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16 ans après son déclenchement, retour sur un conflit éclair — RT en français

ByVeritatis

Août 9, 2024



Il y a 16 ans jour pour jour, les troupes géorgiennes entraient en Ossétie du Sud et lançait un assaut sur Tskhinvali. Une attaque au cours de laquelle des soldats russes furent tués, déclenchant une réponse militaire à grande échelle de Moscou. Retour sur ce conflit où les combats ne s’échelonnèrent que sur quelques jours.

Dans la nuit du 7 au 8 août 2008, le conflit qui couvait entre la Géorgie et l’Ossétie du Sud a éclaté avec une nouvelle vigueur. Les forces géorgiennes se sont mises à bombarder Tskhinvali, en essayant ensuite de prendre d’assaut cette ville ossète. Les soldats russes de maintien de la paix stationnés dans les banlieues de Tskhinvali ont été parmi les premiers à se retrouver sous les feux. La réaction russe ne s’est pas fait attendre : le président Dmitri Medvedev a décrété une opération d’imposition de la paix et envoyé dans la république des unités russes.

Pourquoi le président géorgien Mikhaïl Saakachvili a-t-il décidé de rétablir «l’ordre constitutionnel» en Ossétie du Sud ? Comment les combats entre les unités russes et géorgiennes se sont-ils déroulés ? Pourquoi le conflit s’est-il terminé si vite ? Les explications de Lenta.ru.

Les origines du conflit ossèto-géorgien

L’aspiration de l’Ossétie du Sud à devenir indépendante naît dans le contexte des manifestations de 1988-1989 en République socialiste soviétique de Géorgie.

Les jeunes qui descendaient dans les rues de Tbilissi avec le slogan «La Géorgie aux Géorgiens» exigeaient de supprimer l’autonomie de l’Abkhazie, de l’Ossétie du Sud et de l’Adjarie, ainsi que de faire passer leur système éducatif à la langue géorgienne. Parmi les leaders des protestations figurait le dissident Zviad Gamsakhourdia. Il est à noter que les autorités républicaines n’ont en aucune manière réagi à de tels slogans nationalistes radicaux.

Cela n’a pas été le cas en Abkhazie où 30 000 personnes se sont rassemblées le 18 mars 1989 dans le village de Lykhny pour réclamer au gouvernement soviétique que l’Abkhazie soit de facto séparée de la Géorgie. L’Ossétie du Sud qui ne manifestait pas jusque-là de sentiments séparatistes lui a emboîté le pas, décidant de passer sous le contrôle direct de l’Union soviétique.

Le parti de Zviad Gamsakhourdia, «Table ronde — Géorgie libre», est sorti vainqueur des élections de 1990 en République socialiste soviétique de Géorgie. Cette force politique a mis le cap sur la sécession avec l’URSS. La même année, l’Ossétie du Sud a adopté une déclaration d’indépendance et s’est adressée aux dirigeants soviétiques pour qu’ils reconnaissent l’indépendance de la république, ce qui a provoqué des affrontements militaires avec la partie géorgienne.

Même si la politique de Zviad Gamsakhourdia a vite perdu en popularité et que celui-ci a été renversé, son successeur Édouard Chevardnadzé a également opté pour une solution militaire au problème de l’Ossétie et de l’Abkhazie.

Les combats en Ossétie du Sud se sont terminés en 1992 sous la pression de la Russie qui a déployé ses forces de maintien de la paix sur le territoire contesté. C’est à ce moment-là que la république a tenu un référendum sur l’indépendance et l’adhésion à la Russie. 99,89 % des votants se sont prononcés pour.

Prologue

Les tensions aux frontières de l’Ossétie du Sud, alors non reconnue, et la Géorgie, se sont accrues dès 2008. La partie géorgienne a méthodiquement intensifié le recours aux drones, que la milice ossète abattait. Les incidents de drones ont même été évoqués au Conseil de sécurité de l’ONU, mais aucune mesure n’a été prise à cet égard.

En avril, la Géorgie a rapproché son armée régulière vers la ligne de contact. Le président géorgien Mikhaïl Saakachvili a insisté sur le fait que сes manœuvres visaient à ne pas permettre à la Russie «d’encourager le séparatisme».

Quelques semaines avant le début de la phase chaude, des militaires américains sont arrivées en Géorgie. Ils ont mené avec les unités géorgiennes les manœuvres «Réponse immédiate» (Immediate Response) à la base de Vaziani située à 25 kilomètres de Tbilissi.

Des soldats azerbaïdjanais, arméniens et ukrainiens y étaient également présents. En réponse, la Russie a tenu les exercices militaires «Caucase-2008» auxquels ont pris part des unités de diverses structures de sécurité et de défense.

À la veille du conflit

Les premiers affrontements et échanges de tirs à proximité de Tskhinvali, capitale de l’Ossétie du Sud, ont été signalés début août. Des voitures de la police géorgienne étaient détruites à l’explosif, et des tireurs d’élite ciblaient les positions ossètes. Ces événements ont fait 6 morts, et 20 personnes ont été hospitalisées. Les autorités de la république non reconnue ont décidé d’effectuer une évacuation partielle des civils, en appelant les bénévoles à s’armer pour défendre la population.

Le ministère géorgien des Affaires étrangères a déclaré que «le régime de Tskhinvali se préparait ouvertement à la guerre». La concentration de troupes géorgiennes près des frontières contestées a donc été augmentée.

Cependant, dans la soirée du 7 août, le président géorgien Mikhaïl Saakachvili a tout à coup annoncé un cessez-le-feu. Quelques heures après, l’artillerie géorgienne a commencé un bombardement violent de Tskhinvali.

08.08.08

Le 8 août, à 00h15, heure de Moscou, les unités des forces géorgiennes ont lancé les premiers obus contre les quartiers résidentiels de la ville. «L’ennemi a bombardé Tskhinvali sans discernement : des installations purement civiles, des quartiers résidentiels et des infrastructures sociales n’ayant aucun rapport avec la défense», se rappelle le colonel Vadim Sioukaïev, vice-ministre ossète de la Défense. Au matin, des lance-roquettes multiples «Grad» se sont joints aux bombardements, alors que l’infanterie soutenue par les chars s’est mise en formation d’attaque et s’est dirigée vers la ville. Le commandant des soldats géorgiens de maintien de la paix Mamouka Kourachvili a déclaré qu’avait débuté «une opération visant à rétablir l’ordre constitutionnel dans la zone de Tskhinvali».

Dans le même temps, des postes de soldats russes de maintien de la paix ont également été attaqués. Un char géorgien a détruit une tour d’une caserne de la force conjointe de maintien de la paix. Plusieurs militaires russes ont péri.

Vers midi, le ministre géorgien chargé de la Réintégration, Temour Iakobachvili, a annoncé que les forces géorgiennes avaient réussi à prendre le contrôle des villages ossètes de Dmenissi, Didmoukha, Mougoute, Arkhotsi et Kvemo Okona, en soulignant que «l’objectif de la Géorgie consistait à faire cesser les tirs sur les villages géorgiens et à continuer les négociations de paix».

Premières frappes

La Russie s’est engagée dans le conflit seulement une heure et demie après les premiers tirs. À 1h40, heure de Moscou, le premier groupe tactique de bataillon de la 58e armée, déployé à la frontière commune, est passé par le tunnel de Roki entre l’Ossétie du Nord et l’Ossétie du Sud. D’autres formations militaires se sont également dirigées vers la zone de combats.

Au matin, l’aviation russe a commencé à frapper les troupes géorgiennes qui avaient envahi le territoire de l’Ossétie du Sud. Les frappes aériennes russes ont ensuite ciblé des objectifs militaires sur le territoire géorgien, à savoir des bases aériennes, des dépôts de munitions et des colonnes de véhicules.

Garant historique

À 15h00 le Kremlin a publié une déclaration urgente du président Dmitri Medvedev sur des mesures de rétorsion à l’agression géorgienne. L’objectif principal de l’opération était de maintenir la paix : «La Russie a été et reste historiquement la garante de la sécurité des peuples du Caucase. Cette nuit, les troupes géorgiennes ont effectivement commis un acte d’agression contre les soldats russes de maintien de la paix et les civils en Ossétie du Sud […] Les mesures que nous prenons en résultent. Nous n’acceptons pas que nos compatriotes soient tués impunément. Les coupables seront dûment punis».

Les responsables géorgiens qui au début s’abstenaient de déclarations publiques sur ce qui se passait dans les districts non contrôlés, n’ont pourtant pas caché leur responsabilité dans le déclenchement des combats.

Changement de cap

Ainsi, le Premier ministre géorgien, Lado Gourguenidzé, a expliqué le 9 août dans son interview au journal Kommersant que c’étaient les bombardements massifs de villages géorgiens par les Ossètes qui avaient poussé le pays à «lancer une opération visant à rétablir l’ordre constitutionnel». Quelques jours plus tard, le président Mikhaïl Saakachvili a déclaré le contraire, soutenant que c’étaient les militaires russes qui avaient commencé à bombarder Tskhinvali et à combattre pour l’Ossétie du Sud.

Le lendemain, l’offensive des soldats géorgiens contre la ville a brusquement ralenti. L’infanterie russe couverte par l’aviation est entrée dans la bataille. Parallèlement, des unités de parachutistes, de marins et des navires de la Flotte de la mer Noire avec le croiseur lance-missiles Moskva en tête se sont dirigés vers l’Abkhazie.

Marche vers le Sud

Le 9 août, l’aviation russe a subi ses premières pertes. Les forces géorgiennes ont abattu un Tupolev Tu-22M3 et un Sukhoï Su-24. Les deux pilotes Viatcheslav Malkov et Igor Zinov ont réussi à s’éjecter et ont été capturés. Cependant, les forces russes ont progressé au sol, un groupement offensif ayant été créé comprenant quatre régiments tactiques et d’importantes forces d’artillerie.

Au 10 août, les forces armées géorgiennes avaient été chassées de pratiquement tous les districts de Tskhinvali. L’Abkhazie n’est pas restée à l’écart, et a commencé une opération visant à repousser les troupes géorgiennes de la vallée de Kodori.

En fin de journée, le ministre géorgien des Affaires étrangères a remis une note à la partie russe sur un arrêt des combats. Le soir même, il y a eu la seule bataille navale des cinq jours de guerre. Deux navires de débarquement et deux navires d’escorte de la marine russe ont détruit quatre vedettes de patrouille ennemies au large des côtes de l’Abkhazie.

Les intermédiaires

Dès le début du conflit, les organisations internationales ont réagi de manière réservée. Le 10 août, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a appelé les parties à retirer de la zone du conflit russo-géorgien tous les contingents militaires non autorisés par les accords internationaux sur l’Ossétie du Sud.

Dans les premiers jours, l’OTAN a de fait adopté la même position. Cependant, quelques jours plus tard, le Secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jaap de Hoop Scheffer, a accusé la Russie d’«avoir violé l’intégrité territoriale de la Géorgie et fait usage d’une force excessive».

Les pays de l’Union européenne ont été les principaux médiateurs dans le règlement du conflit. Le président français Nicolas Sarkozy a proposé sa médiation dans les négociations entre la Russie et la Géorgie. Il a également participé à l’élaboration d’un plan de paix, appelé par la suite «plan Medvedev-Sarkozy».

Le dénouement

Le 11 août, finalement repoussées de Tskhinvali, les unités géorgiennes ont pris la fuite dans la panique, tandis que les troupes russes ont avancé à partir du territoire d’Abkhazie en Géorgie et sont entrées à Zugdidi, Senaki et Poti. Le ministère russe de la Défense a annoncé que le nombre de militaires russes morts depuis le début de l’opération s’élevait à 18.

Le lendemain, les unités russes ont atteint la frontière avec la Géorgie sur presque toute sa longueur, continuant à repousser les unités géorgiennes en retraite. À leur tour, celles-ci ont commencé à se préparer à la défense de Tbilissi, s’attendant à un assaut sur la capitale d’un moment à l’autre.

Cependant, vers midi, le président Dmitri Medvedev a annoncé que l’opération d’imposition de la paix touchait à sa fin. Puis, il a rencontré Nicolas Sarkozy ; ce dernier s’est ensuite rendu à Tbilissi, où il a remis à Mikhaïl Saakachvili les propositions russes de cessez-le-feu.

Ce n’est que le 16 août que la Russie, la France et la Géorgie ont signé un plan de résolution du conflit. À cette date, le Parlement géorgien avait déchiré tous les accords relatifs à l’intégration de la République dans la Communauté des États indépendants (CEI). Mikhaïl Saakachvili a continué d’insister sur le fait que l’«opération visant à rétablir l’ordre constitutionnel» était une réponse à l’intervention à grande échelle des troupes russes.

Mais la Commission internationale d’enquête sur la guerre dans le Caucase du Sud sous l’égide de l’UE, qui a achevé son travail à l’automne 2009, a estimé que les opérations militaires dans la région avaient commencé par une provocation armée de la part des troupes géorgiennes.

«La Commission ne peut pas considérer comme suffisamment prouvée l’affirmation de la Géorgie selon laquelle d’importantes forces russes ont envahi l’Ossétie du Sud avant le 8 août», concluent les experts et les diplomates.

Reconnaissance

Néanmoins, la Commission a jugé excessif l’usage de la force par l’armée russe. D’après ses conclusions, si dans les premières heures du conflit la Russie a dûment réagi aux bombardements de ses citoyens et qu’elle avait le droit de recourir à la force, elle a ensuite «dépassé les limites de la légitime défense», comme en témoigne son avancée en profondeur dans le territoire géorgien.

Toutefois, à ce stade la Russie n’était plus si intéressée par la décision des experts étrangers. Le 26 août 2008, le président Dmitri Medvedev a signé un décret reconnaissant la souveraineté de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, privant à jamais la Géorgie de la possibilité de répéter la provocation.

Éсho du conflit

Selon les données officielles, les pertes de l’armée géorgienne se sont élevées à 170 morts et disparus et à 1 964 blessés, incluant des réservistes et des policiers. En ce qui concerne la Russie, les pertes officielles sont de 64 morts, 283 blessés et trois disparus.

La guerre a coûté la vie à plusieurs centaines de civils des deux parties, leur nombre exact n’a pas encore été établi.



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