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« Notre seule arme, c’est la destitution »


28 août 2024 à 14h49
Mis à jour le 28 août 2024 à 18h18

Durée de lecture : 4 minutes

Fin du suspens. Le 26 août, à la tombée de la nuit, Emmanuel Macron a fermé la porte à la nomination de Lucie Castets à l’hôtel de Matignon. Aux yeux de Gabriel Attal, son Premier ministre démissionnaire, l’application du programme du Nouveau Front populaire (NFP) « aboutirait à un matraquage fiscal sans précédent » et « à un effondrement économique de notre pays ».

Les Insoumis, qui déplorent que le locataire de l’Élysée fasse ainsi fi du scrutin des législatives, agitent la menace d’une motion de destitution. « Je crois que c’est sain de pouvoir parler, de pouvoir discuter en hémicycle et dans les Assemblées du comportement autoritaire du président de la République », a déclaré Mathilde Panot, le 28 août, au micro de RTL. Une initiative désormais soutenue par l’Écologiste Sandrine Rousseau.


Reporterre — Vous êtes la première députée, en dehors de La France insoumise, à vous prononcer en faveur de cette procédure de destitution. Pourquoi la soutenez-vous ?

Sandrine Rousseau — La Constitution ne nous protège pas contre un président de la République abusant du pouvoir qu’il a entre les mains. Or, c’est exactement ce à quoi Emmanuel Macron joue en ce moment, en trahissant la voix des électeurs.

La seule arme à notre disposition pour contrer ce coup de force antidémocratique, c’est la motion de destitution. Certes, elle est imparfaite puisqu’elle nécessite que le président soit en incapacité, ce qui n’est évidemment pas le cas aujourd’hui. Pour autant, c’est notre seule arme.

Le 26 août, vous disiez encore qu’il fallait attendre le bon moment pour brandir cette menace.

Oui. Je trouvais que les Insoumis avaient introduit la destitution trop tôt dans le débat. Je penchais pour la prudence. Seulement, les déclarations d’Emmanuel Macron tenues le 26 août m’ont poussé à changer d’avis. Invoquer la stabilité institutionnelle pour justifier son refus est extrêmement grave.

Il aurait pu choisir d’autres arguments plus pertinents. D’autant que c’est lui qui a déstabilisé la démocratie en décidant de manière unilatérale la dissolution de l’Assemblée nationale. Qui plus est le soir où le Rassemblement national arrivait en force.

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Ce retournement est incroyable, honteux. Alors nous disons stop aux leçons de stabilité démocratique. Emmanuel Macron n’est pas à la hauteur de sa fonction. Il n’avait qu’à nommer Lucie Castets et laisser aux parlementaires le choix de voter — ou non — une motion de censure. À la place, comme l’a dit François Hollande, il a commis une faute institutionnelle.

La droite et l’extrême droite ayant déjà déclaré leur intention de censurer un potentiel gouvernement NFP, l’argument de la stabilité est-il vraiment indécent ?

Ce n’est absolument pas à Emmanuel Macron de dire si un gouvernement sera censuré ou non. Au même titre que ce n’est pas son rôle de trouver des majorités. Cette tâche incombe aux parlementaires. Le rôle du président de la République est de nommer un Premier ministre issu des rangs du groupe arrivé en tête aux élections législatives. Et s’il venait ensuite à y avoir une motion de censure, alors il en nommera un second et laissera les partis et les groupes parlementaires décider de comment s’organiser.

J’ai vraiment le sentiment que nous sommes en train de nous habituer à cette dérive démocratique, comme nous nous sommes habitués au changement climatique. On finit par se dire que ce n’est pas si dramatique. Si, ça l’est ! Nous sommes dans une situation absolument inédite sous la cinquième République. D’où mon soutien à la destitution.

A-t-elle la moindre chance d’aboutir, ou est-ce une procédure symbolique ?

Non, ce n’est pas symbolique. Il s’agit d’instaurer un rapport de force en prouvant que nous sommes capables d’atteindre ce stade si Emmanuel Macron ne respecte pas la démocratie. Ce message est important, et doit être porté haut et fort aujourd’hui. Il faut descendre dans la rue pour manifester massivement, à commencer par le 7 septembre.

Vous avez déclaré vouloir porter des motions de censure contre tout gouvernement n’étant pas issu du NFP. La situation risque-t-elle de tourner en rond encore longtemps ?

On est au cœur du sujet. Les macronistes refusent de changer de politique, et ce, malgré le grand désaveu des Françaises et des Français dans les urnes. Ils étaient 314 députés, ils ne sont plus que 99. Au bout d’un moment, ça suffit ! Emmanuel Macron doit arrêter de sous-entendre que le peuple a mal voté et que lui seul sait quel est le bon chemin à prendre.

Non, je suis désolé. Les citoyens comprennent parfaitement que l’affaiblissement des services publics les met en danger. Les citoyens comprennent parfaitement que le travail précaire se développe à vitesse grand V. Les citoyens comprennent parfaitement l’urgence écologique dans laquelle nous sommes. Arrêtons de faire croire que le peuple ne saisit jamais la subtilité et la grandeur de pensée d’Emmanuel Macron.

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