Au fond du périple tourmenté de mon existence, un miracle est arrivé. Mon orgueil est tombé, comme un vieux vêtement usé, déchiré, ensanglanté. Je m’y complaisais tellement que je ne percevais pas ce haillon pourtant repoussant. La volupté trompeuse de mon orgueil m’y avait enlisé tels de luisants sables mouvants. Par quel prodige m’en suis-je extirpé ?… Car j’étais trop orgueilleux pour demander secours au Créateur de nos jours, auquel je croyais vaguement ; trop orgueilleux pour demander son aide. Cet horrible orgueil m’aveuglait, m’empêchant de te prier, de te rendre gloire, mon Dieu. Mais malgré mon entêtement, patiemment tu m’accompagnais, durant toutes ces années, ces décennies d’expiation, tu me guidais pour m’affranchir de mon fol orgueil, de ma folle ignorance. Tu me guidais et je l’ignorais. Tu me guidais dans l’aridité glaciale de mes ambitions vers ce grand miracle, tu me sauvais de mon orgueil. Combien j’ai été orgueilleux. Combien j’ai cherché la gloire… comme un chercheur d’or embourbé dans une rivière jusqu’à y crever. Me voilà miraculeusement libre au bout de ce long miracle, libre de célébrer ta toute-puissante bonté. Voilà la bonne nouvelle : ta bonté est invincible. Ta justice expiatoire même sévère est une bonté de ta part. Gloire à toi seul mon Dieu, gloire à ton infaillible patience. Malheureux ceux qui ne te prient que lorsqu’un malheur les touche, et qui t’oublient une fois que celui-ci est passé. Je me sens désormais malheureux si je ne t’offre pas mes joies. Me les accaparer me semble un égarement. Mon seul horizon désormais est de célébrer ton éternelle bonté chaque jour que tu fais. Et ce devrait être l’horizon de tous les hommes, mais les hommes sont profondément malades, si profondément malades qu’ils ne cherchent pas à guérir, et au contraire s’enfoncent obstinément, éperdument dans leur infernale ingratitude, et s’y vautrent passionnément jusqu’à la mort. Préserve-moi de leur malfaisance si perverse. Le maudit cloître de mon orgueil a enfin été détruit et me voilà célébrant ton intarissable bonté dans le silence de mes prières, dans l’ardeur de mes écrits, la célébrant dans la sérénité retrouvée du cœur, à chaque instant du miracle de cette vie. Je n’ai plus soif. Malheureux ceux qui ne perçoivent pas ta sainte bonté pourtant si manifeste, et qui tentent d’en trouver la connaissance dans de laborieuses et interminables recherches ésotériques. Malheureux surtout ceux qui t’utilisent, t’instrumentalisent politiquement, fût-ce contre Israël. Que les hommes veuillent faire de toi leur instrument politique relève du plus grand égarement. Gloire à ta si simple, si claire et si abondante grâce qui résonne aux confins de ta création tels des chants d’amour silencieux. Percevoir cette grâce est déjà un privilège, que vouloir de plus. Les hommes sont-ils à ce point malades pour t’oublier, t’offenser, te défier, te nier, pour préférer s’entre-déchirer pour leur image dans leurs déserts de simulacres. Qui se lasse de célébrer ta bonté est déjà égaré. La vie de l’homme n’est et ne peut être qu’une célébration. Mon orgueil est enfin tombé et je l’ai jeté au feu du vivant. L’éternité est vivante, si vivante, et l’humanité est tellement morte. L’éternité n’est pas orgueilleuse mais une seconde est infiniment orgueilleuse. Le sage croit chercher la vérité mais il ne cherche en vérité que le chemin qui mène auprès de ton insondable et inaltérable joie. Et ce chemin n’est rien d’autre que la défaite de l’orgueil.