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Palestine. Les renoncements européens face à Israël et aux États-Unis ou les renoncements européens vis-à-vis du droit international

ByVeritatis

Août 23, 2024


Après plus de dix mois de guerre dans l’étroit territoire palestinien de Gaza, l’urgence d’une initiative efficace devrait s’imposer au monde, notamment à l’Union européenne (UE). Les bombardements se succèdent, les jours y ressemblent aux nuits, sans espoir de pause ni de cessez-le-feu. L’Union et ses États membres se contenteront-ils, une fois de plus, de dénoncer la poursuite de ce cauchemar et d’appeler au cessez-le-feu — comme ils l’ont fait tardivement, en mars 2024 — et à la libération des otages israéliens, sans agir concrètement ? Continueront-ils, à l’instar des États-Unis, à louvoyer ou à soutenir de facto la politique du gouvernement israélien ? Ou interviendront-ils enfin pour faire respecter la vie, les droits humains, le droit international et donner une chance à la paix et à la justice ?

L’urgence est là depuis des mois, alors que les statistiques morbides s’égrènent comme une terreur sans fin. Début août, les agences des Nations Unies déplorent la mort, dans le territoire de Gaza réduit en cendres, de 40 000 Palestiniens, quelque 10 000 autres gisant sous les décombres. Elles annoncent plus de 90 000 blessés. Des milliers d’enfants subissent des amputations, sans anesthésie, des milliers d’autres sont devenus orphelins. Tous sont polytraumatisés.

Les images qui nous parviennent par écrans interposés sont leur quotidien. Celles de centaines de milliers de déplacés et redéplacés d’un abri inexistant à l’autre, d’enfants recueillant un peu d’eau insalubre dans une flaque boueuse, s’alignant dans l’espoir de remplir une gamelle, suivant en larmes le linceul de leur mère ou ouvrant leurs yeux immenses dans leurs visages émaciés par des jours de famine et attendant la mort. Toutes les agences internationales et organisations non gouvernementales alertent depuis des mois : 82 % des infrastructures de santé sont détruites ou endommagées, 88 % des infrastructures scolaires et 67 % des infrastructures d’accès à l’eau. La crise sanitaire se conjugue à la crise humanitaire.

En Cisjordanie occupée, au 16 août 2024, on déplore la mort de 633 Palestiniens et plus de 5 200 blessés depuis l’attaque de commandos du 7 octobre au cours de laquelle 1 139 Israéliens et ressortissants étrangers, dont 764 civils, ont été tués et 248 pris en otage. Plus de 600 personnes assassinées par des colons et l’armée d’occupation, plus que toute l’année précédente pourtant la plus meurtrière depuis la fin de la seconde Intifada : soldats et colons y ont tué 492 Palestiniens, y compris à Jérusalem-Est, selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), cité par Human Rights Watch.

Des communautés entières sont déplacées de force. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’alarme aussi de l’aggravation de la crise sanitaire en Cisjordanie où les restrictions, les violences des colons et de l’armée ainsi que les attaques contre les infrastructures médicales compliquent l’accès aux soins, tout comme la fermeture de points de passage et le bouclage de villages entiers. Près de la moitié des médicaments essentiels sont en rupture de stock. En outre, Israël retient une part croissante de l’impôt sur le revenu qu’il collecte auprès des Palestiniens et qu’il doit à l’Autorité palestinienne.

Dans ce contexte, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont décidé ensemble d’agir. Suivies par la Slovénie et l’Arménie, elles ont reconnu fin mai l’État de Palestine. Le premier ministre espagnol Pedro Sánchez a prévenu que Madrid ne reconnaîtrait aucune modification des frontières de 1967 sans accord préalable entre Israël et l’État palestinien. « L’État palestinien doit être viable, avec la Cisjordanie et Gaza reliées par un corridor, Jérusalem-Est comme capitale », a-t-il précisé, citant les résolutions 242 (en 1968) et 338 (en 1973) du Conseil de sécurité des Nations unies. Parvenir à la paix passe par une solution à deux États, Israël et Palestine « vivant côte à côte (…) dans la paix et la sécurité ».

Avant cette annonce, 143 des 193 États membres des Nations unies reconnaissaient déjà un État palestinien, dont 10 des 27 membres de l’Union européenne. Parmi ces derniers, d’anciens pays du bloc de l’Est du temps de la guerre froide affichent désormais leur clair soutien à Israël, à son gouvernement et à sa politique.

Toutefois la reconnaissance de l’État palestinien a-t-elle encore un sens alors que l’armée israélienne a coupé la bande de Gaza de la Cisjordanie (en violation du droit et de l’accord « Gaza-Jéricho d’abord », ou « Oslo 1 », du 4 mai 1994) et transformé celle-ci en une série de micro-enclaves sans contiguïté territoriale ? A-t-elle quelque valeur sans consultation préalable du peuple palestinien, séparé géographiquement par l’occupation et l’exil, et notamment des réfugiés ?

Pour les cinq États qui viennent d’annoncer leur reconnaissance, l’objectif est d’inverser le logiciel et de ne plus attendre l’aboutissement d’éventuelles négociations israélo-palestiniennes en un tête-à-tête inégal pour reconnaître les droits nationaux palestiniens que Tel-Aviv refuse. La question n’est pas neuve. À Venise, en 1980, les neuf États formant alors la Communauté économique européenne (CEE, ancêtre de l’UE) stipulent « le droit d’exister en sécurité de tous les États de la région, dont Israël, et la justice pour les peuples, ce qui implique la reconnaissance des droits légitimes du peuple palestinien ». En 1988, après la déclaration d’indépendance de la Palestine proclamée par Yasser Arafat à Alger le 15 novembre, la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et la Tchécoslovaquie (divisée en 1993 en République tchèque et Slovaquie) qui, à l’époque, ne sont pas membres de l’UE, reconnaissent cet État de même que Chypre et Malte. Le 26 mars 1999, lors du conseil européen de Berlin, l’Union européenne réaffirme « le droit permanent et sans restriction des Palestiniens à l’autodétermination, incluant l’option d’un État ». Elle exprime sa conviction que la création d’un État palestinien démocratique, viable et pacifique sur la base des accords existants et à travers des négociations serait la meilleure garantie de la sécurité d’Israël et de son acceptation comme un partenaire dans la région.

Elle annonce être prête à reconnaître la Palestine « en temps voulu ». Selon l’accord d’Oslo 1, cela aurait dû avoir lieu, au plus tard, le 4 mai 1999. Mais ce jour-là se déroulent des élections législatives anticipées en Israël. À l’instar des États-Unis, l’UE fait pression sur les Palestiniens à la veille de ce scrutin : pas de reconnaissance de l’État. Depuis, le « en temps voulu » n’advient toujours pas et seule la Suède a rejoint les pionniers de la reconnaissance en 2014, avant de soutenir de nouveau la politique de Tel-Aviv.

Sortir de l’impasse ? Intervenant à l’Assemblée nationale sur la reconnaissance de l’État palestinien, le 28 novembre 2014, à la veille d’un débat parlementaire, Laurent Fabius, alors ministre français des affaires étrangères, affirme : « La question qui se pose à nous n’est donc pas celle des principes, puisque celle-ci est tranchée, mais celle des modalités : quand et comment ? Plus largement, quelle méthode pour essayer d’aboutir concrètement à la paix ? »

Et de préciser :

Nous considérons qu’il est indispensable de sortir d’un face-à-face solitaire entre Israéliens et Palestiniens, méthode qui a fait la preuve de son peu d’efficacité (…) Il faut donc essayer de faire évoluer cette méthode. Il faut un accompagnement, certains diront une pression de la communauté internationale pour aider les deux parties à faire le geste final indispensable et accomplir le pas ultime qui mènera à la paix. [Il souhaite] fixer un cap [et] un calendrier. [Si une] ultime tentative de solution négociée n’aboutit pas ? Alors, il faudra que la France prenne ses responsabilités, en reconnaissant sans délai l’État de Palestine. Nous y sommes prêts.

Mais Jean-Marc Ayrault, son successeur au Quai d’Orsay, abandonne cette analyse et cette promesse, revenant à la rengaine selon laquelle « la reconnaissance de l’État de la Palestine doit advenir à l’issue de négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne ».

Selon l’UE, il n’y a pas d’autre solution que celle à deux États. Ses membres l’ont réaffirmé en janvier 2024, tandis que Josep Borrell, haut représentant européen pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, interroge : « Quelles sont les autres solutions auxquelles [Israël] pense ? Faire partir tous les Palestiniens ? Les tuer ? »

Après plus de dix mois de guerre contre la population gazaouie, inverser le logiciel et reconnaître l’État palestinien veut donc dire, selon ses promoteurs, refonder les bases d’une éventuelle négociation à partir du droit international, dont il s’agit de discuter des modalités d’application — et ce, sous garantie des Nations unies. Cela permettrait aussi de renforcer les droits des Palestiniens déjà obtenus dans nombre d’institutions onusiennes, notamment grâce au statut d’État non-membre observateur à l’ONU, acté le 29 novembre 2012, un an après que la Palestine a été reconnue État membre de l’Unesco. Cela ne préjuge pas des choix du peuple palestinien — incluant l’hypothèse d’un État binational — dont le droit de vote doit pouvoir s’exercer.

Vives réactions à Tel-Aviv

La décision de ces cinq États d’Europe ne serait donc pas que symbolique. Il suffit pour s’en convaincre de voir les réactions des États-Unis qui ne cessent d’opposer leur veto au Conseil de sécurité des Nations unies, comme le 18 avril dernier. De son côté, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou a pris des mesures de rétorsion, annonçant, par exemple, « couper le lien » entre le consulat d’Espagne à Jérusalem et les Palestiniens. Une réaction répressive réitérée à chaque petit pas en faveur des droits palestiniens, comme les décisions de la Cour internationale de justice (CIJ) ou de la Cour pénale internationale (CPI).

Le dernier avis de la CIJ sur les « conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est » depuis 1967, ne fait pas exception. Sollicité en décembre 2022 (avant donc le 7 octobre) par l’Assemblée générale des Nations unies, il a été rendu public le 19 juillet 2024. Il est clair : l’occupation israélienne est « illégale » en son principe, elle aboutit à l’annexion de larges parties du territoire palestinien et viole le droit à l’autodétermination du peuple palestinien.

Les juges rappellent que nombre de pratiques et politiques israéliennes violent le droit international, notamment la colonisation, les confiscations de terres ou de ressources naturelles, le déplacement forcé de populations, les limitations à la libre circulation des Palestiniens. Ils accusent Tel-Aviv d’avoir mis en place un système discriminatoire à l’encontre des Palestiniens, instaurant de fait « ségrégation raciale » et « apartheid ». Pour la CIJ, Israël doit donc cesser l’occupation des territoires palestiniens « dans les plus brefs délais », démanteler les colonies et dédommager la population. Un avis historique, mais non contraignant.

Amènera-t-il enfin les pays membres de l’UE ou certains d’entre eux à réagir, à reconnaître l’État palestinien et à sanctionner Tel-Aviv ? Ou restera-t-il lettre morte, comme celui de 2004 condamnant le mur d’annexion israélien en Cisjordanie et demandant aux États de faire respecter le droit ? Les réactions laissent peu de doute.

L’UE estime que ces conclusions sont largement cohérentes avec les positions de l’UE qui sont elles-mêmes entièrement alignées sur les résolutions de l’ONU concernant le statut du territoire palestinien occupé (…). Tous les États ont l’obligation de ne pas reconnaître comme légale cette situation et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette présence illicite.

Josep Borrell assure :

Dans un monde de violations constantes et croissantes du droit international, il est de notre devoir moral de réaffirmer notre engagement indéfectible envers toutes les décisions de la CIJ de manière cohérente, quel que soit le sujet en question

La France, de son côté « prend note » de l’avis de la Cour. Elle « rappelle son attachement à la Cour internationale de Justice et appelle Israël à respecter toutes ses obligations au titre du droit international ».

Rien de plus.

La veille de la publication de l’avis, le 18 juillet, le parlement israélien a voté une résolution selon laquelle Israël s’opposera fermement « à la création d’un État palestinien à l’ouest du Jourdain ». Une décision qui viole le droit international, les accords d’Oslo que la colonisation à outrance a déjà enterrés de longue date, et que les successeurs du premier ministre Yitzhak Rabin assassiné en novembre 1995, n’ont eu de cesse d’étendre. À la tribune des Nations unies, le 22 septembre 2023, Benyamin Nétanyahou n’a pas hésité à présenter une carte d’Israël de la mer au Jourdain, sans mentionner la moindre frontière avec les territoires palestiniens qu’il entend annexer.

À l’issue du vote, Washington a tout juste fait part de son embarras, réaffirmant son soutien théorique à une solution politique fondée sur la coexistence de deux États, mais maintenant son soutien financier et militaire à Tel-Aviv. Au nom de l’Union européenne, Josep Borrell s’est contenté de « déplorer » la résolution israélienne, l’UE réaffirmant officiellement son engagement en faveur de la solution des deux États. Un engagement qui demeure verbal. La France a exprimé sa « consternation ».

L’urgence de sanctions

Il serait pourtant primordial de répondre à l’urgence, d’imposer à Israël un cessez-le-feu à Gaza et la mise en œuvre des décisions que la CIJ a prises en janvier et mai 2024 lors de l’examen du dépôt de la plainte de l’Afrique du Sud, pour imposer le droit humanitaire international et préserver la population palestinienne d’un « risque de génocide ».

À l’issue d’un nouveau bombardement israélien le 10 août massacrant une centaine de Palestiniens et faisant des dizaines de blessés dans une école surpeuplée de réfugiés, les appels à un cessez-le-feu se multiplient. Mais au-delà des mots, nul dirigeant ne propose d’initiative. Comme pour se dédouaner de son inertie politique, l’Union européenne multiplie les déclarations sur son investissement humanitaire… non sans louvoiements.

En janvier 2024, au lendemain de l’arrêt de la CIJ, Tel-Aviv a répondu en accusant 12 employés de l’Office des Nations unies pour le travail et le secours aux réfugiés palestiniens au Proche-Orient (UNRWA) d’avoir soutenu les attaques du Hamas en Israël ou d’y avoir participé, sans fournir la moindre preuve. Plusieurs membres de l’UE ont immédiatement imité la décision de Washington de suspendre toute aide financière (gérée sur une base volontaire) à l’UNRWA, dont le travail est pourtant indispensable à la survie de la population de Gaza et plus généralement des camps de réfugiés palestiniens. Ils ont fini, tout comme l’UE qui attendait les conclusions d’une enquête, par reprendre cette aide en mars puis en mai 2024. Mais l’Europe n’envisage aucune sanction contre les dirigeants politiques et militaires israéliens pour obtenir un cessez-le-feu, moins encore pour mettre un terme à la colonisation et à l’occupation.

De telles sanctions ont pourtant montré leur efficacité dans les décennies précédentes. Lors de la première Intifada (1987-1993), par exemple, Claude Cheysson, alors commissaire européen, considérant que la fermeture punitive par Israël des universités palestiniennes violait le droit international, avait menacé Tel-Aviv, en 1988, de suspendre les accords dans les domaines de l’éducation, de la culture et scientifiques, si les universités palestiniennes ne rouvraient pas. Il eut gain de cause. En 1992, le secrétaire d’État des EU James Baker conditionnait quant à lui l’octroi à Israël de garanties de 10 milliards de dollars d’emprunts bancaires à l’arrêt total de la colonisation en Cisjordanie et Gaza.

Lors des élections de la même année, Yitzhak Shamir, qui s’y refusait, perdait la majorité au profit du travailliste Yitzhak Rabin.

L’Union européenne et ses États membres disposent de nombreux leviers. C’est le cas notamment de l’accord d’association, signé dans la foulée d’Oslo et adopté en 2000, qui prévoit, entre autres, la libéralisation des échanges. À l’été 1996, Benyamin Netanyahou, déjà premier ministre à l’époque, donne son feu vert au creusement d’un tunnel sous l’Esplanade des mosquées à Jérusalem. Lors des manifestations de protestation, plusieurs dizaines de Palestiniens sont tués. En France, les associations de la toute jeune plateforme des ONG françaises pour la Palestine estimant qu’il ne suffit plus de dénoncer, mènent trois ans d’une intense campagne collective et obtiennent le report de la ratification de cet accord par le Parlement. Même chose en Belgique, les autres États européens l’ayant déjà ratifié. À l’issue des élections de 1999 où Ehoud Barak remplace Benyamin Nétanyahou, l’accord est entériné. Mais son article 2 mentionne explicitement le respect des droits humains par les parties contractantes. D’où la demande de suspension de cet accord, reprise aujourd’hui par des associations de défense des droits humains, de nombreux parlementaires et personnalités à travers toute l’Europe.

Les gouvernements d’Irlande et d’Espagne en réclament une révision, l’Union européenne étant le principal partenaire commercial d’Israël. Le 27 mai, les ministres des affaires étrangères décident de convoquer une réunion du Conseil d’association UE-Israël « pour discuter de la situation à Gaza et respecter les droits humains dans le cadre des obligations assumées par Israël », indique Josep Borrell

Ils réagissent alors à des bombardements à Rafah et dans toute la bande de Gaza en violation des arrêts de la CIJ. Pour la Belgique, il en va aussi de la crédibilité de l’Europe. Mais la réunion n’a pas lieu. Plusieurs États refusent quelque pression que ce soit, notamment la Hongrie et la République tchèque, tandis que le gouvernement allemand imagine que la responsabilité historique de son pays dans le génocide des juifs d’Europe devrait l’amener à soutenir Israël et sa politique en dépit des crimes de ses dirigeants. ²

Alignée sur Washington

Au nom d’une unité diplomatique introuvable, l’Union européenne a-t-elle décidé de suivre sans autre forme d’intervention les orientations de Washington ? C’est le cas d’une partie de ses membres, notamment ceux qui avaient déjà participé sans rechigner à la guerre de 2003 contre l’Irak. L’UE renonce de fait à tout rôle politique, comme c’est le cas depuis plus de 30 ans et le début de la négociation d’Oslo. Elle se limite à un rôle économique et laisse aux États-Unis et à la Russie, puis aux seuls Etasuniens, le rôle de parrains politiques d’un processus qui n’a rapidement plus eu « de paix » que le nom. Même dans ce cadre, la « politique européenne de voisinage » avec Israël conduit à considérer ce dernier comme un pays « à haute technologie ». Une « start-up nation » saluée en France comme un partenaire démocratique, tant par Nicolas Sarkozy que par ses successeur

Emmanuel Macron n’a d’ailleurs pas hésité à recevoir son homologue israélien, Isaac Herzog, à l’Élysée à l’occasion de la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques, le 26 juillet dernier.

Durant les bombardements israéliens de la bande de Gaza de l’hiver 2008-2009, Bernard Kouchner, alors ministre français des affaires étrangères, avait déjà tenté de « rehausser » (selon le terme officiel) le niveau de relations économiques et diplomatiques entre l’UE et Israël. Il dut y renoncer… Un temps seulement, car depuis, les accords se sont multipliés. Le 6 décembre 2021, Tel-Aviv a officiellement rejoint le programme de recherche et d’innovation Horizon Europe, doté de plus de 95 milliards d’euros sur la période 2021-2027.

Pourtant l’UE sait user de sanctions lorsqu’elle estime que la situation l’impose. Comme contre la Russie. Elle peut geler les fonds ou bloquer les avoirs de personnes privées, groupes ou organisations, entreprises, gouvernements, décréter des interdictions du territoire, décider d’embargos sur les armes, restreindre ou mettre un terme aux relations économiques. Elle en est fort loin contre les dirigeants politiques ou militaires israéliens. En avril, le Conseil de l’Union européenne a annoncé des sanctions à l’encontre… de quatre colons « extrémistes » et de deux entités pour de graves violations des droits humains à l’encontre de Palestiniens en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est.

Quant aux ventes d’armements, elles ne font l’objet d’aucune restriction. Fin mai, après l’un des bombardements meurtriers israéliens contre les réfugiés palestiniens à Rafah, le gouvernement français a annulé la participation prévue des industriels israéliens de l’armement au salon de défense d’Eurosatory qui s’est tenu du 17 au 21 juin 2024. Des ONG ayant déposé une requête en référé car elles estimaient insuffisantes les mesures prises, le tribunal de Bobigny a enjoint à Coges Events (organisateurs) de faire interdire la participation sous quelque forme que ce soit, des industriels de l’armement israélien et de toute personne salariée ou représentante des entreprises d’armement israélien, ainsi que de toute personne physique ou morale susceptible d’opérer comme leur courtier ou leur intermédiaire. [Il a aussi interdit] aux autres entreprises ou exposants d’accueillir sur leur stand des représentants d’entreprises israéliennes en matière d’armement, de vendre ou faire la promotion d’armes israéliennes.

La Cour d’appel de Paris, saisie par les organisateurs d’Eurosatory, a autorisé le 18 juin au soir la présence de représentants ou intermédiaires de sociétés israéliennes ; un arrêt intervenu peu après que le tribunal de commerce de Paris a de son côté jugé « illicite » leur exclusion du salon. Malgré les morts et l’horreur, le business continue. Arie King, maire-adjoint israélien de Jérusalem, n’en a pas moins demandé aux services municipaux de ne plus collecter les ordures du consulat français.

Alors que l’Europe se targuait jusque dans les années 1990 de défendre le droit international, elle semble avoir renoncé. Et Tel-Aviv sait y avoir des alliés, à commencer par les partis et gouvernements d’extrême droite, fussent-ils antisémites, pourvu qu’ils défendent sa politique, sa guerre, sa colonisation, au nom d’une croisade commune contre l’islamisme dont Benyamin Netanyahou se présente comme le héraut. Cette attitude européenne représente une défaite morale. Diplomatique aussi, tant les pays du Sud, en particulier, accusent à juste titre le « deux poids et deux mesures » qui caractérise sa politique et met à mal les principes de droit universel issus de la fin de la seconde guerre mondiale et de la victoire contre le nazisme.

En dépit de tentations identitaires, de haine de l’Autre et de passions tristes mises en évidence lors des dernières élections, les sociétés européennes et singulièrement leurs jeunesses sont aussi porteuses d’autres exigences. Celles d’une solidarité active pour la paix et la justice. Celles d’une protection du peuple palestinien. Celles d’interventions européennes accordant les actes aux discours officiels en faveur de la paix et du respect des droits humains les plus élémentaires.





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