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Contre les pandémies, apprendre à vivre avec les animaux sauvages


23 août 2024 à 14h22
Mis à jour le 24 août 2024 à 16h40

Durée de lecture : 5 minutes

Il va falloir mieux cohabiter avec la faune sauvage. C’est en substance les conclusions d’une nouvelle étude de l’université du Michigan, aux États-Unis, publiée le 21 août dans Science Advances, qui prévoit que les espaces accueillant à la fois des humains et des espèces sauvages vont continuer à s’étendre.

Pour évaluer l’évolution du recoupement des aires d’habitats entre les humains et 22 374 espèces de mammifères, oiseaux, amphibiens et reptiles, l’étude s’est appuyée sur la croissance démographique et la modification des habitats naturels sous l’effet du changement climatique. Résultat : principalement à cause de l’augmentation de la population humaine, le recouvrement va augmenter sur près de 57 % de la surface terrestre d’ici 2070, en particulier dans les zones forestières d’Afrique et d’Amérique du Sud, ainsi que dans les régions très peuplées d’Asie.

« Les politiques de conservation doivent donc se concentrer davantage sur la gestion de la coexistence entre l’humain et la faune, au lieu d’essayer de séparer les humains et les animaux sauvages », explique Neil Carter, coauteur de l’étude. Autrement dit, les zones protégées de toute présence humaine ne suffiront pas à préserver la faune sauvage si la cohabitation est impossible ailleurs.

Le chercheur à l’université du Michigan, également directeur du groupe de recherche Conservation & Coexistence Group qui s’intéresse justement aux conditions de cette coexistence, invite ainsi à trouver des solutions « pour gérer les compromis de la coexistence, notamment en minimisant les conflits entre les populations et les espèces sauvages — y compris la propagation des maladies et la perte de récoltes —, tout en maximisant les nombreux avantages offerts par la faune et la flore ».

Manipulation des chauves-souris

Alors que la diffusion du virus Mpox fait craindre une nouvelle pandémie, peut-on imaginer une cohabitation avec la faune sauvage qui ne soit pas pourvoyeuse de nouveau virus ?

« La hausse des points de contact augmente les risques de zoonoses, mais la relation n’est pas linéaire. D’autres facteurs interviennent, notamment la perte de biodiversité », explique Benjamin Roche, chercheur spécialiste des zoonoses à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Pour le virus Mpox, « des études ont bien montré que le point de départ des infections humaines vient de rongeurs dans des zones déforestées, zones où il y a une perte de biodiversité et une concentration humaine ».

Il faut « apprendre à coexister »

Celui qui dirige le programme de recherche Prezode sur la prévention de l’émergence de maladies zoonotiques souscrit à l’idée qu’il faille « apprendre à coexister ». Et d’ajouter : « Les solutions vont dépendre du contexte local et doivent être construites avec les acteurs en présence. Par exemple, pour limiter la transmission de maladies par des chauves-souris en Asie du Sud, il existe des bonnes pratiques de manipulation de ces petits mammifères qui ont un impact significatif sur la baisse de transmission. Former les personnes aux contacts des animaux, comme les gens qui récoltent les fruits dans les arbres, est une piste de cohabitation moins risquée. »

Dilution des agents pathogènes

Une coexistence qui préserve la biodiversité réduit aussi les risques de zoonoses, selon les scientifiques. « La biodiversité permet un effet de dilution des agents pathogènes, ces derniers n’étant pas compétents pour toutes les espèces. Avec moins d’espèces, la transmission devient plus importante dans la communauté animale et les risques de transmission à l’humain augmentent », explique Benjamin Roche, qui rappelle que les zoonoses reposent aussi sur un triptyque entre humains, faune sauvage et faune domestique.

La perte de biodiversité est un des autres résultats de l’étude publiée dans Science Advances. Les auteurs ont évalué l’impact de l’évolution des habitats sous l’effet du changement climatique sur la diversité des espèces animales. Ils projettent une baisse d’un tiers de la diversité d’espèces de mammifères, de 45 % pour les amphibiens et de 40 % pour les reptiles dans les forêts d’Amérique du Sud. Dans les forêts d’Afrique, la baisse de la diversité des mammifères serait de 21 %, toujours selon l’étude. Les chercheurs n’ont en revanche pas tenu compte des conséquences de la destruction directe des habitats naturels par les humains, pourtant une des premières causes de la perte de biodiversité.

« Ces impacts comportent de nombreuses incertitudes, avance Deqiang Ma, premier auteur de l’étude et post-doctorant en sciences de la conservation à l’université du Michigan. Par exemple, le puma concolor habite historiquement des habitats naturels, mais il est devenu plus fréquent de le rencontrer dans les zones urbaines de Californie. »

Héraut de la coexistence humains-faune sauvage, Neil Carter cite un autre exemple pour limiter les dangers liés aux grands fauves justement : « Une recherche en écologie comportementale a montré que les conflits entre les guépards et les humains peuvent être réduits simplement en comprenant où ces derniers marquent leur territoire avec de l’urine. Ces endroits, appelés “nœuds de communication”, sont importants pour leur territoire et pour la communication entre eux. Le fait d’éviter ces lieux a donc permis de réduire considérablement le nombre de rencontres problématiques avec les guépards. » Des idées comme celles-ci « émergent un peu partout » et devraient, selon lui, « être intégrées dans les politiques de conservation ».

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