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Une pollution massive au plomb confirmée pour tout un quartier de Lille


13 septembre 2024 à 15h43

Durée de lecture : 4 minutes

Lille (correspondance), reportage

C’est un secret de Polichinelle. Le quartier populaire de Lille-Sud et la ville voisine de Faches-Thumesnil sont touchés par une importante pollution au plomb. Celle-ci est due — au moins en partie — à l’usine de batteries Exide Technologies. Présente depuis la fin du XIXe siècle à Lille-Sud, elle tourne aujourd’hui au ralenti. Las, l’absence de données publiques — la dernière étude date d’il y a une décennie mais n’a pas été publiée — empêche de saisir avec précision l’ampleur des dégâts.

Les élus écologistes du groupe d’opposition municipale Lille Verte et un collectif d’habitants de Lille-Sud et Faches-Thumesnil (Après 59), inquiets, ont décidé d’en avoir le cœur net. Une enquête participative a été lancée il y a trois ans et menée sur une centaine de parcelles, publiques et privées, dans le quartier, en collaboration avec Alexander Van Geen, un chercheur étasunien de l’université Columbia.

Les résultats sont inquiétants : si les lieux publics présentent des taux bas, de nombreuses parcelles privées sont contaminées. « Concernant ces parcelles, sur 74 échantillons, 30 ont une plombémie supérieure au seuil d’alerte du Haut Conseil de la santé publique [300 microgrammes par mètre carré (µg/m²) de terre] », indique la synthèse des résultats. Laquelle évoque également treize parcelles comprenant une plombémie supérieure à 1 000 µg/m². Le score maximal grimpe même jusqu’à… 5 000 µg/m².

« On avait besoin de transparence »

« On avait besoin de transparence. Le fait d’utiliser cette méthode prouve qu’il y a un problème », relève Julie Nicolas, membre du groupe d’opposition municipale Lille Verte.

Ces résultats renvoient au sinistre souvenir de Metaleurop, situé à 25 kilomètres de Lille. La teneur en plomb y reste élevée malgré la fermeture du site il y a deux décennies. « Les résultats trouvés sont comparables à ceux récoltés dans les zones proches de Metaleurop », lit-on dans la synthèse de l’étude.

Ne pas cultiver de fruits et de légumes

Riverains et militants demandent à l’État des mesures concrètes et adaptées, incluant un dépistage systématique des enfants du quartier en bas âge : sur les tests réalisés, déjà quatre enfants sont reconnus comme souffrant du saturnisme. Cette intoxication aiguë ou chronique par le plomb peut provoquer des retards intellectuels et physiques irréversibles chez les enfants.

Certes, la préfecture du Nord a reconnu, après une enquête publique menée en 2022, cette pollution au plomb. Un arrêté (le 2 février 2023) a établi une série de recommandations sur un périmètre d’environ 200 mètres autour de l’usine, considéré comme une zone à risques. L’arrêté préfectoral interdit d’y forer la nappe phréatique, préconise de ne pas cultiver de fruits et légumes, encadre de manière restrictive les travaux, et contraint les propriétaires à communiquer sur la pollution au plomb dans le cas d’une vente.

Mais les indicateurs choisis par la préfecture sont d’une fiabilité douteuse, estime l’élu municipal Stéphane Louchart : « Le périmètre ne correspond à aucune réalité. Et à l’intérieur de ce périmètre, le seuil ayant été fixé est celui de 1 000 µg/m². C’est gigantesque. Pour Metaleurop, c’était 300, ce qui correspond, en France, au seuil d’alerte. » En 2021, le Haut conseil de la santé publique critiquait le choix d’un seuil de 1 000 µg/m², estimant que « cette valeur n’a aucun fondement sanitaire ».

« On empoisonne les gens »

Les analyses menées tendent à confirmer le caractère aléatoire du périmètre défini par la préfecture. Sur la centaine de tests réalisés à Lille-Sud et Faches-Thumesnil, 75 % l’ont été hors de celui-ci, et c’est aussi là que les taux les plus élevés ont été relevés.

Comme le nuage de Tchernobyl, les poussières de plomb ne semblent pas s’être arrêtés au périmètre administratif. Dans l’attente d’une enquête à plus grande échelle, l’inquiétude demeure. « Chez certains habitants situés hors du périmètre, il y a une grande stupéfaction et beaucoup d’inquiétude, certains ont arraché leur potager », soupire une membre du collectif Après 59.

Une proposition de loi déposée

Présente à Lille pour la communication des résultats de l’enquête, la sénatrice écologiste de Paris Anne Souyris tente de mettre à l’agenda politique l’enjeu des dangers sanitaires liés au plomb. « On empoisonne les gens. On doit considérer le plomb comme un problème sanitaire », insiste l’élue. Qui précise que même une dose infime de plomb dans la nature peut contaminer l’organisme.

La puissance du lobbying des industriels est responsable du manque de mesures coercitives, assure-t-elle. Elle souhaite abaisser le seuil (1 000 µg/m²) fixé par l’arrêté. « Nous proposons la nécessité de consulter le Haut conseil de la santé publique avant de fixer ce seuil réglementaire », indique la proposition de loi présentée par une quinzaine de parlementaires.

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