maximum 3 611 euros le mètre carré.

Le village des médias n’est pas le seul projet immobilier à renchérir le foncier de la banlieue nord de Paris. Le village des athlètes, qui doit accueillir 14 500 sportifs avec leur équipe, est sorti de terre. Il s’étend sur une superficie de 52 hectares, l’équivalent de 70 terrains de football, sur trois communes : Saint-Denis, Saint-Ouen et l’Île-Saint-Denis.

Pour le construire, 3 écoles, 19 entreprises, 1 hôtel et 2 foyers auraient été détruits selon les chiffres du collectif Saccage 2024. « Après, il participera joyeusement à la dynamique de gentrification du 93, en se reconvertissant en bureaux pour cadres, commerces, hôtels. Mais surtout en logements trop chers », estime le collectif.

En effet, les logements du village sont vendus entre 6 000 et 7 000 euros/m² alors que le prix moyen de l’immobilier à Saint-Denis est de 4 000 euros le mètre carré.

« De mon point de vue, il n’y aura pas d’habitant du 93 dans le village des athlètes », annonce Cécile Gintrac, membre du comité de vigilance face aux JO. « Nous demandons la création d’un observatoire du village des athlètes pour savoir qui devient propriétaire des logements. »

3 — LES DESTRUCTIONS SOCIALES

  • L’exploitation des travailleurs sans papiers

Pour que ces lieux d’accueil des sportifs soient prêts à temps, les travailleurs du bâtiment ont carburé sans relâche dans des conditions difficiles. On compte 87 accidents du travail sur des chantiers liés au JO et 40 % des victimes sont des intérimaires. De plus, une centaine de travailleurs n’avaient pas de papier.

Ce chantier se voulait pourtant « une vitrine internationale pour les majors de la promotion immobilière et du BTP » selon les termes de l’établissement public chargé de la construction des sites, la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo).

  • À Marseille, une privatisation de la mer

Plus de 50 millions d’euros. Voici le budget consacré par la ville de Marseille à la rénovation de la base nautique du Roucas-Blanc. « On est dans la démesure. Des travaux ont été réalisés au Frioul, dans la base nautique du Roucas-Blanc, 56 millions d’euros dépensés, que du béton et rien dans les quartiers Nord, comme d’habitude », considère Thomas, membre du collectif Contre-JO dans un article de France 3.

La deuxième ville de France, où près d’1 enfant sur 2 ne sait pas nager, manque cruellement de piscines municipales. De plus, l’accès à certaines plages sera restreint au public durant les compétitions, notamment les plages du Prado et du Roucas.

  • La vidéosurveillance algorithmique

Certaines installations olympiques risquent de détruire nos libertés publiques. Pour la première fois, un dispositif de vidéosurveillance algorithmique va être utilisé durant les épreuves sportives. Cette technologie identifie des situations considérées comme «  anormales  ». La Quadrature du Net estime qu’il s’agit d’un « réel changement de dimension de la surveillance et d’industrialisation du travail d’image pour démultiplier les notifications et interpellations, guidées par cette intelligence artificielle ».

Durant la période 2023-2024, l’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels a recensé 138 expulsions de lieux de vie informels, parmi lesquelles 64 bidonvilles, 34 regroupements de tentes (exclusivement sur Paris et Aubervilliers) 33 squats, ainsi que 7 lieux de personnes voyageuses. À titre de comparaison, 121 expulsions avaient été recensées sur la période 2021-2022, et 122 en 2022-2023.

En avril 2023, l’ancienne usine d’Unibéton — plus gros squat d’Île-de-France — a été évacuée par les forces de police, expulsant près de 400 exilés, relatait le Bondy Blog. Cet immeuble se trouvait juste en face du village olympique. La préfecture de Seine-Saint-Denis a assuré que cette évacuation est « à dissocier des JOP et n’intervient pas dans ce cadre. »

Un campement de 250 personnes exilées a été démantelé par les forces de police au nord de Paris, le 16 juillet.
© NnoMan Cadoret/Reporterre

Le foyer pour travailleurs étrangers Adef à Saint-Ouen a été également expulsé en mars 2021, pour laisser la place aux bâtiments flambant neufs du village olympique. Le relogement des 286 hommes vivant sur place a été géré par la Solidéo et la préfecture. « De ce point de vue, ils ont bénéficié d’un traitement plus protecteur que les personnes indirectement délogées par les JO », estime Jade Lindgaard dans son livre Paris 2024 — Une ville face à la violence olympique (éd. Divergences, 2024).

À la cité Marcel-Paul, sur l’Île-Saint-Denis, près de 300 ménages ont été sommés de quitter les lieux au plus vite et se sont vus proposer des appartements qui ne répondaient pas aux règles de relogement, comme l’explique une enquête de Mediapart.

Parmi les quelque 56 000 personnes sans domicile fixe hébergées dans des hôtels privés, nombre d’entre elles se sont retrouvées sur le carreau. À l’approche des jeux, beaucoup d’établissements ont décidé de rompre leur contrat avec l’État, préférant accueillir les touristes.

Autre victime des JO : les travailleuses du sexe. Selon le collectif Le Revers de la médaille, l’ensemble des associations intervenant au bois de Vincennes ont constaté une nette augmentation des contrôles de la situation administrative des femmes nigérianes qui y travaillent.

Enfin, nombre d’étudiants boursiers ont été priés de quitter leurs lieux de vie. Douze résidences Crous sont réquisitionnées pour accueillir pompiers, soignants, forces de police et sécurité civile. Les jeunes recevront en échange une indemnité de 100 euros et deux places pour assister aux compétitions.



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *