• ven. Sep 20th, 2024

polémique autour du plastique inutile vendu par Coca


Paris, reportage

Vous êtes dans un stade ou dans l’un des multiples sites de compétition des Jeux olympiques. Le soleil brûle votre crâne, pourtant protégé par une casquette brodée des cinq anneaux entrelacés. Vous vous dirigez vers le bar pour vous désaltérer. Au choix : Coca-Cola, Fanta, Sprite ou Tropico, des marques appartenant au géant étasunien Coca-Cola, l’unique partenaire boisson de ces jeux.

Vous commandez. Le serveur attrape un gobelet en plastique, y déverse le contenu d’une petite bouteille en plastique avant de la jeter dans la poubelle derrière le comptoir.

Vous aurez donc une double dose de plastique à chaque boisson consommée. Cette ineptie a été dénoncée par de nombreux spectateurs et spectatrices contactés par Reporterre. « Ils prennent les bouteilles dans les frigos et les versent dans les Écocup. C’est ridicule », a ainsi témoigné Timothée, venu voir le hockey sur gazon au stade départemental Yves-du-Manoir.

De belles promesses 

Sur les réseaux sociaux, c’est également l’indignation. « Dès le début, les files d’attente sont énormes, je me demande pourquoi ? C’est vite vu, le protocole est ubuesque. Ils ont à la source uniquement des petites bouteilles de 50 cl qu’ils vident à la chaîne dans des… Écocup estampillées Coca-Cola », explique un internaute sur X, ex-Twitter. « Une Écocup n’est pas écolo dès lors qu’on vide une bouteille en plastique dedans et qu’on la jette. Tout est fait pour que l’Écocup ne soit jamais rendue, refaire la queue pour la rendre, la ramener au bon stand. L’Écocup est clairement une vente supplémentaire pour Coca. »

Sur LinkedIn, Ingrid Vanhée, directrice d’une association de protection de la nature, se demande si Coca veut gagner « la médaille d’or du greenwashing. Dites-moi qu’il y a une explication environnementale à ce que vous versiez le contenu de petites bouteilles en plastique dans des Écocup, que d’ailleurs vous facturez 2 euros, au nez et à la barbe de vos clients ».

Sur le même réseau social, Agathe de Comeeti, consultante en transition écologique, assiste à la même scène durant le match de foot France-États-Unis au Stade Vélodrome. « Quand je vois ça, c’est incompréhensible ! »

Une écocup remplie avec une… bouteille en plastique.
Capture d’écran LinkedIn/Agathe de Comeeti

Coca-Cola avait pourtant fait de belles promesses. Dans un communiqué de presse publié en juin 2023, l’entreprise assurait vouloir « réduire de moitié l’empreinte plastique à usage unique par rapport aux Jeux olympiques et paralympiques de Londres 2012 » et, surtout, elle devait installer près de 700 fontaines à soda « dans les points de vente pour le grand public, ainsi que dans les restaurants des villages olympiques et paralympiques accueillant notamment les athlètes et les volontaires ». Ce genre d’appareil, qui se trouve habituellement dans les fast foods, peut-être comparé à une tireuse à bière. Il mélange un sirop aromatisé avec du dioxyde de carbone et de l’eau pour fabriquer le soda.

À la recherche des fontaines à soda 

Selon un communiqué de la ville de Paris, il aurait dû être possible d’acheter des boissons sans bouteille plastique sur huit sites de compétition parisiens : Trocadéro, Concorde, Grand Palais, Invalides, pont Alexandre III, Champ-de-Mars/tour Eiffel, Aréna La Chapelle et le Parc des Princes. Tout cela n’a rien d’extraordinaire. Depuis la loi Agec, toute personne est autorisée à apporter son propre contenant pour acheter une boisson et même obtenir une réduction.

Contacté par Reporterre, la marque étasunienne assure avoir installé toutes ses fontaines sur « l’ensemble les sites Paris intra-muros » ainsi que sur « la majorité des sites temporaires, hors cas particuliers comme Versailles ou Élancourt ». Mais, dès juin dernier, France Nature Environnement dévoilait un document interne montrant que les trois quarts des bouteilles distribuées par Coca-Cola seraient en plastique.

Lire aussi : JO 2024 : la promesse du zéro plastique déjà enterrée

Alors, tel un sourcier, nous sommes partis à la recherche de ces sources à soda, de la Concorde, au Grand Palais, en passant par le pont Alexandre III. Sans succès. Aucun des bénévoles interrogés n’avait aperçu un stand Coca-Cola ou ces fameuses fontaines. L’un d’entre eux nous a envoyé à l’aérogare des Invalides, investie par Coca-Cola depuis le 21 juin avec un restaurant éphémère de 1 000 m2.

À l’intérieur, le comptoir du bar est décoré de milliers de bouteilles en verre. Sauf qu’à l’arrière, les serveurs décapsulent des canettes et ouvrent des bouteilles d’eau en plastique pour déverser leur contenu dans des cups aux couleurs de la marque. Canettes et bouteilles finissent à la poubelle.

« Normalement, nous n’avons que des bouteilles en verre consignées. Mais, exceptionnellement aujourd’hui, on utilise des canettes apportées d’un autre évènement », explique le serveur. Le soda en fontaine est caché à l’intérieur des cuisines. Il est servi uniquement aux clients qui commandent un repas.

Les canettes utilisées à l’aérogare des Invalides.
© Laury-Anne Cholez / Reporterre

La récupération des cups n’est pas optimale 

L’entreprise Coca ne nous a pas envoyé la carte des fontaines. En revanche, elle nous a listé toutes les difficultés d’installation de ce système. « Sur les sites dits “temporaires”, l’installation de fontaines à boissons est parfois rendue impossible faute de raccordement au réseau de distribution d’eau, les bouteilles en verre ne sont pas non plus une option pour des raisons liées aux surfaces disponibles et à la manutention. Sur des sites déjà “existants”, comme les stades, nous pouvons être confrontés à un manque de place ou à des infrastructures ne répondant pas au cahier des charges », explique l’entreprise par courriel.

L’association No Plastic In My Sea a également reçu des plaintes de gens sur les réseaux sociaux, sans réussir à avoir une vue d’ensemble du problème. « Dans les fans zones gérées par la mairie de Paris, les choses sont plutôt bien faites. Il y a par exemple une fontaine à soda sur la place de l’Hôtel de Ville. Mais Coca-Cola n’était pas prêt à en mettre partout pour des raisons de coût et de logistique. Il les a installées seulement où il y avait des exigences fortes de la part de ses partenaires, comme la mairie de Paris. Ailleurs, certains acteurs privés, comme les stades, préfèrent écouler des bouteilles plastique car c’est plus simple pour leurs équipes », explique Muriel Papin déléguée générale de l’association No Plastic In My Sea.

En retenant les bouteilles à la source, c’est-à-dire au bar, Coca assure qu’elles seront toutes recyclées. « Il veut rester sur son modèle économique de plastique en démontrant qu’ils peuvent tout recycler à 100 %. Pour cela, ils ont travesti ce que devrait être le réemploi avec ces cups dont la récupération n’est pas optimale », dit Muriel Papin.

En effet, ces gobelets en plastique, plus écolo que ceux en carton, ne sont pas tous retournés à la consigne pour diverses raisons : le bar est parfois fermé à la fin de la compétition, les files d’attente sont trop longues… Quel est le taux de réemploi réel ? Coca-Cola n’a pas répondu à cette question. « La grosse erreur de Paris 2024, c’est d’avoir “brandé” les cups [1]. Ce qui constitue un frein au retour car les gens veulent les garder comme souvenir. Or, si elles ne sont pas récupérées, c’est encore du plastique à usage unique qui reste dans les placards », explique Muriel Papin.

La déléguée générale de l’association No Plastic In My Sea souhaite quand même rester optimiste : « C’est très bien de parler de ce sujet car les compétitions sont loin d’être terminées et il reste encore du temps pour optimiser le processus et faire des messages de sensibilisation. Sans quoi, tout cela restera du greenwashing. »





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