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Solitudes de riches, solitudes de pauvres, par Sylvain Bordiec (Le Monde diplomatique, août 2024)

ByVeritatis

Août 14, 2024


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Djamel Tatah. – Sans titre, 2020

En décembre 2023 s’est tenu à Lyon le Congrès français de psychiatrie (CFP). À cette occasion, des médecins se sont réjouis de la récente création d’un ministère de la solitude au Japon et au Royaume-Uni : les pouvoirs publics prenaient enfin au sérieux la question de l’isolement. Confinements et couvre-feux imposés aux populations lors de l’épidémie de Covid ont focalisé l’attention sur ce sujet. « En janvier 2021, 24 % de la population âgée de 15 ans et plus est en situation d’isolement relationnel et n’a plus aucun lien avec son entourage ou de très rares échanges. Ce taux a augmenté de 10 points en un an », s’alarme en décembre 2021 le site officiel vie-publique.fr.

Des associations, comme la Fondation de France, se saisissent d’un « phénomène de société » désormais ausculté par des instituts de recherche et largement relayé par les médias. La lutte contre la solitude constitue en effet un laboratoire des politiques de protection sociale publiques-privées en vogue depuis le début des années 1980 dans les sociétés capitalistes : la mobilisation générale contre l’isolement est l’œuvre conjointe d’administrations toujours plus enclines à réduire leurs dépenses et d’associations de solidarité, d’entreprises et d’organisations philanthropiques soucieuses de communiquer sur leurs propres vertus. Toutes alertent sur les dangers inhérents à la solitude (dépression, suicide, pathologies chroniques, etc.), proposent des « bonnes pratiques » et imposent un discours ambiant : des jeunes absorbés par les réseaux sociaux aux vieux délaissés en maisons de retraite, la solitude toucherait tout le monde, sévirait partout et se propagerait comme une « épidémie » : la « maladie du siècle ».

Pour ces institutions, ne pas rater le train de la solitude revient à investir dans une cause consensuelle et économique. Pas un mois ne passe en France sans une annonce des forces philanthropiques et associatives spécialisées, ou sans un cri d’inquiétude de chercheurs : « Ignorer le fardeau économique croissant de la (…)

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