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deux nouveaux blessés lors d’une expulsion tôt ce matin


Saix (Tarn), correspondance

Vendredi 6 septembre à 6 h 45 du matin, alors que la nuit enveloppait encore le site de la Cal’Arbre à l’ouest de Castres (Tarn), les gendarmes de la Cnamo — la cellule de la gendarmerie spécialisée dans les interventions périlleuses — sont intervenus pour tenter de déloger trois « écureuils ». Ces opposants au projet d’autoroute A69 étaient retranchés dans un arbre depuis une semaine pour empêcher son abattage.

Surpris dans leur sommeil, ils ont fui cette intervention en se hissant sur des branches plus hautes. Deux d’entre eux ont chuté de plus de 7 mètres. Ils ont été évacués sur des civières par les pompiers. Il n’y a pour l’instant pas plus d’informations sur leur état de santé.

Une information qui confirme les craintes de Camille (un prénom d’emprunt), rencontré jeudi 5 septembre, et qui nous a raconté dans quelles circonstances il a lui-même chuté lors d’une intervention il y a une semaine.

Il est désormais sorti de l’hôpital et hors de danger. Mais lorsqu’il s’est extirpé de son lit jeudi, sa chemise d’hôpital bleu marine ouverte dans le dos laissait apparaître un large pansement, au milieu de sa colonne vertébrale. Camille est un miraculé. Alors qu’un gendarme tentait de l’interpeller en haut d’une construction en bois, vendredi 30 août lors de l’expulsion de la zad de la Cal’Arbre, le jeune opposant à l’autoroute A69 a fait une chute de 8 mètres de haut, se fracturant six vertèbres. Il est passé très près de graves séquelles, voire de la mort, et dénonce la mise en danger « disproportionnée » des opposants à l’autoroute.

Le 30 août, dès 7 heures du matin, alors qu’environ 200 à 300 gendarmes déferlaient sur la zad de la Cal’Arbre, à l’ouest de Castres, Camille a été brusquement réveillé. « C’est allé très vite, tout le monde courait pour échapper aux gendarmes, c’était la débandade », dit-il à Reporterre. « J’ai décidé d’aller dans le sens contraire, de me rendre à “bourg-palette” et de grimper dans la vigie, je voulais sauver ce site de la destruction. »

Lire aussi : Expulsion « extrêmement violente » de la zad contre l’A69

Ce fortin, construit en palettes de récupération, et sa vigie, haute de 6 mètres, permettent aux zadistes d’avoir une vue d’ensemble sur le chantier à quelques mètres de là, d’alerter sur une éventuelle intervention policière et surtout de protéger la zone des machines d’Atosca, le concessionnaire de l’autoroute qui souhaite poursuivre les travaux au plus vite.

Mise en danger par un gendarme

« Les gendarmes sont tout de suite entrés dans le fortin et ils ont commencé à me hurler dessus depuis le sol. Ils m’ont demandé de mettre mes mains en évidence, et l’un d’eux m’a pointé avec son fusil LBD. Il n’y avait aucun dialogue, juste des invectives. »

« J’étais dans l’attente, les mains en évidence, quand j’ai senti la tour trembler. J’ai vu qu’un gendarme commençait à monter par l’intérieur. Vu son équipement, il faisait sûrement partie de la Cnamo. »

« Mettre notre corps en opposition, c’est notre seule manière de résister à leurs machines et à leur répression. Je ne me voyais pas abandonner la prairie et les arbres qu’on défend depuis tout ce temps. »
© Antoine Berlioz / Reporterre

L’opposant à l’autoroute était alors dans un état de panique : « Pourquoi avait-il besoin de monter maintenant ? Il n’y avait aucune urgence pour eux et je ne représentais aucune menace. Qu’est-ce qu’il allait faire une fois en haut ? Pourquoi n’utilisaient-ils pas une nacelle, qui était pourtant présente sur place ? »

« En quelques secondes, je me retrouve allongé 8 m plus bas »

Effrayé, il a décidé de monter plus haut pour échapper au gendarme. « Mettre notre corps en opposition, c’est notre seule manière de résister à leurs machines et à leur répression. Je ne me voyais pas abandonner la prairie et les arbres qu’on défend depuis tout ce temps. »

« Je leur criais d’arrêter de monter, que j’allais me mettre en danger. Je suis sorti sur le rebord de la vigie, au-dessus du vide, pour monter sur le toit. J’ai mis une première main sur le toit et au moment où j’ai placé la deuxième pour prendre appui, la tour a tremblé à nouveau. Je me suis senti basculer et, en quelques secondes, je me suis retrouvé allongé, 8 m plus bas. »

« Pourquoi les gendarmes n’ont-ils pas utilisé une nacelle ? » se demande Camille, comme ils l’ont fait pour d’autres militants.
© Antoine Berlioz / Reporterre

Des tiges en titane pour maintenir la colonne vertébrale

Le souffle coupé, Camille ne bougeait plus. « J’étais entouré de gendarmes, j’essayais de leur hurler que c’était de leur faute, mais il n’y a quasiment rien qui sortait. Je ne sentais rien, juste un bloc de douleur au niveau de mon dos. »

Plus de deux heures après son accident, Camille a été admis aux urgences de Castres à 9 h 13. « À ce moment-là, je me suis demandé si mes proches allaient être prévenus ou si les camarades sur le terrain savaient que j’étais ici », se souvient-il avec émotion.

Résultat du scanner : six vertèbres fracturées. « Je bougeais mes jambes et les orteils, cela me rassurait, mais je me disais aussi que c’était peut-être la dernière fois », dit-il à Reporterre, derrière des lunettes noires. « Alors que j’étais sous sédatifs et sous morphine, un policier a essayé de me soutirer des informations. Un autre s’est rendu à mon domicile ».

Transféré à Toulouse, en neurochirurgie, il a été opéré le 1er septembre. « On m’a placé des vis et des tiges en titane pour maintenir ma colonne vertébrale », précise Camille. « C’est grâce à cette opération que je peux à nouveau marcher. » Le lendemain, il a envoyé une photo de lui debout à l’hôpital à tous ses proches. « Certaines personnes ont pleuré de joie, c’était extrêmement traumatisant pour tout le monde de vivre cela. »

Le zadiste a chuté du toit de la vigie, à 8 mètres de haut.
© Antoine Berlioz / Reporterre

Très affecté, physiquement et moralement, Camille ne comprend toujours pas ce « passage en force » de la préfecture. « Quand j’étais dans l’ambulance, je me suis dit qu’au moins ma chute les aurait calmés. Mais non, les gendarmes de la Cnamo ont continué à mettre des gens en danger dans les arbres en tentant des interpellations, en coupant des tyroliennes avec leurs pelleteuses et en avançant coûte que coûte. Ils cherchent un nouveau drame, alors qu’on est à 60 kilomètres de Sivens [où le militant Rémi Fraisse avait été tué par une grenade lancée par un gendarme en 2014]. Ils ne retiennent rien ».

Le lendemain de notre rencontre, deux de ses compagnons, perchés dans l’un des derniers arbres encore debout sur le chantier, ont également chuté dans des circonstances proches. Ils ont été évacués, sans que leurs compagnons de lutte aient des informations sur leur état de santé.

« Je ne vais pas arrêter de lutter. Je suis révolté depuis de longues années contre cette violence d’État et cet épisode ne va qu’accentuer ma détermination », assure le zadiste.

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