• lun. Sep 23rd, 2024

« Elle sera le passe-plat de la FNSEA »


Fin août, pour la rentrée, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs prenaient les devants et proposaient un projet de loi « clé en main » à l’exécutif. Objectifs, entre autres : moins de normes, moins d’encadrement de l’utilisation des pesticides, faciliter l’irrigation. Les deux principaux syndicats agricoles expliquaient leur démarche par le manque de résultats « tangibles dans leur cour de ferme » depuis la crise agricole du début d’année.

Avec la nomination d’Annie Genevard (Les Républicains) comme nouvelle ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire, et de la Forêt, ces partisans du productivisme agricole semblent avoir été entendus. La désormais ex-députée du Doubs — elle était reconduite depuis 2012 — a repris les mêmes mots qu’eux dans son discours d’investiture, prononcé ce lundi 23 septembre. « Je vais faire en sorte que, dans les prochaines semaines, des résultats se voient dans les cours de ferme », a-t-elle promis.

Elle a également fustigé les surtranspositions de normes européennes et répété le slogan « pas d’interdiction sans solution » concernant les pesticides. Elle souhaite aussi « redonner du bon sens à toutes les règles, alléger la paperasse, réduire les interdits ». Autant de déclarations qui confirment sa proximité avec la FNSEA. Son suppléant, qui reprend son poste de députée, l’éleveur Éric Liégeon, a d’ailleurs été secrétaire général et vice-président de la FDSEA du Doubs.

Défense des mégabassines et des élevages industriels

Dans son allocution d’une dizaine de minutes, elle a également trouvé le temps de partager « le sentiment de révolte de certains face à des activistes qui détruisent les moyens de production et l’outil de travail indispensable pour nous nourrir », sans doute une référence voilée aux sabotages de mégabassines.

Des déclarations qui ne surprennent pas, au vu des positions prises de longue date par cette élue de droite, qui n’aime pas les militants écologistes. Déjà en 2021, elle avait cosigné un amendement — déclaré irrecevable — pour décourager, via une amende de 50 000 euros, les militants filmant les élevages industriels.

Plus récemment, en juillet dernier, à l’occasion d’un rassemblement des militants opposés aux mégabassines en Charente-Maritime, elle avait estimé que « ce sont des black blocs qui viennent pour blesser, pour tuer ». Pendant les débats sur la loi d’orientation agricole, en mai dernier, elle pourfendait « ceux qui prônent une écologie punitive et décroissante [et] mettent en péril notre souveraineté agricole. »

Son palmarès : l’AOP comté

Reprenant l’exemple du comté, fromage AOP produit dans sa circonscription et assurant un revenu digne à ses producteurs, elle voyait dans ses règles de production une façon de mettre l’écologie « au service de l’économie » avant tout. Une loi qu’elle avait votée et promis de mener à bien en tant que ministre.

Autres exemples, en 2021, elle s’était opposée à l’expérimentation de l’option végétarienne quotidienne dans les cantines. Concernant les pesticides, on retrouve peu de prises de positions à son actif. Sinon l’approbation d’une chronique du journaliste Patrick Cohen dans l’émission « C à vous » sur France 5. Il y estimait que les écologistes demandant l’interdiction du glyphosate sont du côté de l’émotion plutôt que de la science.

Sur le loup, un dossier qu’elle devra gérer avec le ministère de l’Écologie, elle a défendu avec plusieurs de ses collègues députés, au début de l’année, l’abaissement de son statut de protection. « Il faudra que nous reparlions de ce sujet important », a-t-elle annoncé dans son discours lundi matin.

De multiples mandats

Elle a aussi défendu sa connaissance des sujets agricoles, rappelant que depuis qu’elle a été élue parlementaire en 2012 elle a participé à « 120 comices » agricoles. Cette ancienne professeure de français de 68 ans est plutôt vue comme une spécialiste de l’éducation. Elle était membre de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation à l’Assemblée nationale. Mais elle revendique un fort ancrage local dans un territoire agricole.

Elle n’a pas hésité à cumuler les mandats puisqu’elle a été maire de Morteau de 2002 à 2017, et conseillère régionale de Franche-Comté de 2004 à 2012. En tant que parlementaire, elle était aussi membre du Conseil national de la montagne, un organe consultatif sur les politiques à destination des territoires montagneux.

Ceux qui croient voir une novice débarquer dans ce grand ministère risquent donc d’être surpris. Car sa carrière politique montre au contraire qu’elle a toujours su se hisser à des postes à responsabilité. Dans son parti, elle fait partie de la direction en tant que secrétaire générale des Républicains. À l’Assemblée nationale, elle occupait le poste convoité de vice-présidente depuis 2017.

Anti-immigration, anti droits LGBT

Elle a aussi toujours tenu sa ligne réactionnaire : sur les questions sociétales, opposée au mariage pour tous et à la PMA pour toutes, elle estime que cette dernière mesure « consacre définitivement l’absence du père dans la vie d’un enfant ». En début d’année, elle a, pour couronner le tout, voté contre la constitutionnalisation de l’Interruption volontaire de grossesse.

Sur l’immigration, elle a porté le dossier au sein de LR et défendu une ligne de fermeture, demandant à ce que « l’on expulse plus vite ».

Une nomination qui « n’augure rien de bon pour l’avenir de l’agriculture paysanne »

Autant de positions qui importent peu pour la plupart des syndicats agricoles. « Son expérience politique et sa bonne connaissance de la ruralité seront des atouts pour la bonne compréhension des sujets et des réponses urgentes à apporter aux agriculteurs », se sont félicités la FNSEA et les Jeunes agriculteurs dans un communiqué commun. La Coordination rurale salue l’« Élue d’une circonscription rurale marquée par l’élevage et l’agriculture de montagne ». Seule la Confédération paysanne, syndicat de gauche, estime que cette nomination « n’augure rien de bon pour l’avenir de l’agriculture paysanne ».

Il est peu de dire qu’Annie Genevard ne convainc pas à gauche. « Elle sera le passe-plat de la FNSEA », a estimé la députée écologiste Lisa Belluco auprès de nos confrères de La Tribune. « Elle défend bec et ongles un modèle productiviste de l’agriculture », y a aussi regretté aussi la députée LFI Aurélie Trouvé. Côté PS, le député et agriculteur Dominique Potier est moins sévère d’emblée. Il espère auprès de Reporterre que le modèle de l’AOP comté ne l’inspirera pas que du point de vue économique, mais qu’elle se rappellera aussi que la prospérité agricole de son département vient également d’un contrôle des volumes de lait produits et d’un partage du foncier agricole.

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