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le virus du Nil provoque panique et colère


3 septembre 2024 à 15h59

Durée de lecture : 4 minutes

Isla Mayor (Espagne), reportage

« Ce ne sont pas des balivernes, le moustique tue ! » lance « Juanjo », fondateur de la plateforme Lutte contre le virus du Nil. Il prend ainsi la parole depuis la petite tribune installée lundi 2 septembre devant la mairie d’Isla Mayor, près de Séville, dans le sud de l’Espagne. Avec ses 5 700 habitants et quelques immeubles bas érigés au milieu d’une plaine sur laquelle s’étendent des rizières à perte de vue, la commune est au cœur d’une zone affectée cette année par une invasion historique de moustiques.

Ceux-ci sont vecteurs du « virus du Nil », qui frappe durement les 13 communes à l’embouchure du fleuve Guadalquivir. Quatre personnes sont mortes depuis le début de l’été. À quoi s’ajoutent une dizaine d’hospitalisations, au moins, qui laisseront peut-être de lourdes séquelles. Depuis un mois, un mouvement citoyen exige des mesures efficaces face à ce nouveau mal qui gagne du terrain en Europe avec le changement climatique, et sur lequel les scientifiques alertent depuis plus de dix ans.

La mobilisation après les premiers décès a attiré l’attention des médias nationaux.
© Alban Elkaïm / Reporterre

Ces drames auraient pu être évités. « Dans les rizières du delta de l’Èbre, on utilise un bacille qui n’attaque que la larve du moustique quatre fois par an depuis dix ans, [et le problème n’atteint pas cette dimension] », explique Jordi Figuerola, spécialiste de la question à la Station biologique de Doñana, organe du Conseil supérieur d’investigation scientifique d’Espagne (CSIC) qui étudie et surveille les zones humides du « Bas Guadalquivir ».

« J’ai été pris de terreur »

« Nous demandons à ce que le gouvernement régional d’Andalousie, le gouvernement de la province de Séville et les communes se mettent au travail de manière coordonnée », explique Juan José Sánchez — « Juanjo » —, qui a fondé la plateforme il y a à peine plus d’un mois.

Le premier décès de l’année dans son village, La Puebla del Río, l’a décidé à agir. « Le foyer d’infection se trouvait dans la rue parallèle à la mienne. Le père d’un proche a aussi été hospitalisé. J’ai une fille de 7 ans, un fils de 15 ans et une femme asthmatique. J’ai été pris de terreur », se souvient-il.

75 méningites sévères à cause du virus

Ce n’est pas la première fois que ce mal frappe dans la zone. En 2020 déjà, l’Espagne avait enregistré huit décès liés au virus du Nil occidental (ou virus West Nile), tous en Andalousie. Sur les 75 cas de méningites sévères reconnues comme conséquences du virus dans le pays, 54 ont été enregistrés dans la province de Séville, 14 dans celle de Cadix et… 4 dans une autre région. Une fillette qui a survécu est restée dans un état végétatif, selon Juan José Sánchez. « J’ai créé la plate-forme sur Facebook. Six heures plus tard, nous étions 1 500 inscrits », dit-il.

Le 5 août, autour de 300 personnes sont venues réclamer une réaction des autorités locales, et ont mis le sujet au centre de l’attention médiatique. « Deux morts et neuf hospitalisations sèment la panique dans 13 communes », titrait le quotidien de référence El País, le lendemain. À ce moment, l’invasion de moustiques avait atteint son paroxysme.

« La Puebla se transforme en village fantôme à la tombée du soir. J’ai vu la série The Walking Dead. Pareil ! » racontait alors une manifestante. « À partir de là, nous avons obtenu que des techniciens du gouvernement andalous se réunissent avec les mairies, et ils ont commencé à épandre de l’insecticide », explique Juanjo. L’invasion s’est largement calmée. Mais trois autres décès ont été annoncés, entre le 20 et le 27 août. En tout, cinq personnes ont perdu la vie dans la province de Séville.

« Cela fait des années que nous prévenions »

« Cela fait des années que nous prévenions », rappelle Jordi Figuerola d’un ton las. « Il y a une série de conditions climatiques qui favorisent la circulation de ce virus, désormais endémique en Espagne. Avec le changement climatique, nous nous attendons à ce que l’incidence augmente chez les animaux. Il est prévisible qu’à l’avenir, les circonstances soient parfois réunies pour qu’il y ait une forte circulation. Qu’il passe à l’humain ou pas dépend des mesures de lutte contre le vecteur : le moustique. »

Hiver doux, printemps pluvieux, inondation de presque toutes les rizières en juin… cette année tous les facteurs étaient réunis. « Les autorités auraient dû rendre le contrôle des moustiques obligatoire à l’inondation des rizières. »

Le gouvernement régional rejette la faute sur le gouvernement provincial. « Ils se repassent la patate chaude. Mais ce que nous voulons, c’est une action concertée des mairies, des autorités provinciales, régionales, nationales, européennes et de l’OMS. C’est un problème de santé publique qui dépasse l’Espagne », rappelle Juanjo. En 2024, onze cas « autochtones » ont été signalés en France. Dix ont entraîné une hospitalisation.

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