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La perruche à collier, l’oiseau exotique qui a fait son nid en Île-de-France


Ses cris stridents et ses déjections l’ont mise sous le feu des projecteurs : la perruche à collier. Lorsqu’une cinquantaine de ces oiseaux se sont échappés de l’aéroport d’Orly (Val-de-Marne), dans les années 1970, d’une cargaison destinée à la vente en animalerie, personne n’a pris conscience du phénomène à venir.

Si les scientifiques alertaient déjà sur la menace représentée par les espèces exotiques envahissantes pour la biodiversité [1], il a fallu attendre les années 2000 pour que les gouvernements européens s’intéressent à ce fléau. Un règlement européen a été adopté en 2014 pour prévenir, réduire et atténuer les effets néfastes sur la biodiversité des espèces invasives. Une liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union européenne est depuis régulièrement mise à jour. La perruche à collier n’y figure pas.

En Île-de-France, elle s’est rapidement acclimatée et ses effectifs n’ont cessé de croître : plus de 8 000 individus en 2021, d’après les estimations de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Les Franciliens se sont d’abord réjouis de pouvoir observer cet oiseau, avec son plumage vert vif et son collier rouge. Mais certains ont fini par s’irriter de sa présence. « Quand elle est arrivée, la perruche était plutôt sympathiquement accueillie, parce que c’est surprenant et beau comme oiseau, raconte Frédéric Malher, délégué scientifique pour la LPO Île-de-France. Mais, 10 ou 20 ans plus tard, elle a commencé à lasser. Depuis, de plus en plus de personnes s’en plaignent et tombent sur leur maire. »

Nuisances et cohabitation

Ces plaintes pour cris et déjections ont motivé la mairie de Massy (Essonne) à euthanasier 900 perruches entre 2018 et 2019, comme le précise l’arrêté pris alors par la commune : « Considérant que le nombre important de perruches […] présente des nuisances sonores et de salubrité publique par leurs cris et leurs déjections, que cette présence est une gêne réelle pour la santé des habitants de la commune […] la société Cappigeon représentée par Monsieur Jean-Luc Faure est autorisée à procéder à la capture des perruches. » Cette méthode extrême n’a pas permis à la ville de se débarrasser des oiseaux, toujours présents sur la commune.

À Orsay, la plupart des habitants s’accommodent de leur présence.
© Jean-Pierre Moussus

D’autres mairies testent aujourd’hui des techniques de régulation validées par la LPO. « On peut comprendre qu’il y ait parfois des problèmes de cohabitation entre les perruches et les humains, dit Anna Bittighoffer, médiatrice juridique à la LPO. Dans ces cas-là, on préconise plutôt la stérilisation des œufs, des méthodes d’effarouchement, la limitation du nourrissage dans les lieux publics, la restriction de l’accès aux mangeoires ou encore le retour à une prédation naturelle, notamment avec l’épervier. »

À Orsay (Essonne), bien que la plupart des habitants s’accommodent de la présence des perruches, certains ont décidé d’adapter leurs mangeoires, comme l’explique Didier Missenard, premier adjoint au maire chargé du développement durable et de la transition écologique : « Elles sont bien implantées ici, et bien bruyantes, mais les gens ne s’en plaignent pas du tout. Les rares cas de plainte que j’ai pu avoir portaient sur les mangeoires : certains habitants trouvaient que les perruches accaparaient les lieux. Maintenant, ils sont habitués, et ceux que ça gênait ont installé des systèmes grillagés dans lesquels seuls les petits oiseaux peuvent passer. »

Pas d’effets néfastes

Derrière ces différentes méthodes de régulation se cache une question plus fondamentale : pourquoi réguler la population de perruches à collier ? Les arguments dans ce sens sont ceux des nuisances pour les riverains, à défaut de motivations environnementales. Car les études scientifiques sur la perruche à collier démontrent qu’elle n’est pas un danger pour la biodiversité francilienne.

« Les perruches en Île-de-France se sont reproduites sur plusieurs générations, elles occupent des milieux essentiellement artificialisés, explique Romain Julliard, chercheur au Centre d’écologie et des sciences de la conservation (Cesco) du Muséum national d’histoire naturelle. On peut prendre n’importe quelle espèce de cette taille et prétendre qu’elle a des impacts, au même titre qu’une corneille, un geai ou un pigeon. »

Une étude publiée en 2020 sur l’accès aux mangeoires, réalisée par des chercheurs de l’université Paris-Saclay, du Muséum, d’AgroParisTech et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), concluait d’ailleurs que la perruche à collier n’avait pas plus d’effets sur les autres oiseaux que la pie ou la tourterelle.

Quant à l’accès aux cavités, dans lesquelles nichent les perruches mais aussi les mésanges, les pics verts ou encore la sittelle torchepot, les études menées sur le sujet ne sont pas parvenues à démontrer d’effets néfastes de la perruche sur les autres espèces cavicoles. « Quelques rares cas ont été documentés, mais cela fait partie de la dynamique des écosystèmes, en perpétuelle évolution, explique François Chiron, écologue spécialiste des oiseaux et des mammifères, maître de conférences à AgroParisTech et chercheur à l’université Paris-Saclay. Des espèces arrivent, d’autres partent, qu’elles disparaissent localement ou globalement. La question de l’impact d’une espèce dépend beaucoup du terrain étudié, de sa géographie, et les réponses ne seront pas les mêmes si l’on parle d’impacts sur la biodiversité ou sur les activités humaines. »

Les effectifs de perruches pourraient d’ailleurs commencer à décroître du simple fait du cours de la nature. « La perruche commence à entrer dans la chaîne alimentaire grâce à la présence de rapaces urbains, diurnes ou nocturnes, explique François Chiron. On observe un début de régulation naturelle, certaines villes où l’on obtient des plateaux, où la population n’augmente plus localement mais s’étend un peu. La grande question, c’est : “Est-ce qu’elle va sortir de la ville ?” Pour l’instant, à l’échelle européenne, ce n’est pas le cas. »

Pour Olivier Portail, chargé de préservation de la biodiversité pour le département des Hauts-de-Seine, lutter contre ces oiseaux, qui se sont adaptés à l’habitat francilien, ne sert à rien. L’enjeu est ailleurs : « Il faut garder à l’esprit qu’un habitat avec une grande biodiversité, une grande richesse de biotopes, sera moins sensible à l’introduction de nouvelles espèces. Alors qu’un milieu appauvri, monospécifique, sans grande biodiversité et donc sans prédateurs, verra les effectifs de certaines espèces invasives exploser. C’est donc là-dessus que l’on peut jouer : en protégeant et en restaurant les écosystèmes. »

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