• ven. Sep 20th, 2024

Un collège adopte des toilettes sèches avec succès


Hendaye (Pyrénées-Atlantiques), reportage

« Ce sont des toilettes normales avec un trou au fond. C’est bizarre au début, mais finalement cela ne change rien pour nous. » Avec ces quelques mots, Nora, collégienne de 3e, résume un sentiment général dans l’établissement. Ce qui pourrait ressembler à une révolution s’écoule dans la simplicité. Comme les autres élèves, elle a vu débarquer un nouveau type de toilettes en mars dernier : des toilettes sèches.

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Le collège Saint-Vincent n’est pas un établissement comme les autres, situé dans une ville pas comme les autres. Hendaye, au cœur du Pays basque, est une cité frontalière à la marge du territoire de la République. « Ce n’est pas tout à fait la France ici », constate Philippe Bancon, le directeur. Dans la rue comme dans la cour, la langue française n’est pas majoritaire, concurrencée par l’espagnol et l’euskara (la langue basque). Dans ce contexte culturel, le groupe Saint-Vincent (catholique et associatif), qui accueille 400 élèves répartis du CM1 à la 3e, ne fait pas les choses comme tout le monde.

« En dix minutes, nous étions convaincus »

L’idée des toilettes sèches n’est pas apparue du jour au lendemain. Depuis le début des années 2000, Philippe Bancon s’intéresse à l’écologie. Il l’avoue, « 2018 a été un coup d’accélérateur dans [s]a vie personnelle comme dans l’établissement ». Un déclic provoqué par la lecture de l’ouvrage de Pablo Servigne et Raphaël Stevens Comment tout peut s’effondrer. « J’ai commencé par offrir un exemplaire à tout le personnel, professeurs et agents. »

Puis, les actions se sont enchaînées. Plus de serviettes en papier à la cantine, fini les pochettes en plastique dans les classes, récupération des biodéchets de la cantine pour en faire du compost, travail sur la mobilité douce… La liste s’est allongée et lorsqu’est venue l’heure des travaux dans le collège, la question des toilettes a été envisagée. Rapidement solutionnée après une visite concluante.

« Nous nous sommes rendus dans une école à Saint-Germé dans le Gers, ils utilisent des toilettes sèches depuis plus de douze ans. Il ne nous a pas fallu plus de dix minutes sur place pour être convaincus. » L’établissement scolaire a souhaité aller encore plus loin et a installé également des urinoirs nouvelle génération.

Pour le collège, les toilettes sèches permettent d’économiser 500 000 litres d’eau par an.
© Isabelle Miquelestorena / Reporterre

Conçues sur deux niveaux, les toilettes sèches sont utilisées pour la grosse commission ou pendant les périodes de règles des filles. Les excréments, ainsi que le sang, tombent quelques mètres plus bas sur un amas de broyat de bois. « C’est fait à partir de branches coupées par des élagueurs, c’est encore frais et donc plus intéressant pour le compost », explique M. Bancon. Un système de VMC circulaire, alimenté par un panneau solaire, permet d’évacuer les odeurs vers l’extérieur. L’efficacité est surprenante et soulignée par les élèves. « Ça ne sent pas mauvais comme avant », se réjouit Jon, en classe de 3e.

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Les déchets récoltés viennent s’ajouter au compost constitué par les restes végétaux de la cantine. Ils amendent ensuite la terre du jardin pédagogique de l’école. Mais l’enjeu principal des toilettes au collège ne se situe pas vraiment à ce niveau. En réalité, peu d’élèves défèquent dans l’enceinte de l’établissement. « Je ne fais jamais caca ici, admet Pablo, mais cela n’a rien à voir avec les toilettes sèches, c’était déjà le cas avant. »

Une fresque pédagogique est affichée sur le mur extérieur des toilettes.
© Isabelle Miquelestorena / Reporterre

500 000 litres d’eau économisés

Dans les toilettes des garçons, on trouve aussi des urinoirs fabriqués par une entreprise voisine, basée à Saint-Jean-de-Luz. Le modèle Tipi leur permet de se soulager sans utiliser d’eau. « La seule chose que l’on rejette, c’est l’eau des robinets pour se laver les mains », se félicite le chef d’établissement. Au total, ce ne sont pas moins de 500 000 litres d’eau économisés.
 Côté filles, c’est sur le modèle Marcelle (fabriqué à Troyes) que les élèves urinent.

Comme chez les garçons, plusieurs urinoirs féminins sont disposés à différentes hauteurs pour que chaque fille puisse trouver celui qui lui correspond. Professeure principale d’une classe de 3e, Stéphanie Harguindeguy n’a pas eu de retours négatifs ni de la part des parents ni de la part des collégiens. « C’est neuf, il n’y a pas d’odeur et l’utilisation n’est pas compliquée, même les filles ont fini par adopter l’urinoir. »

Les filles, comme les professeures, ont la possibilité de faire pipi dans un urinoir.
© Isabelle Miquelestorena / Reporterre

Dans la cour cependant, les collégiennes expliquent leurs ressentis contrastés. Pour Juliette, « c’est simple à utiliser et je n’ai pas à m’asseoir, ce qui me dégoûte ». Quant à Emma, elle ne se sent « pas à l’aise d’être debout, c’est vraiment différent ». En discutant avec les unes et autres, on s’aperçoit qu’il s’agit en réalité d’un blocage psychologique et que celles qui l’ont essayé ont fini par l’adopter. « C’est la même chose, mais sans eau », résume Irati.

Urine valorisée, esprits sensibilisés

L’installation d’une cuve enterrée de 12 m3 permet de récupérer l’or jaune et de le stocker. Vidé 4 à 5 fois par an, le réceptacle est le point de départ pour une revalorisation. L’urine contient de l’azote et devient ainsi un engrais naturel réutilisable. Philippe Bancon travaille donc à trouver de nouveaux débouchés pour cette ressource. « Nous avons déjà un partenariat avec les communes de Biriatou et Hendaye ainsi qu’avec le lycée agricole de Saint-Pée-sur-Nivelle, nous aimerions maintenant avoir un maraîcher et un agriculteur dans la boucle. »

À l’origine du projet : Philippe Bancon, le directeur de l’établissement.
© Isabelle Miquelestorena / Reporterre

Si aujourd’hui, les toilettes ne sont plus vraiment un sujet dans la cour ou en salle des professeurs, il a néanmoins fallu préparer le terrain. « Chaque enseignant a dû sensibiliser les élèves, ça s’est répété en plusieurs couches », se souvient Imanol Rattinacannou, professeur de SVT (sciences de la vie et de la Terre). Mais avant de convaincre les enfants, encore a-t-il fallu que chaque enseignant s’approprie le sujet. « Nous avons même fait des apéros dans les toilettes pour en discuter entre nous, l’idée était d’être au point avant d’en parler aux enfants. »

Les enseignants comme Imanol Rattinacannou, professeur de SVT, se servent de l’initiative des toilettes sans eau pour alimenter leurs cours sur diverses thématiques.
© Isabelle Miquelestorena / Reporterre

Plus que ces échanges en amont, ce que les professeurs retiennent, c’est l’appui que cela leur procure sur le plan pédagogique. « Sur de nombreux thèmes abordés en classe comme la raréfaction de l’eau ou la pollution par exemple, on peut raccrocher le cours à ce qui a été mis en place, ainsi ils font le lien avec quelque chose de concret », insiste l’enseignant de SVT.

L’idée : préparer les jeunes aux enjeux du changement climatique. Dans un tel environnement, avec notamment l’exemple des toilettes sans eau, ils se rendent compte que des actions sont possibles. « Ainsi ils sont acteurs, ils changent les choses sans que ça leur coûte. »

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