• jeu. Sep 19th, 2024

« Cuisiner low-tech, c’est bon et créatif »


Après des études de lettres puis de cuisine, et une expérience de cuisinière, Lucie Le Guen met désormais sa plume au service d’associations et d’entreprises engagées dans la transition écologique. Pédagogique, son premier livre, Cuisiner low-tech — Recettes locales et créatives pour économiser l’énergie (éd. Ulmer), propose lieux ressources, techniques et recettes pour se familiariser avec la cuisine basse technologie.


Soupes épaisses, riz trop cuit et ratatouilles, voilà les recettes qui incarnent trop souvent la cuisine low-tech (basse technologie). Cette cuisine peut pourtant être goûteuse et inventive, en plus d’être éthique — elle permet un premier pas vers la sobriété énergétique et l’indispensable transition écologique.

Pour autant, nul besoin de compter les grammes de carbone émis. Il s’agit plutôt de retrouver du bon sens en consommant des produits locaux, bio et de saison, en s’appropriant des modes de conservation durables comme la fermentation, en utilisant des ustensiles simples et les énergies renouvelables que sont le temps, nos corps, le soleil, le feu et le froid.

Four solaire, marmite norvégienne…

Saviez-vous que si nous devions pédaler pour produire l’énergie nécessaire à la cuisson d’un plat de pâtes, nous pédalerions pendant dix heures ? Accessible en ligne gratuitement, le jeu Revolt met en parallèle la consommation énergétique de certaines activités et leur équivalent en temps de pédalage. On comprend ainsi mieux l’intérêt de remplacer, même occasionnellement, nos fours et plaques de cuisson (deux des plus gros consommateurs d’énergie du foyer, après la climatisation et le chauffage) par un four solaire ou un rocket-stove (poêle à fort rendement énergétique, sans fumée de combustion) — des associations comme Chemins de faire se proposent aujourd’hui de vous accompagner dans la réalisation de ce type d’outils.

Lire aussi : Ce boulanger normand cuit son pain… à l’énergie solaire

L’énergie solaire est la seule à permettre des cuissons sans pollution : un four solaire sera parfait pour des gâteaux moelleux ou des poulets rôtis à basse température, quand une parabole permettra des cuissons puissantes comme celle de légumes en croûte de sel — essayez par exemple le « Céleri-rave en croûte de sel, à la crème chicorée ». Mais elle peut aussi s’improviser pour déshydrater des tomates sous un pare-brise — qui est déjà entrée dans une voiture laissée en plein soleil ne doutera pas qu’il y a là de quoi déshydrater les humains et les légumes efficacement.

Recette du céleri-rave en croûte de sel, crème chicorée.
© Lucie Le Guen

Quand le soleil n’est pas au rendez-vous, ou pour préparer des pizzas comme à Napoli, des naans ou un chou-fleur rôti, c’est le four à bois qu’il vous faut ! Vous n’en avez pas ? Peut-être pouvez-vous utiliser l’ancien four de votre commune pour votre pain, ou mijoter votre dîner dans le four à bois de votre boulanger ou boulangère, comme cela se pratiquait autrefois dans les villages ? Partager des moments de convivialité, créer du lien, c’est aussi une des joies de la cuisine low-tech. Qui sait, dans quelque temps, vous confectionnerez peut-être vos confitures entre amies, ou prêterez une parabole solaire à vos voisins.

En ville, ou dans de petits espaces, vous pouvez commencer plus simplement : utiliser un moulin à légumes plutôt qu’un blender pour vos soupes ; installer une marmite norvégienne dans votre cuisine ; préparez sauces et pestos au mortier ; optimisez les cuissons en torréfiant les amandes dans un four qui préchauffe, etc.

Enfin le tempeh (à base de légumineuses fermentées délicieuses et digestes), les pickles (légumes conservés dans le vinaigre, le sel, voire le miel) ou le yaourt maison vous permettront de vous lancer avec peu ou pas de matériel.

Lucie Le Guen, avec un pain au levain cuit dans son tube solaire XL (1,5 kilo de pain et 1 h 20 de cuisson).
© Lucie Le Guen

Pâtes roses, sorbet kiwi-gin, sorbet pomme-miel-noix

Dès qu’il s’agit de cuisine, un bon repas sera toujours plus convaincant que bien des arguments théoriques. Alors parlons saveurs et produits.

Choisissons-les de saison, locaux et bio autant que possible, pour le climat, pour soutenir nos producteurs, régénérer le sol et préserver notre santé. La question du « local » est une problématique complexe, tant les paramètres sont nombreux. Vaut-il mieux s’approvisionner directement chez nos producteurs locaux, ou réduire les kilomètres en privilégiant une coopérative bio ? Pour moi qui habite les Pyrénées, vaut-il mieux acheter français ou espagnol ? Choisir des avocats d’Espagne, plus locaux, ou du Kenya, dont la filière est bien moins gourmande en eau ? À chacun de se poser des questions selon son terroir, et d’y chercher des réponses. L’important est de développer une cuisine vivante et de bon sens, en cohérence avec nos contraintes individuelles et les enjeux écologiques.

Privilégier les viandes, légumes, fruits locaux n’empêche pas la cuisine low-tech d’être créative. En donnant toute son importance au terroir, elle rejoint les ambitions de bien des cheffes soucieuses de valoriser les saveurs des produits. Mais quand ceux-là emploient des outils de pointe pour parfaire leurs cuissons à basse température toute l’année, elle accepte l’aléatoire de la nature. Pour autant, lorsque le soleil est là, un four solaire mitonnera des chairs tout aussi tendres et juteuses que celles des bains-marie et cuissons sous vide.

Dans notre imaginaire collectif, toute restriction alimentaire est vue comme austère. Pourtant en expérimentant, vous vous apercevrez vite que les produits qui poussent en même temps dans un même lieu se marient souvent parfaitement dans les assiettes — la nature a son intelligence et sa cohérence. C’est l’idée défendue par ma « Salade de concombre et framboise relevée à la harissa maison ».

Recette de salade de concombre et harissa framboise.
© Lucie Le Guen

Et les produits exotiques ? On les réserve pour les jours de fête — le fondant au chocolat restera un bonheur pour les repas d’anniversaire. Mais le reste de l’année, pour le quotidien, testez un sorbet pomme-miel-noix, un gâteau à la poire ou des raisins rôtis. C’est délicieux aussi !

Et puis rien ne vous empêche de vous amuser et d’explorer : fabriquez des pâtes roses avec du jus de betterave, essayez le sorbet kiwi-gin ou le tartare bœuf-betterave. Se limiter, c’est se donner la possibilité d’inventer.

Alors non, on ne va pas sauver le monde en cuisant un poulet dans un four solaire, c’est certain. Mais agir au quotidien redonne du sens à une réalité qui peut parfois sembler bien absurde au vu des enjeux qui sont les nôtres. Et agir dans le plaisir, même un peu, donne aussi l’envie d’agir plus…

Cuisiner low-tech — Recettes locales et créatives pour économiser l’énergie, de Lucie Le Guen, aux éditions Ulmer, 192 p., 25 euros.



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