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Soutien de Macron à Paul Watson : « C’est du greenwashing »


Voilà six semaines que Paul Watson est détenu à Nuuk, au Groenland — territoire rattaché au Danemark. Mercredi 4 septembre, la justice danoise doit décider du sort du défenseur des baleines et fondateur de Sea Shepherd. Elle pourrait le garder derrière les barreaux, le temps que le gouvernement danois décide s’il accepte de l’extrader vers le Japon. Le militant serait alors jugé et risquerait la prison. Face à ce risque, il a reçu de nombreux soutiens. Y compris de l’exécutif français, pourtant peu prompt à lutter contre la destruction des océans, souligne Emma Fourreau, eurodéputée La France insoumise au sein du groupe The Left. Elle milite en faveur du bien-être animal et pour la préservation des océans au sein de l’organisation Sang Océan qu’elle a cofondée en 2020.


Reporterre — Pourquoi est-ce important de soutenir Paul Watson ?

Emma Fourreau — Pour ne pas créer de jurisprudence. Paul Watson a dédié sa vie au sauvetage des baleines : avec son équipe, ils ont sauvé 5 000 cétacés. Si quelqu’un d’aussi connu que lui, avec une cause aussi juste, finit derrière les barreaux, c’est très grave ! Son arrestation marque une étape dans la criminalisation des activistes et des défenseurs de l’environnement. C’est pour ça qu’il faut se mobiliser.

Ce qu’on protège, ce n’est pas juste l’individu, c’est le fait de ne pas créer de précédent qui permette de mettre n’importe quel activiste sous les verrous. Cette mobilisation est donc à la fois un combat pour l’environnement, et pour les droits de l’Homme.

La pétition pour soutenir Paul Watson dépasse les 700 000 signatures. Comment expliquer un soutien si large ?

Paul Watson est une figure très connue : avec son émission « Justiciers des Mers », lancée en 2007, il a bercé une génération de jeunes sensibilisés au combat pour sauver les baleines. Il y a aussi toute une esthétique autour de Sea Shepherd, et Paul Watson incarne très bien cette figure du pirate des mers « écowarrior » [écoguerrier]. En parallèle, Sea Shepherd casse aussi les codes de l’activisme ordinaire en assumant la confrontation : un mode d’action efficace qui correspond à une demande croissante dans le monde de l’activisme.

En tout cas, lorsque je vais dans les manifestations de soutien à Paul Watson, comme ce week-end à Caen, je vois beaucoup de personnes qui ne sont pas présentes dans les manifestations écologistes traditionnelles. C’est un public différent, beaucoup plus large.

Emmanuel Macron et Hervé Berville, le secrétaire d’État démissionnaire à la Mer et à la biodiversité, ont communiqué leur soutien à Paul Watson. N’est-ce pas contradictoire avec la politique menée par le gouvernement sur son propre territoire maritime ?

C’est une bonne chose que ces personnalités se mobilisent pour Paul Watson. En revanche, c’est en totale contradiction avec leur politique en matière de protection des océans. La France est une très mauvaise élève sur ce point. Les aires marines protégées, par exemple, n’ont rien de protégé, car les pires pratiques y sont autorisées !

L’an dernier, Hervé Berville a déclaré devant le Sénat que la France refuserait d’y interdire la pêche au chalut alors que cette technique de pêche est dévastatrice pour les fonds marins et les espèces. Même chose sur les captures accidentelles de dauphins dans le Golfe de Gascogne, qui n’ont en fait rien d’accidentel : il n’y a juste aucune volonté politique de mettre en place des solutions pour empêcher ça.

Lire aussi : L’État refuse d’interdire le chalutage de fond… dans les aires marines protégées

Hervé Berville est acquis aux pêcheurs industriels, et les subventions publiques vont massivement vers la pêche industrielle qui est la plus nocive, alors qu’on devrait aller vers un modèle de pêche artisanale. La posture du gouvernement est en totale incohérence avec la réalité. C’est du bluewashing [greenwashing appliqué aux mers et aux océans]. Sans doute parce que la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan se tiendra à Nice en 2025, et qu’ils veulent se donner bonne figure.

« Il y a deux poids deux mesures entre Paul Watson et les activistes de Sainte-Soline »

On remarque la même chose par rapport à la criminalisation des défenseurs de l’environnement : il y a deux poids deux mesures entre Paul Watson et les activistes de Sainte-Soline ou de l’A69 qui sont taxés d’écoterrorisme, arrêtés et traînés devant les tribunaux !

Avec 73 parlementaires européens, vous avez envoyé une lettre au gouvernement danois le 24 juillet pour lui demander de ne pas extrader Paul Watson. Que vous a-t-il répondu ?

La Première ministre danoise nous a répondu, mais elle ne se prononce pas sur le fond de l’affaire. Elle dit que s’il y a une extradition, ce sera une décision des juges, et du ministre de la Justice, donc on va aussi écrire au ministre de la Justice… Cela ne nous satisfait pas, car évidemment que c’est une affaire politique ! On voit qu’il y a une alliance entre le Danemark et le Japon contre Sea Shepherd. Probablement parce que Sea Shepherd s’oppose aussi aux massacres des globicéphales aux îles Féroé, qui appartiennent au Royaume du Danemark. On ne peut pas le prouver, mais ce serait une piste d’explication. En tout cas, il faut maintenir la pression de la mobilisation pour montrer qu’on ne laissera pas passer une telle décision.

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