• jeu. Sep 19th, 2024

l’abattage des arbres reprend, le jardin d’une habitante incendié


Saix et Verfeil (Tarn et Haute-Garonne), reportage

Il était environ 7 heures, dimanche 1ᵉʳ septembre, quand quatre individus vêtus de noir ont pénétré au domicile d’Alexandra et de sa famille sur le tracé de l’autoroute A69. Cagoulé et ganté, ce commando armé de cocktails molotov, de bidons d’essence et de bouteilles d’alcool à brûler est arrivé devant la maison qu’Alexandra loue depuis 2013 à Verfeil, en Haute-Garonne. Son enfant de quatre ans dormait profondément, mais elle et son compagnon ont été brutalement réveillés par des cris dans le jardin.

« On est tout de suite sortis et on a vu quatre individus cagoulés », raconte Alexandra, encore sous le choc. « On a crié et j’ai vu l’un d’eux jeter quelque chose dans ma voiture, avant qu’elle ne s’embrase. » À partir de là, tout s’est enchaîné : « Je me suis précipité vers eux », poursuit Thomas [*], son compagnon. « L’un d’eux m’a aspergé d’essence, mais on est arrivés à les repousser hors du terrain. En partant, ils ont également mis le feu au portail et nous ont aspergés de gaz lacrymogène. »

Au matin, la maison porte les séquelles de l’attaque incendiaire qui a eu lieu.
© Antoine Berlioz / Reporterre

Le feu a ensuite été maîtrisé grâce à la présence de plusieurs opposants à l’A69, dont certains vivent sur place depuis mars 2023 pour protéger les arbres de l’abattage prévu pour le chantier de l’autoroute. « Sans eux, que certains appellent les écoterroristes, on serait morts. C’est aussi simple que cela », dit Alexandra, assise dans son jardin, juste après avoir déposé plainte à la gendarmerie.

Plusieurs cocktails molotov ont également été retrouvés tout autour du terrain et à quelques mètres de la maison, à côté d’une bouteille de gaz de la cuisine extérieure selon sa déposition à la gendarmerie, que Reporterre a pu consulter.

L’habitacle de la voiture incendiée, partiellement carbonisé et recouvert des résidus de l’extincteur utilisé.
© Antoine Berlioz / Reporterre

C’est la deuxième fois en sept jours qu’un commando tente de mettre le feu au terrain qu’occupent Alexandra et sa famille.

« Pour moi, ce sont des pro-autoroute, des gens qui veulent nous intimider »

« Ce sont les mêmes personnes qui sont venues mettre le feu dimanche dernier. C’est le même mode opératoire, le même matériel qui est utilisé. Pour moi, ce sont des pro-autoroute, des gens qui veulent nous intimider pour qu’on quitte les lieux au plus vite et qu’ils puissent tout raser », poursuit-elle, alors que de nombreux soutiens l’entourent pour la réconforter. À quelques mètres d’elle, sa voiture rouge porte encore les stigmates de la veille, avec le siège conducteur partiellement calciné.

Sur le lieu d’occupation dit du Verger, des militants et zadistes sont toujours perchés dans des arbres pour les protéger contre l’abattage.
© Antoine Berlioz / Reporterre

« Ça commence à faire beaucoup », lance de son côté Gilles Garric, membre du collectif La Voie est libre, qui est venu au Verger pour soutenir Alexandra et les occupants du terrain. « Ce sont des méthodes de fascistes. On le voit bien sur certains groupes pro-autoroute, ce sont des messages de haine qui sont véhiculés, il faut tout faire pour éviter un drame, pour éviter un nouveau Sivens et c’est pour cela qu’on demande un moratoire. Pour poser les choses à plat et apaiser ces tensions ».

Pourtant, le concessionnaire Atosca et la préfecture du Tarn semblent vouloir aller vite. Dans la nuit du samedi 31 août au dimanche 1er septembre, un peu avant minuit, quelques minutes avant que ne débute la période légale d’abattage des arbres, des abatteuses et plusieurs escadrons de gendarmerie mobiles se sont positionnés sur les sites de la Crem’Arbre et de la Cal’Arbre dans le Tarn, à proximité de Castres.

Un hélicoptère survole le site de la Crem’Arbre afin d’éclairer les zadistes et militants qui tentent d’occuper le site pour empêcher l’abattage des arbres.
© Antoine Berlioz / Reporterre

Face à une cinquantaine de personnes qui ont tenté jusqu’au bout de sauver les arbres, des gaz lacrymogènes ont été massivement utilisés par les gendarmes et des grenades GM2L ont été tirées en pleine nuit.

Abattage éclair

Quelques heures plus tard, tous les arbres qui avaient été ardemment défendus par les « écureuils » et leurs soutiens au sol à la Crem’Arbre, au mois de mars dernier, étaient abattus. Une opération éclair.

Les grenades ont répondu aux activistes qui essayaient d’empêcher l’abattage des arbres.
© Antoine Berlioz / Reporterre

À la Cal’Arbre, à seulement quelques kilomètres de là, les coupes qui avaient débuté vers 1 h 30 du matin se sont poursuivies en début d’après-midi. Des écureuils résistaient toujours dans les arbres. « Vos coupes sont illégales, un écologue doit constater la présence d’espèces protégées dans les arbres », a crié l’une des militantes masquées dans sa cabane.

Les arbres non occupés ont été coupés, certains chênes ont été dépouillés de leurs branches, laissant gésir leurs dépouilles au milieu de ce qui était, quelques heures auparavant, une petite forêt. « Vous ne tronçonnerez pas notre détermination », a lancé un activiste au sol.

Les zadistes assistent sidérés à l’abattage des arbres qui se poursuit depuis le milieu de la nuit.
© Antoine Berlioz / Reporterre

Ce lundi 2 septembre au matin, malgré l’arrivée vers 9 heures de la Cnamo, la cellule de la gendarmerie spécialisée dans le délogement des activistes en hauteur, quelques écureuils perchés dans leur cabane empêchaient toujours la coupe de certains arbres.

« On est traumatisés et affectés par toute cette violence qui est déployée contre nous », raconte Léo, alors que les coupes se poursuivent devant elle à la Cal’Arbre. « C’est tellement injuste et insensé, on n’a pas d’autre choix que d’engager nos corps dans cette lutte, malgré le risque », poursuit-elle. « On va continuer à soutenir les derniers zadistes perchés dans les arbres. On va aussi montrer que malgré tout cela, on reste unis et déterminés, on ne va pas se laisser rouler dessus par Atosca. »



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