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La société israélienne entre hubris et désespoir, par Sylvain Cypel (Le Monde diplomatique, septembre 2024)

ByVeritatis

Sep 12, 2024


Dossier : Proche-Orient, l’abîme

L’attaque du 7 octobre a fait voler en éclats le mythe d’une armée surpuissante sur lequel reposait le sentiment de sécurité de la population. Sous le choc, la société s’abandonne à sa soif de vengeance, sans croire pour autant que l’éradication du Hamas soit un objectif atteignable. La fuite en avant du gouvernement alimente, quant à elle, la hantise de la disparition de l’État d’Israël.

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Nasser Almulhim. — « Beyond the Illusion » (Par-delà l’illusion), 2021

© Nasser Almulhim – Tabari Artspace, Dubaï

À Tel-Aviv ou à Jérusalem-Ouest, les terrasses des cafés sont toujours aussi bondées. On y sirote un expresso avec un croissant aux amandes. Le soir, on y dîne d’une pastasciutta. La guerre ? Ah oui, la guerre… On en parle, bien sûr. On revient sans cesse au choc de ce maudit 7 octobre 2023, cette stupéfaction devant une armée si puissante soudainement impuissante. Mais on retourne vite à d’autres préoccupations. Pourquoi parler de la guerre ? Gaza est si loin (soixante-dix kilomètres de Tel-Aviv…) et la guerre si déprimante. « Ce qui me sidère le plus, dit le cinéaste Erez Pery, qui fut directeur du département cinéma de l’université de Sderot, à deux pas de l’enclave, c’est la vitesse d’adaptation de notre société. Aux terrasses rien n’a changé. » Et pourtant, « beaucoup de gens ont basculé dans un état de frustration profonde ou de colère folle. L’exaspération collective est au zénith ». Nathan Thrall, récent lauréat israélo-américain du prix Pulitzer, résume : « Les cafés sont pleins ? Oui. Il est facile d’“invisibiliser” les Palestiniens tout en vivant confortablement. En même temps, on constate une dépression générale au sein de la population israélienne. »

Que se passe-t-il ? Non pas chez les Palestiniens — ça, on le sait, et c’est terrifiant — mais chez ceux dont l’armée les écrase, les Israéliens ? Les débats sur les chaînes d’information en continu donnent le sentiment d’une gigantesque confusion et d’une population centrée sur elle-même. Cris et invectives sont courants sur les plateaux. Qu’attend-on du lendemain ? On ne sait pas bien, mais on voudrait que les Palestiniens disparaissent du champ de vision. David Shulman, professeur de notoriété mondiale dans le domaine du sanskrit, formule les choses simplement : « L’opinion a une impression d’impasse. Ce qui reflète une réalité : Israël est dans une impasse. Hannah Arendt, ajoute-t-il, avait tout prévu. » Il fait référence à l’évolution ultranationaliste de l’État d’Israël et du sionisme, que la philosophe (…)

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Sylvain Cypel

Journaliste. Auteur de L’État d’Israël contre les Juifs. Après Gaza (nouvelle édition augmentée), La Découverte, Paris, 2024.



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