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L’Algérie, explorations d’un proche passé, par Akram Belkaïd (Le Monde diplomatique, septembre 2024)

ByVeritatis

Sep 7, 2024


La production éditoriale concernant la période coloniale de l’Algérie (1830-1962), guerre d’indépendance comprise, est toujours foisonnante.

L’historien Neil MacMaster montre ainsi le rôle essentiel de la paysannerie dans les insurrections qui ont mené in fine à l’indépendance, malgré la violence des forces françaises (1). Mais les années suivantes restent à explorer. Dans le premier tome d’une série prometteuse, le dessinateur Salim Zerrouki évoque à la fois son enfance et l’immeuble où il a grandi, à quelques centaines de mètres du complexe olympique sur les hauteurs d’Alger (2). Au milieu des années 1970, tout est beau dans cette construction pensée par le grand architecte brésilien Oscar Niemeyer. L’endroit est aussi peuplé de coopérants venus de pays frères (ex-URSS, Cuba…). Les Jeux méditerranéens sont alors un moment de communion nationale malgré le poids de la dictature de Houari Boumediène. Mais l’immeuble se dégrade peu à peu. Les étrangers s’en vont, les fonctionnaires locaux, hier désireux de bâtir le pays, n’y croient plus, les pénuries d’eau potable s’aggravent, les « barbus » s’affirment : c’est bientôt la « décennie noire » (1992-2000). Ces affrontements entre le pouvoir et les groupes islamistes armés dont la population paie le prix, le journaliste et écrivain Amine Esseghir en témoigne, avec le récit de ses deux années de service militaire dans un bataillon opérationnel (3). Embuscades, exécutions sommaires, terreur des civils, appelés — les deux tiers des effectifs — confrontés à la spirale des représailles et contre-représailles, tout y est décrit avec brièveté et intensité. Si l’Algérie ne s’est pas alors effondrée, elle le doit beaucoup à cette jeunesse obligée de porter l’uniforme, mais les conséquences matérielles et psychiques de cette guerre civile restent à évaluer. Le roman du comédien Marwane Lakhdar Hamina évoque cette même période (4). Gabriel, jeune ouvrier et poète, se rend à Alger pour finir le livre inachevé de son père, écrivain à succès marqué par les « années de plomb ». C’est une Algérie torturée pour ne pas dire déglinguée qui apparaît au fil des pages d’où, choix assumé, sourd Nedjma, l’œuvre de Kateb Yacine. éclairant les enjeux géopolitiques, le chercheur Brahim Oumansour explique comment, après son éclipse en raison de difficultés intérieures, l’Algérie entend renouer avec son grand passé tiers-mondiste (5). Elle a des atouts — sa carte énergétique et la diplomatie d’un pays qui se veut un pôle de stabilité dans une région marquée par les crises.

(1Neil MacMaster, Guerre dans les djebels. Société paysanne et contre-insurrection en Algérie, 1918-1958, Éditions du Croquant, Vulaines-sur-Seine, 2024, 670 pages, 30 euros.

(2Salim Zerrouki, Rwama, tome 1 : Mon enfance en Algérie (1975- 1992), Dargaud, Paris, 2024, 174 pages, 23,50 euros.

(3Amine Esseghir, Revenir entier. Un appelé dans la guerre contre le terrorisme islamiste en Algérie, L’Harmattan, Paris, 2023, 206 pages, 19 euros. Amine Esseghir, Revenir entier. Un appelé dans la guerre contre le terrorisme islamiste en Algérie, L’Harmattan, Paris, 2023, 206 pages, 19 euros.

(4Marwane Lakhdar Hamina, La Double Mort de K., L’Harmattan, 58 pages, 10 euros.

(5Brahim Oumansour, L’Algérie. Un rebond diplomatique, Eyrolles – IRIS, Paris, 2023, 236 pages, 20 euros



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